Voyage au Chili et au Pérou: le bilan sans concession du pape François

Le pape François, de retour de son voyage apostolique au Chili et au Pérou, a atterri le 22 janvier 2018 à Rome. Dans l’avion, tenant sa traditionnelle conférence de presse, le pontife a notamment présenté ses excuses aux victimes d’abus sexuels. Le pape a regretté avoir employé le mot de «preuve» nécessaire pour faire la démonstration de l’existence d’abus.

Le mariage célébré dans l’avion, et les prêtres confrontés à des demandes de mariages en dehors d’une église.

L’un de vous m’a dit que je suis fou d’avoir fait une chose pareille. Les choses ont été simples. Le monsieur, l’homme, était sur le vol précédent. Elle n’était pas là. On a parlé. Je me suis ensuite rendu compte qu’il m’avait déjà sondé. On a parlé de la vie, de ce que je pensais de la vie, la vie de famille. Il parlait, ce fut une belle conversation. Le jour suivant, ils étaient tous les deux [sur le vol]. Quand nous avons pris les photos, ils m’ont dit ceci: ›nous étions sur le point de nous marier à l’Eglise, nous étions déjà mariés civilement mais le jour d’avant – on voit qu’ils venaient d’une petite ville – l’église s’est écroulée à la suite d’un tremblement de terre. Il n’y a pas eu de mariage’.

Ceci s’est produit il y a dix ans, peut-être huit, en 2010, il y a eu un tremblement de terre. Et oui, on le fera demain [le mariage] ou après-demain. La vie s’écoule. Arrive une fille, puis une autre fille, mais ›nous avons toujours eu cela dans notre cœur: nous, nous ne sommes pas mariés…’ Je les ai interrogés un peu ! Et là, les réponses étaient claires, ›pour toute la vie’. Et je leur ai demandé: ›mais comment savez-vous tout cela? Vous avez une bonne mémoire, j’ai demandé, c’est le catéchisme’ ? ›Non, non, nous avons fait les cours de préparation au mariage pour ce moment-là’.

Ils étaient préparés. Aux curés vous leur direz: ›ceux-ci étaient préparés et j’ai jugé qu’ils étaient préparés’. Ils me l’ont demandé… Les sacrements sont faits pour les hommes. Toutes les conditions étaient claires. Et pourquoi ne pas faire aujourd’hui ce que l’on peut faire, non ? On le reporte à demain, mais demain… cela aurait pris dix ou huit ans de plus. Voilà la réponse: j’ai jugé qu’ils étaient préparés, qu’ils savaient ce qu’ils faisaient.

Chacun des deux s’est aussi préparé devant le Seigneur, par le sacrement de la pénitence et ensuite je les ai mariés. Et quand ils sont arrivés ici [à l’arrière de la cabine] tout était fini. On m’a dit qu’ils avaient dit à certains d’entre vous qu’ils iraient devant le pape pour lui demander de nous marier. Je ne sais pas si c’est vrai ou non, qu’ils avaient cette intention. Voilà comment s’est passée la chose. Dites aux prêtres que le pape les a bien interrogés et qu’ils m’ont dit qu’ils avaient fait le cours de préparation au mariage. Mais ils étaient conscients qu’ils étaient dans une situation irrégulière.

Voyage en général

Cela a été un voyage, je ne sais pas comment on dit en italien, mais en espagnol on dit ›pasteurisé’, comme avec le lait que l’on passe du froid au chaud, du chaud au froid. Nous sommes passés du sud du Chili, frais, passage magnifique au désert, la forêt de [Puerto] Maldonado, puis la mer à Trujillo, et après Lima. Toutes les températures et tous les climats. Et c’est fatigant. Merci beaucoup.

Sur le voyage, je voudrais parler de quelque chose qui m’a beaucoup ému. La prison des femmes. J’avais le cœur là… Je suis toujours très sensible aux prisons et aux prisonniers. Et je me demande toujours quand je vais dans une prison: «Pourquoi eux et pas moi ?». Et de voir ces femmes. Voir la créativité de ces femmes, la capacité de vouloir changer de vie, de se réinsérer dans la société avec la force de l’Evangile. L’un de vous m’a dit: j’ai vu la joie de l’Evangile. Cela m’a ému. J’ai été très ému durant cette rencontre, une des choses les plus belles du voyage.  Ensuite à Puerto Maldonado, cette rencontre avec les aborigènes, c’est évident que cet événement a été un signe au monde. Ce jour-là a eu lieu la première réunion de la commission pré-synodale pour le synode sur l’Amazonie qui se tiendra en 2019.

J’ai été ému par le foyer ›Petit prince’. Voir ces enfants, la majorité abandonnés, ces garçons et ces filles qui ont réussi avec l’éducation à aller de l’avant. Ce sont des professionnels là… Cela m’a tellement ému. L’œuvre de porter quelqu’un vers le haut. Ces choses comme nous en avions parlées auparavant portent les personnes vers le haut. Cela m’a tellement ému (…). Et puis les gens. La chaleur des gens. Aujourd’hui, c’était à ne pas y croire, ce qu’il y avait là [à Lima], à ne pas y croire. La chaleur des gens, et je dis, ce peuple a la foi.  Cette foi a été contagieuse pour moi, et je remercie Dieu pour cela.

Voyage au Pérou

Je retiens l’impression d’un peuple croyant, un peuple qui a traversé beaucoup de difficultés, et il les a surmontées dans l’histoire. Une foi qui m’impressionne, et pas seulement la foi à Trujillo, où la piété populaire est très riche et très forte, mais aussi la foi des rues. Vous avez vu les rues ! Et pas seulement à Lima où, évidemment, cela se voit, mais aussi à Trujillo, aussi à Puerto Maldonado, où je ne pensais pas tenir l’événement dans un lieu aussi plein, une place pleine… (…) Un peuple qui sort pour exprimer sa joie et sa foi. Il est vrai vous avez une terre, comme je l’ai dit ce midi, ’sanctifiée’. Le peuple latino-américain qui compte le plus de saints. Des saints de haut niveau: Turibe (ou Toribio, ndlr), Rosa, Martin, Juan… De haut niveau. Je crois que la foi, ils la tiennent bien campée à l’intérieur.

Je retiens du Pérou une impression de joie, de foi, d’espérance, d’envie d’aller de l’avant… Et, par-dessus tout, beaucoup d’enfants. Je me suis souvenu de ces images que j’ai vues aux Philippines et en Colombie, les papas et les mamans levant leurs enfants à mon passage. Et cela exprime l’avenir, cela dit l’espérance. Parce que personne ne met un enfant au monde s’il n’a pas l’espérance. La seule chose que je leur demande, c’est qu’ils gardent cette richesse. Pas seulement celle des églises et des musées, dont les œuvres d’art sont géniales, pas seulement celles de l’histoire de la sainteté et des souffrances qui les ont beaucoup enrichies. Mais aussi cette richesse d’aujourd’hui que j’ai vue.

Réception du voyage au Chili, vu par certains comme un échec

Du Chili, je suis revenu content, je n’attendais pas tant de gens dans la rue. Nous ne payons pas pour les entrées, ces gens ne sont pas payés et n’ont pas été amenés par bus. La spontanéité et l’expression chiliennes ont été très fortes. Y compris à Iquique, que je pensais serait très petite (…)… Combien de gens ont été à Iquique et pareil dans le sud. Et à Santiago, les rues parlaient d’elles-mêmes. C’est pour cela que je pense que la responsabilité de l’informateur est d’aller aux faits concrets. (…) Le peuple divisé [après la visite], je ne sais pas d’où ça sort, c’est la première fois que je l’entends. Peut-être l’affaire Barros l’a créée, mais en la plaçant dans sa réalité, cela pourrait être pour cela. Mais l’impression que j’ai eue est que le Chili a été très gratifiant et très fort. Je voudrais revenir sur deux, au moins un moment de ce qui m’a le plus ému du Chili. Mais cela avant de passer à d’autres thèmes et si nous avons le temps.

Cas de Mgr Barros

Je comprends parfaitement la question. Sur Barros, j’ai fait une seule déclaration. Pas des déclarations, une. J’ai parlé au Chili et cela était à Iquique, à la fin, le dernier [jour]. J’ai parlé au Chili deux fois sur les abus, avec beaucoup de force, devant le gouvernement – ce qui était parlé devant la patrie – et dans la cathédrale avec les prêtres. Le discours que j’ai dit aux prêtres est ce que je ressens le plus profondément sur ce cas.

Vous savez que le pape Benoît a commencé avec la tolérance zéro, et moi j’ai continué avec la tolérance zéro. Après presque cinq ans de pontificat, je n’ai signé aucune demande de grâce. Les processus sont ainsi: ils arrivent à la Congrégation pour la doctrine de la foi et la Congrégation donne la sentence. Dans les cas de sortie de l’état clérical, la sentence est définitive en première instance. La personne condamnée a droit de faire appel, il y a tribunal d’appel, de seconde instance. Le tribunal d’appel sait que s’il y a des preuves claires d’abus, on ne peut faire appel de la sentence, cela ne peut être en appel. Mais ce qui peut l’être, c’est la procédure. Erreurs de procédures, irrégularités, alors là il faut décider une révision du procès. Comme pour tout jugement. Si la seconde instance confirme la première, il ne reste seulement qu’une voie de sortie à la personne, en appeler à la grâce du pape.

En cinq ans, j’ai reçu, je ne sais pas, 20, 25 demandes de grâce qui se sont dirigées vers moi, je n’en ai signée aucune. Seulement dans un cas – qui n’a pas été grâce ou autre –  ce fut une discussion de décision juridique, dans ma première année de pontificat. Je me suis retrouvé avec deux sentences: une très sérieuse du diocèse, et une de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui était la plus dure. Celle du diocèse était très grave, sérieuse, avec beaucoup de précautions et était très conditionnée. C’est-à-dire avec ces conditions, il faut attendre un temps et voir, ne pas fermer le cas. Comme il faut faire en bonne jurisprudence – toujours en faveur du coupable – j’ai opté pour la plus douce, avec des conditions. Après deux ans, il est apparu que les conditions n’ont pas fonctionné, et j’ai laissé appliquer la seconde [sentence]. C’est le seul cas sur lequel j’ai douté, car il y avait deux sentences et un principe juridique, le doute au bénéfice du coupable. Voilà ma position.

Pas d’éléments de culpabilité

Alors, le cas de l’évêque Barros. C’est un cas que j’ai fait étudier, j’ai fait faire une enquête, j’ai beaucoup fait travailler. Et vraiment, il n’y a pas d’éléments, le mot vient de vous. Après je vais parler des preuves. Il n’y a pas de d’éléments de culpabilité. Il semble plutôt qu’on n’en trouvera pas. Il y a une cohérence dans l’autre direction. J’attends un élément pour changer de direction. Sinon, j’applique le principe juridique basique de tout tribunal: nemo malus nisi probetur, personne n’est mauvais jusqu’à ce qu’on le prouve. Et là il y a le mot ›preuve’, qu’on a jugé mal placé. Je parle en espagnol, je m’excuse, je ne m’en étais pas rendu compte et j’ai dit en espagnol – corrigez-moi si je me trompe, pour ce dont je me souviens – j’étais en train d’entrer et une journaliste d’Iquique me demande: «Au Chili nous avons ce grand problème de l’évêque Barros, que pensez-vous ?». Je crois que les paroles que j’ai dites ont été celles-ci… D’abord j’ai pensé: «Je réponds ou pas?». Puis je me suis dit que oui, parce que Barros avait été évêque d’Iquique et une de ses fidèles me le demandait, elle a le droit à une réponse. J’ai dit: ‘Le jour où il y aura des preuves, je parlerai’. (…)

Le mot ‘preuve’ est celui qui m’a trahi…, qui a fait un peu de confusion. Car personne n’est mauvais si ce n’est prouvé. Je parlerai donc d’éléments. Et clairement, je sais qu’il y a beaucoup de gens abusés qui ne peuvent pas apporter de preuves, ils ne l’ont pas. Et ne peuvent pas, ou parfois ils l’ont, mais ils ont honte. [D’autres] qui la taisent et souffrent en silence. Le drame des abusés est horrible, horrible. Il y a deux mois, je me suis occupé d’une femme abusée il y a 40 ans. Mariée avec trois enfants. Cette femme ne recevait pas la communion depuis cette époque, parce que dans la main du curé, elle voyait la main de l’agresseur. Et elle était croyante, catholique ! Elle ne pouvait pas. Excusez-moi si je continue en espagnol, mais je veux être clair avec les Chiliens. Le mot ›preuve’ n’était pas le meilleur pour me rapprocher d’un cœur endolori. Je dirais ›élément’. Le cas de Barros a été étudié, réétudié, et il n’y a pas d’éléments. C’est ce que je voulais dire. Je n’ai pas d’élément pour le condamner. Et si je le condamnais sans éléments ou sans certitude moral, je commettrais, moi, un délit de mauvais jugement.

Puis il y a une chose de plus que je voudrais dire. Cela je l’expliquerai en italien. L’un de vous s’est adressé à moi et m’a dit: «Vous avez vu la lettre qui est sortie ?». Et il m’a fait voir une lettre que j’ai écrite il y a quelques années quand le problème de Barros a commencé. Cette lettre, je dois l’expliquer, parce que c’est une lettre en faveur de la prudence, sur la manière dont a été géré le problème Barros. Cette lettre n’est pas le récit d’un fait ponctuel, c’est le récit de plus ou moins 10-12 mois.

Quand a éclaté le scandale Karadima – un homme que nous connaissons tous, avec son scandale – on a commencé à voir combien de prêtres avaient été formés par Karadima. Ont-ils été abusés ou ont-ils été agresseurs ? Il y a au Chili quatre évêques que Karadima a envoyés au séminaire. Quelques personnes à la conférence épiscopale ont suggéré que ces évêques – trois parce que le quatrième était très malade et n’avait pas de diocèse à sa charge –, qu’il pouvait être préférable que ces évêques renoncent, démissionnent, se prennent une année sabbatique et que une fois la tempête passée… Pour éviter les accusations, parce que ce  sont de braves et bons évêques, comme Barros qui avait déjà 20 ans d’épiscopat. Il était sur le point de terminer l’épiscopat militaire. Il a été d’abord auxiliaire à Valparaiso, puis évêque d’Iquique, et puis évêque militaire presque 10 ans. Donc 20 ans d’épiscopat. Et donc demandons-lui de démissionner, peut-être, en lui expliquant ! Et lui, généreusement, a présenté sa démission. Il est venu à Rome et j’ai dit non. On ne joue pas avec ça parce que c’est admettre la culpabilité.

Dans chaque cas, s’il y a des coupables, on enquête. Et moi, j’ai rejeté la démission. Ce sont les dix mois de la lettre. Et puis quand il a été nommé, il y a eu ce mouvement de protestation et il m’a donné sa démission pour la deuxième fois. J’ai dit non, tu y vas… J’ai parlé longuement avec lui, d’autres ont parlé longuement avec lui. Tu y vas, et vous savez ce qui s’est passé le jour de la prise de possession, et tout cela. On a continué à faire une enquête sur Barros, les éléments ne sont pas arrivés. C’est pour cela, c’est ce que j’ai voulu dire: je ne peux pas le condamner, parce que je n’ai pas d’évidences. Mais aussi, je suis convaincu qu’il est innocent.

Je passe à un troisième point: ce que ressentent les personnes abusées… Sur cela, je dois présenter des excuses parce que le mot ›preuve’ a blessé, a blessé tant de personnes abusées. (…) C’est une traduction du principe légal, et je m’excuse auprès d’elles si je les ai blessées sans m’en rendre compte. Mais c’est une blessure sans le vouloir. Et cela me fait tant de mal, parce que je les reçois. Au Chili, j’en ai reçu deux [des victimes ndlr], ça s’est su, mais il y en a eu d’autres plus cachées. Au Pérou non.

Dans chaque voyage il existe toujours cette possibilité. On a rendu publics ceux de Philadelphie. Trois ont été rendus publics. Les autres n’ont pas été rendus publics. Je sais combien ils souffrent. Entendre que le pape leur dit en face: ›Apportez moi une lettre avec la preuve’, c’est une gifle, et je me rends compte maintenant que mon expression n’a pas été heureuse parce que je ne l’ai pas pensé ainsi. Et je comprends, comme dit l’apôtre Pierre dans une de ses lettres: ‘l’incendie qui s’est déclaré’.  C’est ce que je peux dire avec sincérité. Barros restera là-bas si je ne trouve pas de quoi le condamner. Moi je ne peux pas le condamner si – je ne dois pas dire ›preuve’ – si je n’ai pas d’élément. Et il y a beaucoup de façons de trouver un élément.

Confiance accordée à ceux qui s’expriment contre Mgr Barros

Un témoignage de victimes est toujours un élément. Toujours. Dans le cas de Barros, il n’y en a pas, il n’y a pas d’élément. Cela a commencé… peut-être avec cette mauvaise décision de la renonciation, et on a commencé à l’accuser. Mais sur un [éventuel] abus, il n’y a pas d’élément. Couvrir un abus est un abus. Il n’y a pas d’éléments. Non, il n’y en a pas. Celui qui croit que c’est ainsi, qu’il apporte les éléments rapidement. Si honnêtement vous croyez que c’est ainsi, [apportez-les] vous aussi. Moi, en ce moment, je ne crois pas que ce soit ainsi, parce que je ne les ai pas. Mais j’ai le cœur ouvert à les recevoir.

Déclaration du cardinal Sean O’Malley

Je comprends, je comprends… J’ai vu la déclaration du cardinal O’Malley, qui a aussi dit ‘le pape a toujours défendu ceci… le pape est pour la tolérance zéro…’ Avec cette expression malheureuse, c’est vrai… Il m’a fait penser que le mot ›preuve’…

Journaliste: Calomnie…

Calomnie, oui. Quelqu’un qui dit avec opiniâtreté, sans avoir d’éléments que l’on a fait ceci, que l’on a fait cela, c’est de la calomnie. Si je dis que vous avez volé, c’est de la calomnie, car il n’y a aucun élément. Mais moi, je n’ai entendu aucune victime de Barros. Elles ne sont pas venues donner les éléments pour un jugement. C’est un peu léger cela, c’est quelque chose qu’on ne peut pas prendre en compte. Vous – avec bonne volonté – vous me dites qu’il y a des victimes, mais je ne les ai pas vues, elles ne se sont pas présentées. C’est vrai que Barros était du groupe des jeunes là-bas [proches de Karadima], il a été envoyé au séminaire, je ne sais plus quand. Cela fait aujourd’hui 20-24 ans qu’il est évêque, il a été prêtre une quinzaine d’années. Il y a tant d’années, il était très jeune. Lui dit n’avoir rien vu. Il a fait partie du groupe, mais ensuite il a pris une autre route.

Il faut être clair: quelqu’un qui accuse sans éléments avec opiniâtreté, c’est de la calomnie. Mais si quelqu’un vient et me donne des éléments, je serai le premier à l’écouter. Nous devons être justes en cela, très justes. Je remercie le cardinal O’Malley pour sa déclaration, car elle a été très juste. Il rappelle tout ce que j’ai fait et ce que je fais, et ce que fait l’Eglise, et puis il a dit la douleur des victimes. Pas en général mais, comme je l’ai dit au début, il y a tant de victimes qui ne sont pas capables de, par honte, pas impossibilité d’apporter un document, un témoignage…

La deuxième question vous m’avez faite était sur la commission. Elle avait été nommée pour trois ans je crois, et elle est arrivée à échéance. On a étudié la nouvelle commission et eux, la commission elle-même, a décidé de renouveler une partie et de nommer de nouveaux [membres]. Mardi, avant ce voyage, est arrivée la liste définitive de la commission et elle suit le chemin habituel de la Curie. Il y a des questions sur quelques-uns qu’il faut éclaircir. Car les nouveaux, il faut étudier leur curriculum, ce qu’ils ont fait. Il y avait deux observations à éclaircir. Mais sur cela, le cardinal O’Malley a bien travaillé, la commission a travaillé comme il le fallait. Non, non, s’il vous plait, ne pensez pas… Ce sont des délais normaux pour des nominations de ce genre.

Corruption

D’abord le problème de la corruption. Je ne saurai pas répondre historiquement sur le progrès de la corruption, ou historiquement dans d’autres secteurs du monde. Je sais que dans quelques pays d’Europe, il y a beaucoup de corruption. Dans quelques-uns, pas tous. Oui, en Amérique latine, il y a beaucoup de foyers de corruption. Aujourd’hui, il est à la mode de parler d’Odebrecht [scandale de corruption au sein de cette entreprise brésilienne de BTP, qui a éclaboussé la classe politique sud-américaine, ndlr], mais ce n’est qu’un exemple.

L’origine de la corruption, c’est… le péché originel qui te dirige… J’ai écrit un petit livre une fois, très petit, qui s’appelle ›Péché et corruption’ et l’argument que j’ai sorti de ce livre est: ›pécheur, oui, corrompu, non’. Nous sommes tous pécheurs, mais je sais que nous tous qui sommes ici, j’ai pour ma part la volonté – et je pense que vous aussi – que quand je suis hors-piste, en un péché fort, que cela est mal – j’agis mal avec un ami, ou je vole, me drogue – et donc je m’arrête et j’essaye de ne pas le faire. Bon, demander le pardon de Dieu sur tout cela.

Je n’ai pas peur du péché, j’ai peur de la corruption. Car la corruption vicie ton âme et ton corps. Un corrompu est si sûr de lui-même qu’il ne peut revenir en arrière. La corruption est comme ces sables mouvants, dont tu veux sortir. Tu fais un pas en avant, mais il t’avale de plus en plus, il t’avale. C’est un sable mouvant. Oui, c’est la destruction de la personne humaine. (…)

Le politique a beaucoup de pouvoir, l’entrepreneur aussi a beaucoup de pouvoir. L’entrepreneur qui paie à moitié ses ouvriers est un corrompu. Une maîtresse de maison qui est habituée et qui croit qu’il est tout à fait normal d’exploiter les bonnes, soit par le salaire soit par la façon de les traiter, est une corrompue, parce qu’elle considère cela comme normal.

Je me souviens d’une conversation que j’ai eue avec une personne, un professionnel, qui me disait comment il menait les choses. Jeune, 30 ans. Et il me disait qu’il traitait le personnel domestique d’une manière en rien noble. Il me disait les choses qu’il faisait avec le personnel domestique. Je lui ai dit: ›Mais vous ne pouvez pas faire cela, cela est un péché’. ›Mon Père, m’a-t-il dit, nous n’allons pas comparer ces gens avec moi, ces gens sont là pour ça’. Et c’est ce que pense l’exploiteur sexuel, l’exploiteur du travail esclave… Corrompus.

Et dans l’Eglise, il y a de la corruption? Oui, il y a des cas de corruptions dans l’Eglise. Dans l’histoire de l’Eglise, il y en a toujours eu. (…) Des hommes et des femmes d’Eglise sont entrés dans le jeu de la corruption. Et cela me sert de pont avec Sodalicio.

[L’affaire] Sodalicio a commencé avec le cas d’une personne qui semblait de grande vertu, est morte, et en enquêtant sur sa vie, on a découvert qu’elle avait une double vie. C’est le premier cas de Sodalicio que je connaisse, mais il remonte à bien 20, 25 ans en arrière. Après, il y a eu une dénonciation d’abus, non seulement sexuel, mais aussi d’abus de manipulation de la conscience, contre le fondateur. Le procès du fondateur est arrivé au Saint-Siège et on lui a donné une condamnation: on ne l’a pas expulsé de Sodalico mais il doit vivre seul [avec] une personne pour l’aider. Il s’est déclaré innocent des preuves qui ont été produites dans le procès, et a fait appel devant la Signature apostolique, qui est la cour suprême de justice du Vatican. La cause est en appel, et pour les informations que j’ai, elle sortira dans moins d’un mois. Ça a pris un an.

Mais que s’est-il alors passé ? Ce procès a été la gâchette pour que d’autres victimes de cette personne fassent des procès civils et ecclésiastiques. Donc si la Signature apostolique met fin à ce procès en premier – tant en faveur que contre – cela n’a plus de sens, car maintenant oui, il y a des beaucoup de choses plus graves. La justice parlera, mais il y plusieurs cas clefs. La justice civile est intervenue, dans ces cas d’abus cela est nécessaire, tant parce que cela est utile que parce que c’est un droit. Et je crois, pour ce que je sais, – mais je ne suis pas très attentif – que la cause est assez défavorable au fondateur.

D’un autre côté, ce n’était pas une situation personnelle seulement, il y avait là des choses pas très claires. Ainsi, il y a presque deux ans, j’ai envoyé un visiteur auprès de Sodalicio, en la personne du cardinal Tobin, l’évêque de Newark. Le cardinal Tobin a fait la visite, découvert des choses qu’il ne comprenait pas ou qui ne sont pas claires, et a nommé deux superviseurs économiques. Et cela est le troisième abus: le fondateur volait aussi, la gestion économique. Et après une étude, il a recommandé de commissionner [nommer un commissaire auprès de, ndlr] Sodalicio. Il y a quatre semaines, j’ai reçu sa lettre, j’ai étudié le cas et il y a deux semaines, j’ai nommé le commissaire. Sodalicio est commissionnée par le Saint-Siège pour tout cela.

Un cas similaire, dans les développements pas dans les accusations, à celui des Légionnaires, déjà résolu à son époque, par le pape Benoît XVI qui en cela il a été très ferme, très fort. Benoît ne tolérait pas ces choses, et j’ai appris de lui à ne pas les tolérer non plus. Je ne sais pas si j’ai répondu à ta question. Le stade juridique aujourd’hui de Sodalicio est celui du commissionnement et en même temps, la visite apostolique continue.

Affaire autour du cardinal Maradiaga

Sur le cardinal Maradiaga, ce n’est pas sur le voyage, mais je réponds. Il a fait une déclaration filmée en vidéo. Je dis ce qu’il a dit.

Perversion de politiques écologiques environnementalistes qui finissent par étouffer les peuples.

Oui ! Oui, dans cette zone [en Amazonie], je ne pourrais pas bien le décrire ici, mais le fait de protéger la forêt pour sauver quelques tribus qui, finalement, restent en dehors. Mais ensuite la forêt a disparu à la suite d’une surexploitation. Les données plus précises de ce cas se trouvent dans les statistiques de cette zone. Tu trouveras sûrement des données plus précises. Il y a un phénomène qui consiste à protéger l’environnement mais qui conduit à l’isolement. Et ils [ces peuples] sont restés isolés d’un progrès réel. Ce phénomène a été donné pour cette zone dans les informations qui ont été envoyées pour préparer le voyage, et que j’ai étudiées.

Réduction de la pauvreté au Chili et le libéralisme

Sur le libéralisme, je dirais qu’on doit bien étudier les cas de politiques libérales. Il y a d’autres pays en Amérique latine avec des politiques libérales qui ont conduit le pays à une plus grande pauvreté. Ici, en vérité, je ne sais pas quoi répondre parce que je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine. Mais en général, une politique libérale qui n’inclut pas tout le peuple et est sélective, tire vers le bas. Mais c’est une règle générale.

Le cas du Chili je ne le connais pas pour répondre. Mais nous voyons que dans d’autres pays latino-américains, les choses vont vers le bas, tirent chaque fois plus vers le bas. (cath.ch/xln/be)

23 janvier 2018 | 09:45
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 19  min.
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