Pape François: «Colombie, ouvre ton cœur de peuple de Dieu et laisse-toi réconcilier!»
Dans l’après-midi de sa journée de visite à Villavicencio, en Colombie, le 8 septembre 2017, le pape François a présidé devant environ 6.000 personnes une grande rencontre de prière pour la réconciliation nationale. Le pontife a imploré la Colombie «d’ouvrir son cœur de peuple de Dieu», pour se laisser réconcilier.
Point d’orgue du voyage pontificale en Colombie, ce moment dédié à la réconciliation s’est tenu devant seulement 6’000 personnes. Une rencontre restreinte donc, pour laisser place à l’émotion face aux témoignages de quatre victimes des conflits qui lacèrent la Colombie depuis une soixantaine d’années.
Ces témoignages, a estimé le pape François, sont ceux de personnes «innocentes ou coupables mais toutes victimes» de la «perte d’humanité» qui provoque la violence et la mort. «Vous portez dans vos cœurs et dans votre chair les empreintes de l’histoire vivante et récente de votre peuple», leur a-t-il déclaré. Ces blessures «coûtent à faire cicatriser et nous font mal à tous».
Face à ces histoires de souffrances mais aussi «d’amour et de pardon», «je suis bouleversé», a déclaré le pontife. Ajoutant: «je désirerais vous embrasser et pleurer avec vous». «Je voudrais que nous prions ensemble et que nous nous pardonnions», a-t-il demandé, pour pouvoir «aller de l’avant avec foi et espérance».
«Colombie, ouvre ton cœur de peuple de Dieu et laisse-toi réconcilier», a lancé le pape. Il est temps, a-t-il continué de «renoncer aux vengeances» et à la haine, pour «s’ouvrir à la cohabitation fondée sur la justice».
Accepter «un pas en avant» des coupables
Le chemin de la réconciliation est exigeant, a reconnu le pape. A commencer pour les innocents qui doivent accepter de «croire qu’il puisse y avoir un pas en avant de la part de ceux qui ont infligé des souffrances». Remarque importante pour la Colombie, où nombreux ne croient pas à la sincérité des anciens guérilleros des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Ainsi en 2016, l’accord de paix avait été d’abord rejeté par référendum.
Un appel qui intervient alors que les FARC ont adressé le 7 septembre une lettre ouverte au pape François, au premier jour de sa visite en Colombie. «Nous posons l’acte de contrition indispensable pour reconnaître nos erreurs et demander pardon» aux victimes de leurs actions, écrit leur chef Rodrigo Londoño Echeverry. »Votre visite laissera de profondes empreintes dans l’histoire» de la Colombie, ajoute-t-il.
Autre nécessité pour la réconciliation affirmée par le successeur de Pierre: la vérité. Il faut ainsi révéler ce qu’il est advenu «des parents disparus» et avouer «ce qui s’est passé avec les plus jeunes enrôlés par les acteurs violents». Mais aussi «reconnaître la souffrance des femmes victimes de violence et d’abus».
Déposer les souffrances «aux pieds du Christ crucifié»
Les plaies encore vives doivent être déposées «aux pieds du Christ crucifié», a prié le Souverain pontife. Ainsi, associées à Lui, elles deviendront «bénédiction» et «capacité de pardon». En effet, le Christ est «venu pour souffrir pour son peuple et avec son peuple». Avec Son aide, il est possible de briser la chaîne de la violence et de «vaincre la haine, […] vaincre la mort».
Cette rencontre se déroulait sous le regard d’un Christ en bois dont il ne reste que le tronc et la tête. Ce crucifix était placé dans une église de la ville de Bojaya où en mai 2002 des habitants se sont réfugiés, pris en tenaille entre guérilleros et paramilitaires. Une bombe des FARC a touché l’édifice et fait 79 morts. Ce Christ «n’a plus de bras et il n’a plus de corps, mais il a encore son visage qui nous regarde et qui nous aime», a souligné le pape qui a conclu son discours en priant devant lui.
Des témoignages bouleversants
Les quatre témoignages reflétaient les différents états de victimes. Deux venaient de personnes recrutées de force à l’âge de 16 ans par des groupes armés. L’un par les FARC l’autre par une force d’autodéfense. Puis deux témoignages de victimes des violences, dont celui d’un homme grièvement touché en 2012 par une mine.
Enfin, le témoignage d’une femme dont plusieurs membres de la famille – y compris ses deux enfants – ont été tués par des paramilitaires. Elle a malgré tout accepté de venir en aide à des assassins de ses proches. Particulièrement bouleversante, son histoire a été longuement applaudie.
Alors que l’ambiance était animée au début de la rencontre, un silence religieux – seulement entrecoupé d’applaudissements – s’est progressivement établi au fur et à mesure de ces récits. Cette ambiance émue et recueillie s’est prolongée par le discours du pape François, lui aussi ponctué d’applaudissements. Le pontife est quant à lui apparu véritablement touché lorsqu’il a salué les quatre témoins. (cath.ch/imedia/xln/bh)