Brésil: Les indiens Kaiowa font partie des populations indigènes bénéficiant des droits ancestraux à la terre,  inscrits dans la Constitution fédérale de 1988 (Photo: Jean-Claude Gerez)
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Brésil: L’Église condamne le massacre d’indiens «flécheurs»

Par la voix du Conseil Indigéniste Missionaire (Cimi) et de Mgr Adolfo Zon Pereira, l’évêque du Alto Solimões, dans l’Etat d’Amazonas, au nord du Brésil, l’Église brésilienne condamne sans réserve le probable massacre d’un groupe d’indiens isolés, commis en août par des chercheurs d’or illégaux.

L’information ne fait désormais plus guère de doute. Seule l’ampleur du massacre reste encore à déterminer. Dans le courant du mois d’août, un groupe d’indiens isolés vivant près de la rivière Jandiatuba, au sein de la réserve indigène Vale do Javari, à l’extrême ouest de l’État d’Amazonas, au nord du Brésil, a probablement été massacré par des chercheurs d’or venus exploiter illégalement la région.

Le Ministère Public fédéral a confirmé lundi 11 septembre qu’il avait ouvert, à la demande de la Fondation Nationale de l’Indien (FUNAI), une «enquête pour dénonciation de mort d’indiens ayant volontairement choisi l’isolement (…)» et a indiqué que «des investigations étaient en cours».  Tout porte à croire que les victimes figurent parmi un groupe d’indiens connus comme les «flécheurs» et dont l’existence a été découverte dans les années 1970.

Chercheurs d’or «déjà dénoncés»

Dans l’attente d’une confirmation définitive, le Conseil Indigéniste Missionnaire (Cimi) a manifesté, dans un communiqué publié le 11 septembre, « sa profonde préoccupation ». L’entité rattachée à la Conférence Nationale des Evêques du Brésil (CNBB) a rappelé que « les activités illégales des chercheurs d’or de la rivière Jandiatuba ont déjà été dénoncées aux autorités à de nombreuses reprises par des habitants de la région, des leaders indigènes, des organisations de la société civile et pastorales. » Le Cimi a également souligné que « récemment, les activités de chercheurs d’or illégaux se sont intensifiées dans la région limitrophe de la réserve indigène Vale do Javari. »

«Non à la violence contre nos frères indigènes»

«Pourtant, poursuit le communiqué, aucune opération de lutte contre les chercheurs d’or illégaux n’a été organisée par les organismes de contrôle jusqu’au mis d’août 2017».  Une opération a finalement eu lieu fin août, motivée par la nouvelle du possible massacre. Autre motif d’inquiétude ? «Des habitants de la région auraient été menacés par ces mêmes chercheurs d’or illégaux.»

Dans un communiqué publié le 12 septembre, Mgr Adolfo Zon Pereira, évêque du Alto Solimões, qui comprend géographiquement la région du Vale do Javari, a manifesté «son rejet le plus total face à cet acte de violence contre nos frères indigènes» et a dénoncé «les préjudices que l’activité minière provoque depuis des années dans cette région».

«L’État, premier responsable»

Particulièrement marqué par la nouvelle, l’évêque missionnaire xavérien Adolfo Zon Pereira a estimé que ces actes sont couverts par le pouvoir public fédéral au détriment des minorités, en particulier les peuples indigènes. Un sentiment partagé par les responsables du Cimi pour qui «l’État est le premier responsable de la violence dont souffrent les populations indigènes».

«Les processus d’identification et de démarcation de ces zones indigènes sont paralysés», indique le communiqué du Conseil Indigéniste Missionnaire. Le problème est particulièrement important, «puisque si elles étaient effectuées, les démarcations interdiraient de fait l’entrée de chercheurs d’or sur ces terres». Et éviteraient ainsi aux populations indigènes tout risque de confrontation et de massacre.

Renforcer la surveillance

Pour le Cimi, le gouvernement du Président Michel Temer est d’autant plus responsable de cette situation qu’il a «facilité la déstructuration des travaux des Bases de Protection Ethno-environnementales, localisées dans les régions dans lesquelles la présence de peuples isolés a été recensée ou de contact récent, dans l’Amazonie brésilienne, y compris dans le Vale do Javari».

Pour sa part, Mgr Adolfo Zon Pereira demande que «le Gouvernement Fédéral assume avec fermeté son rôle constitutionnel et de garant de la politique indigéniste, en respectant et protégeant les terres démarquées et en complétant la démarcation des réserves indigènes de Jandiatuba». Il appelle également l’État à «garantir une protection effective des réserves indigènes en renforçant les bases de surveillance de la Fondation Nationale de l’Indien (FUNAI), qui souffrent, ces dernières années d’un manque de considération et de coupes budgétaires».

D’autres massacres possibles

L’évêque xavérien manifeste également son soutien total au Ministère Public Fédéral et à la Police Fédérale pour que les investigations commencées puissent être menées à bien et permettre d’appréhender les mandataires et exécutants suspectés d’avoir commis ce crime, afin que justice soit rendue.

Dans le cas contraire, le Cimi estime qu’»en agissant de la sorte, le gouvernement Temer assume le risque que soient commis d’autres massacres, continuant ainsi le génocide de ces peuples, qui sont aujourd’hui totalement exposés aux invasions des chercheurs d’or, des chasseurs, des pêcheurs illégaux, des exploitants de bois et des grands propriétaires terriens».

Bien qu’ils n’aient pas été confirmés à ce jour, deux autres massacres touchant des peuples isolés auraient eu lieu ces dernières semaines, toujours dans le Vale do Javari. Cette région est d’ailleurs la zone d’Amazonie brésilienne comptant la plus forte concentration de peuples indigènes isolés, sur un total de 115, recensés par la Fondation Nationale de l’Indien. (cath.ch/jcg/gr)

Brésil: Les indiens Kaiowa font partie des populations indigènes bénéficiant des droits ancestraux à la terre, inscrits dans la Constitution fédérale de 1988
15 septembre 2017 | 10:37
par Grégory Roth
Temps de lecture : env. 4  min.
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