Locarno: l'Eglise a un rôle à jouer aux «périphéries» du cinéma
Si la religion ne joue pas un rôle central au Festival du film de Locarno, les questions existentielles qui intéressent l’Eglise y sont cependant largement évoquées. Une raison pour les catholiques d’être présents dans ces «périphéries», affirme le théologien allemand Joachim Valentin. Il présidait le Jury œcuménique, qui vient de décerner son prix au film Lucky, de l’Américain John Carrol Lynch.
Joachim Valentin note que la plupart des films présentés au Festival ne thématisent pas la religion. «Beaucoup présentent cependant de manière très authentique les thèmes caritatifs et éthiques qui caractérisent le christianisme».
Le théologien a cependant une perception ambivalente du rôle de la religion dans le Festival tessinois. Il juge tout d’abord qu’il existe une «perte d’intérêt pour le thème des relations sociales». Cela se traduit, selon lui, par «une disparition des enjeux éthiques et des compétences linguistiques». Ce constat vaudrait principalement pour les long métrages de fiction. D’un autre côté, Joachim Valentin voit une résurgence des thèmes religieux, «non sur la Piazza Grande ou dans la compétition internationale, mais dans les plus petites sections», notamment les documentaires.
Le cinéma, une «périphérie»
Quoiqu’il en soit, il estime que la présence de l’Eglise au Festival est importante. «En tant que catholique, je reprends à mon compte les slogans du pape François: ‘Allez vers les périphéries!’ et ‘Allez où trouvez les gens là où ils sont!’. Ces deux phrases appellent de différentes manières les Eglises à être présentes à Locarno ou dans d’autres festivals. Parce que l’on rencontre ici, dans ces salles de cinéma, des personnes à la recherche d’une certaine image [du monde, ndlr.], des ‘signes des temps’».
Pour Joachim Valentin, il est ainsi important pour les chrétiens d’être là, ne serait-ce que «pour savoir ce qui préoccupe les gens».
Le désir de sens en exergue
Le très bon scénario de Lucky, le jeu impressionnant de ses acteurs et les très belles images ont joué en faveur du film, explique Joachim Valentin. Il assure que la qualité est toujours un important critère pour le Jury œcuménique. Mais c’est surtout la portée philosophique et spirituelle profonde du long-métrage qui a convaincu les jurés.
Lucky raconte l’histoire de l’acteur Dean Stanton, qui joue son propre rôle. A l’âge de 91 ans, il est seul, en colère et il a peur. Ses rencontres le poussent à accepter l’amour des autres et il finit par trouver dans sa vie une forme de spiritualité. «Le film montre de façon très impressionnante et authentique comment cet homme, au départ cynique, nihiliste et athéiste, développe une profonde humanité», explique le président du Jury œcuménique.
Critiques médiatiques
Outre Lucky, le Jury a distingué deux autres productions: Dragonfly Eyes, de l’artiste chinois Xu Bing, et Winter Brothers, du Danois Hlynur Pálmason.»’Dragonfly Eyes est un film critique envers les médias, note Joachim Valentin, qui nous a d’abord surpris, parce qu’il parle de nous-mêmes en tant qu’objets médiatiques et qu’il pose la question: comment peut-on finalement travailler et vivre dans ces conditions médiatiques».
Winter Brothers est une production plus classique, mais qui «touche aux limites», puisqu’il est réduit au minimum. Présentant le quotidien de mineurs de fond, le film «montre la force du désir de sens, d’affection, de culture de l’homme, même quand son existence est pratiquement réduite à celle d’un animal». (cath.ch/cm/kath/rz)