Abbé Thomas Ruckstuhl: "Vous devez dire au revoir à l'omniprésence du prêtre". (© Francesca Trento/kath.ch)
Suisse

Thomas Ruckstuhl: devenir curé après 17 ans comme supérieur de séminaire

L’abbé Thomas Ruckstuhl a été supérieur du séminaire du diocèse de Bâle pendant 17 ans. Il a demandé à retourner en paroisse. A partir de mi-novembre 2017, le prêtre lucernois sera curé des paroisses de Saint-Urs et Sainte-Marie, dans le canton de Soleure. Interview

Après 17 ans comme ‘regens’– supérieur de séminaire –, vous recommencez en tant qu’administrateur paroissial. Est-ce encore possible?
Abbé Thomas Ruckstuhl: (rires) C’est un défi, certes. Il s’agit de s’impliquer dans un autre domaine: la pastorale et la conduite paroissiale. Mais c’est à cela que j’ai formé de jeunes hommes au Salesianum de Fribourg et au séminaire St. Beat de Lucerne. Alors j’ai hâte d’y être.

Accompagner des jeunes à la prêtrise, ce n’est pas la même chose qu’exercer soi-même la prêtrise…
C’est exact, mais c’est une bonne condition préalable! Dans mon travail de formateur, j’ai dû traiter un grand nombre de questions liées à la vie paroissiale. Et en tant que responsable de programme pour le stage pastoral, j’ai initié les prêtres, les diacres et les assistants pastoraux aux domaines essentiels de la pastorale. Un accompagnement de 14 semaines thématiques sur une période de deux ans. Par exemple, dans la pastorale de jeunesse et la diaconie, dans la liturgie et l’enseignement religieux, la gestion du temps et les dynamiques de groupe.

Au cours des dernières années, j’ai également présidé des messes et prêché le dimanche en paroisse, et j’ai célébré régulièrement des mariages, des baptêmes et des funérailles. J’ai aussi rencontré des jeunes, des parrains et des parents durant la préparation au sacrement de la confirmation. J’ai ainsi gardé un pied dans la vie paroissiale.

«Vous devez dire au revoir à l’omniprésence du prêtre»

Pourquoi avoir soudainement pris la décision de revenir en paroisse?
17 ans comme ‘regens’ ne suffisent-ils pas? (rires) Dans le diocèse de Bâle, il est d’usage de repourvoir des postes de direction après 10 ans. Mon changement n’est donc pas surprenant. J’ai simplement exprimé mon désir à l’évêque, Mgr Felix Gmür, de retourner en pastorale. Le ministère est pour moi l’un des plus beaux services de l’Église. Quoi de plus précieux et de gratifiant que d’accompagner des personnes de tous âges dans leur cheminement de vie et d’être là pour elles à des moments charnières de leur vie?

Vous deviendrez le curé modérateur de deux paroisses – et peut-être cinq. Pouvez-vous toujours être proche des gens?
Je ne suis pas seul. Pour deux paroisses, nous sommes une équipe pastorale de cinq personnes. Les gens doivent s’habituer à partager la responsabilité pastorale. Vous devez dire au revoir à l’omniprésence du prêtre.

«L’Église par nature n’est pas sédentaire. C’est une communauté de pèlerins»

La tendance aux fusions de paroisses est évidente dans toute la Suisse. Cela ne signifie-t-il pas que l’Église s’éloigne des gens?
L’Église par nature n’est pas sédentaire – bien que cela se soit développé dans de nombreuses structures. L’image du Concile Vatican II est celle d’une communauté de pèlerins. Cette communauté doit bouger. Nous devons converger, les uns vers les autres. Je crois aussi que les Unité pastorales (UP) doivent être vue en parallèle à d’autres changements sociaux.

N’est-ce quand-même pas pour faire face à la diminution des fidèles?
Il ne faut pas se focaliser sur le fait qu’il y a moins de croyants, moins d’argent et donc moins de moyens. Les agglomérations s’agrandissent. Nous devenons de plus en plus mobiles. Des écoles ferment, les casernes de pompiers collaborent, les communes fusionnent. Les paroisses ne sont pas déconnectées de cette évolution. Cela présente à la fois des opportunités et des défis.

Les églises, cependant, ne sont pas davantage pleines, même après la fusion des paroisse…
Approcher les gens, c’est d’abord vouloir comprendre qui ils sont et ce dont ils ont besoin. J’ai récemment lu un livre de l’Américain Michael White. Il a beaucoup étudié le thème du renouvellement paroissial. Il dit: «Les fidèles ne sont pas seulement ceux qui viennent à l’église. Où sont les autres qui appartiennent aussi à la paroisse? Qu’ont-ils en tête? Et de quoi ont-ils besoin, afin qu’ils viennent à la messe?

Et quelle est la réponse?
Les résultats sont américains, bien sûr. Cela commence par des questions pratiques comme: est-ce que l’église a-t-elle assez de places de parc? Sinon, ce sera difficile. Que faire avec les enfants pendant le messe? Ils ont besoin d’un service de garderie de qualité et sûr.

Il est également important pour les gens de savoir comment ils sont accueillis avant la messe. Ils ne veulent pas simplement venir et repartir. Il faut donc qu’il y ait une structure qui leur permette de se sentir unis.

Dieu ne suffit-il pas?
Bien sûr que oui. Mais sans les gens, il n’y a pas d’église. Donc sur un terrain bien préparé, il sera plus facile d’inviter Dieu dans la partie et de Lui ouvrir des portes.

N’est-ce pas pas plus facile en tant que ‘regens’, puisque les gens viennent vers vous?
C’est vrai. Le contact entre le responsable du séminaire et les étudiants est régulier. Il y a des réunions hebdomadaires, durant lesquelles nous nous rencontrons et vivons la messe. Nous parlons de spiritualité, de foi personnelle, de vie personnelle et d’aptitude pastorale. De plus, tous les étudiants du diocèse se rendent à un entretien personel avec le ‘regens’ au moins une fois par an.

«Sur les 110 étudiants en théologie, 90 choisissent la voie non-célibataire»

Qu’est-ce qui est plus difficile en tant que ‘regens’?
De dire ‘non’ le plus honnêtement possible à quelqu’un que vous ne voyez pas dans ce métier. J’ai essayé d’agir selon le principe que le premier ‘non’ est le ‘non’ le plus miséricordieux. J’ai justifié les refus et j’ai tenté de proposer des solutions de rechange chaque fois que c’était possible, ou de signaler les prochaines étapes. Parfois, les projets d’études ont tout simplement échoué en raison du manque de financement, malgré les opportunités de bourses.

Quelle était la plus belle expérience?
De voir les jeunes, qui abordent des telles études avec un grand engagement et un idéal. Alors que la plupart des gens le considèrent comme tout sauf souhaitable.

Vous parlez notamment du célibat?
Oui, entre autres. Mais la plupart des étudiants ne choisissent pas la voie du sacerdoce. Sur les 110 étudiants, 90 choisissent la voie non-célibataire, pour devenir assistants pastoraux, par exemple.

Je pense qu’il est bon, cependant, que quelqu’un décide d’être célibataire par détermination intérieure et choix personnel, et ne perde pas sa capacité d’aimer. Cela demande du courage, une base spirituelle solide et de bonnes amitiés.

Qu’est-ce qui vous a donné ce courage ?
D’une part, de sentir que l’on peut non seulement obtenir de l’amour d’une seule personne, mais de beaucoup d’autres, même sans proximité intime. D’autre part, la vie de célibataire doit être pratiquée et le candidat doit vérifier par lui-même s’il veut donner à Dieu la première place dans sa propre vie. Et c’est à cela que sert le séminaire. (cath.ch/kath/ft/gr)

 

Abbé Thomas Ruckstuhl: «Vous devez dire au revoir à l'omniprésence du prêtre». (© Francesca Trento/kath.ch)
20 octobre 2017 | 18:31
par Grégory Roth
Temps de lecture : env. 5  min.
Partagez!