La famille vincentienne: 400 ans de service aux «oubliés»
Depuis 400 ans, des centaines de milliers de personnes inspirées par le charisme de saint Vincent de Paul ont apporté aide et réconfort aux «oubliés» de la société. En Suisse et ailleurs, les membres de cette famille vincentienne portent aujourd’hui plus particulièrement leurs efforts vers les plus démunis des démunis: les réfugiés et autres requérants d’asile.
Vincent de Paul a une quarantaine d’années, en 1617, lorsqu’il découvre que sa grande vocation, son charisme, est d’apporter aux pauvres aussi bien la lumière divine que le pain. En tant que curé de campagne, il est témoin de la grande misère matérielle, mais aussi spirituelle, des paysans. Après avoir été appelé au chevet d’un meunier mourant, il est touché au fond de son cœur. Vincent de Paul, qui était entré dans l’Eglise pour y faire «carrière», prend alors conscience de sa véritable mission d’évangélisation et de secours aux démunis.
Accent sur les migrants
Jusqu’à sa mort, en 1660, il fondera de nombreuses congrégations et œuvres de charité qui prospéreront de par le monde. En 1633, il crée notamment la Compagnie des Filles de la Charité. Ces religieuses font vivre encore aujourd’hui l’esprit de saint Vincent dans le domaine de l’aide aux plus marginalisés. Les branches européennes de la congrégation ont décidé depuis quelques années de mettre un accent particulier sur les migrants. En Suisse, elle sont notamment actives à Fribourg, où elles portent assistance et réconfort aux requérants d’asile au centre d’accueil Point d’ancrage.
Les Filles de la Charité constituent un des membres de la grande famille vincentienne, qui compte 165 institutions à travers le monde. On y trouve entre autres l’Association internationale des Charités (AIC), la Société de Saint-Vincent-de-Paul, ou encore la Jeunesse mariale vincentienne. Il s’agit d’une famille catholique particulièrement prospère. La Société de Saint-Vincent-de-Paul (Conférences) compte ainsi pas moins de 800’000 membres de par le monde. 150’000 personnes sont engagées dans l’AIC et les Filles de la Charité sont plus de 16’000, actives dans 93 pays.
Charisme à double visage
Toutes ont en commun de se consacrer principalement à l’évangélisation et à l’aide aux pauvres, selon l’héritage de saint Vincent. Cette double intention constitue la principale caractéristique de son charisme. Monsieur Vincent disait toujours qu’il fallait donner aux pauvres «les deux viandes, corporelle et spirituelle», souligne Sœur Marcelle Allaman, Fille de la Charité à Fribourg.
Elle rappelle à quel point l’engagement de Vincent de Paul avait quelque chose de précurseur, qui entre en résonnance avec l’époque actuelle, notamment avec la sensibilité du pape François. L’option préférentielle pour les pauvres en est le trait le plus évident.
Mais le saint du XVIIe siècle a également donné un élan considérable à la participation des laïcs dans les œuvres de charité, assure Sœur Marcelle. Elle raconte que Vincent de Paul avait fait part, lors d’un sermon à Châtillon-sur-Chalaronne, dans l’Ain, de la grande détresse d’une famille. Il avait été impressionné par l’immense solidarité dont avaient alors fait preuve les villageois envers les indigents. Cet épisode l’avait amené à rechercher le secours de la population pour ses œuvres de charité. Cette importance donnée au travail des laïcs constitue également un aspect que le pape François tente de renforcer au sein de l’Eglise.
Féministe avant l’heure?
Saint Vincent a également mobilisé les services de nombreuses femmes dans sa mission. Des siècles avant que le rôle des femmes ne fasse réellement débat dans la société, il leur a donné des responsabilités inhabituelles pour l’époque. Lorsqu’il fonda les Dames de la Charité, en 1617, le règlement stipulait que les femmes étaient chargées de l’organisation et de la gestion du travail. Une avancée qui fait résonnance aux efforts du pape actuel pour renforcer le rôle des femmes dans l’Eglise.
Sœur Marcelle souligne la volonté première de saint Vincent était que tout le monde ait sa place, que nul ne soit laissé de côté. Il avait une idée déjà très moderne de la charité, qui comprenait un respect total de la personne aidée et son implication dans son propre relèvement.(cath.ch/rz)
400 ans de charisme
Le jubilé du charisme de saint Vincent de Paul est célébré tout au long de 2017. De nombreuses conférences, congrès, spectacles et autres célébrations ont lieu dans de nombreux endroits du monde, en particulier à Châtillon-sur-Chalaronne, où il découvrit son charisme.
Le point d’orgue des manifestations sera le grand symposium vincentien qui se tiendra à Rome du 13 au 15 octobre. Il sera notamment marqué par une messe présidée par le pape François dans la basilique St-Pierre.
En Suisse, une messe sera donnée en l’honneur du saint, le 30 septembre, à l’église St-Pierre de Fribourg.
Saint Vincent de Paul
Vincent de Paul naît dans une famille de paysans de classe moyenne, en 1581 à Pouy, près de Dax, dans l’ouest de la France. Il est le troisième enfant d’une fratrie de six. Ses parents sont chrétiens et lui transmettent une foi vivante et concrète.
Après des études de théologie à Dax et à Toulouse, il est ordonné prêtre en 1600, à l’âge de 19 ans. Les années suivantes sont énigmatiques. Selon une version mise en doute, il aurait été capturé par des pirates et resté plusieurs années en captivité à Tunis. Il se serait ensuite enfui avec son maître après l’avoir converti.
Aumônier de la Reine Margot
Il réapparaît à Paris en 1608. Ses relations lui font rencontrer Monsieur de Bérulle, un des représentants majeurs de l’Ecole Française de spiritualité.
Vincent, à ses débuts, est prêtre par vocation, mais aussi pour s’assurer une «honnête retirade». Il pense à une carrière qui lui permettra de mettre sa famille à l’abri de la pauvreté. Il arrive à rejoindre la cour vers 1610, après avoir été distributeur d’aumônes au nom de la Reine Margot, première femme du roi Henri IV.
Il devient en 1612 curé de Clichy. Il est bientôt au service d’une famille très influente du royaume, les Gondi. Monsieur est général des galères, sa femme gère son domaine. Vincent est précepteur des enfants. Il devient l’accompagnateur spirituel de Madame de Gondi.
1617 est une année charnière pour Vincent. Un jour qu’il accompagne Madame de Gondi sur ses terres, il confesse un paysan qui va mourir. Cet homme, réputé honnête, connaît l’angoisse d’aller en enfer pour des fautes qu’il n’avait jamais osé avouer. Après cette confession, il retrouve la paix. A cette occasion, Madame de Gondi s’inquiète de l’état spirituel des gens de sa maison et invite Monsieur Vincent à trouver un «remède à cela». Le lendemain, 25 janvier 1617, il prêche dans l’église de Folleville avec toute son ardeur et les paroissiens se déplacent en grand nombre pour se confesser.
Servir les pauvres comme «s’il s’agissait de Dieu lui-même»
Cette même année, grâce à Monsieur de Bérulle, il rejoint Châtillon les Dombes, près de Lyon. Il apprend qu’une famille est dans le besoin et le signale pendant la messe. Un élan de générosité saisit l’assemblée qui se presse au chevet des malades avec quantité de victuailles. Vincent est heureux et se pose immédiatement la question d’une meilleure organisation. Grâce à des dames pieuses, il fédère la charité avec un règlement très respectueux qui invite à servir les pauvres comme «s’il s’agissait de Dieu lui-même». Ce sont les premières «Charités» (aujourd’hui, Equipes Saint Vincent). Cette expérience le conforte dans sa nouvelle vocation de se mettre au service des plus humbles. Pressé par les Gondi, il retourne chez eux et se consacre aux besoins corporels et spirituels des plus pauvres. Il est fortement soutenu par Madame de Gondi, qui en 1625, signe le contrat de fondation de la Congrégation de la Mission, chargée de l’évangélisation des campagnes.
Au secours de toutes les misères
Louise de Marillac croise alors sa route et lui demande une aide spirituelle. Il lui confie la visite des charités naissantes et fonde, grâce à elle, les Filles de la Charité en 1633.
Afin de former les prêtres, il met en place les conférences des mardis, les exercices des ordinands, des formations pour les séminaristes et ouvre des séminaires. Il n’a de cesse de créer des réseaux d’entraide avec les acteurs locaux, pour venir au secours de toutes les misères humaines de son époque: les galériens, les enfants trouvés, les blessés des guerres en Lorraine, en Picardie, en Champagne, en Ile de France, les personnes âgées ou atteintes de maladie mentale.
Vincent de Paul meurt le 27 septembre 1660. Il est canonisé par Clément XII le 16 juin 1737 et sa fête est fixée le 27 septembre. (Source: filles-de-la-charite.org)