La main de saint Nicolas a-t-elle protégé la Suisse en 1940?
Alors que l’année jubilaire de saint Nicolas de Flüe touche à sa fin, il s’agit encore d’évoquer un événement miraculeux méconnu qui lui a été attribué. Les témoins en sont persuadés: le 13 mai 1940, Frère Nicolas a protégé la Suisse de l’Allemagne nazie.
Le soir du lundi de Pentecôte 1940, des habitants du sud du canton de Bâle-Campagne auraient été témoins d’un très étrange phénomène céleste: à 21h30, une main resplendissante serait apparue dans le ciel, au-dessus de la commune bâloise de Waldenburg. La main a semblé flotter sur la campagne pendant une dizaine de minutes. Pour la grande majorité des habitants de Waldenburg et des militaires qui y étaient stationnés, il ne s’agissait pas d’un phénomène météorologique exceptionnel. Ces personnes ont toujours été convaincues d’avoir vu un signe céleste miraculeux. Ils racontent en effet que la main apparaissait tout à fait distinctement. Elle aurait été maigre et osseuse, avec des attributs anatomiques clairement identifiables. Le ciel aurait de plus été sans aucun nuage, ce soir-là.
La Suisse protégée des Nazis?
L’événement, qui n’a pas encore trouvé à ce jour d’explication, a été interprété par de nombreuses personnes, quelques jours plus tard, comme le signe qu’une puissance supérieure avait protégé la Suisse contre une attaque des armées d’Adolf Hitler. Le 12 mai 1940, le ministre allemand de la propagande, Joseph Goebbels, avait en effet annoncé que «dans les 48 heures, il n’ y aurait plus d’Etats neutres en Europe». Une invasion du Troisième Reich semblait donc imminente. Le Conseil fédéral avait d’ores et déjà ordonné la mobilisation générale. L’armée suisse attendait l’attaque à la frontière nord. Mais au lieu de traverser le Rhin, les Allemands marchèrent sur les Ardennes.
De nombreux témoins attribuèrent le miracle non pas à Dieu lui-même, mais au saint patron de la Suisse, Nicolas de Flüe.
En juin 1940 déjà, l’Eglise catholique se saisit de l’affaire. Werner Durrer, Père-Abbé du couvent de Sachseln (OW), se rendit à Waldenburg. Il y interrogea séparément huit hommes, cinq femmes et deux enfants au sujet de l’apparition. Il réalisa également des croquis à partir de leurs témoignages.
Perplexité de l’Eglise
Werner Durrer envoya son rapport à l’évêque de Coire. Il est possible que si ce dernier avait interprété le cas comme un miracle potentiel de Frère Nicolas et l’avait transmis au Vatican, l’ermite du Ranft aurait pu être canonisé plus tôt (il le fut en 1947). L’évêque doutait cependant de l’authenticité du phénomène et n’a pas autorisé l’envoi des documents à Rome.
Cette décision n’a toutefois pas empêché de nombreux fidèles de croire que saint Nicolas avait sauvé le pays de la guerre. Le fait que l’Obwaldien, en route pour l’Alsace, avait reçu justement près de Waldenburg, en 1467, l’inspiration de retourner au Flüeli-Ranft, confirmait cette conviction.
L’attitude défavorable de l’Eglise et le grand silence de la presse a rapidement conduit le présumé miracle dans l’oubli. Même si, des décennies plus tard, les habitants de Waldenburg et les soldats qui avaient été témoins du phénomène étaient toujours aussi persuadés d’avoir aperçu cette main dans le ciel. Mais ces témoins étant de moins en moins nombreux, le «miracle de Waldenburg» s’efface peu à peu de la mémoire collective.
Un miracle «oublié»
Seule une fresque murale, dans l’église de Melchtal (OW), commémore l’événement. Réalisée en 1945 par Albin Schweri, elle représente un soldat et des habitants de Waldenburg qui regardent, avec effarement, la main protectrice lumineuse flottant dans le ciel. Des bombardiers et des explosions signalent le danger imminent venant du nord.
Les esprits critiques ont fait du prétendu «miracle de Waldenburg» une élucubration issue de la piété populaire. Aucun des témoins de l’époque n’a cependant jamais voulu démordre de la réalité de cette expérience saisissante.
Alors, phénomène naturel très particulier ou signe qu’une puissance supérieure a protégé la Suisse? La vérité ne sera probablement jamais connue. (cath.ch/cuw/af/rz)