La Fondation qui porte son nom en deuil
France: décès du Père Roger Riou, à l’âge de 84 ans (020394)
La trajectoire d’un truand breton devenu missionnaire
Ottignies, 2mars(APIC) 27 ans après son implantation en Belgique, puis en
France, en Suisse et au Canada, notamment. la Fondation Roger Riou vient de
perdre son inspirateur. Le Père Riou, ancien petit truand d’origine bretone, devenu religieux montfortain et missionnaire aux Caraïbes, est décédé
le 28 février, apprend-on, à l’âge de 84 ans, dans sa retraite de Rogny,
petit village français des environs de Vervins.
Né au Havre à la veille de la première guerre mondiale, Roger Riou était
d’ascendance bretone. Mais c’est bien dans la ville portuaire normande,
pleine de soldats anglais et américains, qu’il passe l’essentiel de son enfance et de son adolescence. Son milieu est celui des souteneurs et des
prostituées, des trafiquants et des voleurs. Petit truand, il finit par se
retrouver en prison. De prison en «maison de réforme», il plonge davantage
encore dans la misère qui le suit depuis sa tendre enfance. Jusqu’au jour
où, sur ce chemin, qu’il qualifiera lui-même d’enfer, Roger Riou découvre
Dieu. Le Dieu dont il se croyait, dira-t-il, abandonné.
La conversion inattendue de Roger Riou fait naître en lui le désir
d’être missionnaire. Il entre chez les Montfortains, étudie la philosophie
et la théologie, puis est ordonné prêtre. Le Père Riou a près de 30 ans
quand il embarque, en 1938, pour l’île de la Tortue, le repaire des flibustiers et des boucaniers, au large de Haïti. En vingt ans, il y déploie une
telle énergie et rayonne d’une telle foi qu’il fait de cette terre de désespoir un havre de salut pour la population locale. Ce succès finit par
exciter la colère du dictateur Duvalier, qui règne en maître sur Haïti: en
1969, le Père Riou est expulsé par les «Tontons Macoutes».
Une Fondation pour le développement
De retour en Europe, le missionnaire montfortain se lance alors dans des
tournées de conférences pour faire connaître un projet qui est déjà une
oeuvre collective. Une Fondation Roger Riou voit le jour en Belgique en
1967. Elle a bientôt des soeurs jumelles en France, puis en Suisse et au
Canada. Cette association, dont tous les membres sont bénévoles et travaillent dans une optique pluraliste, a fortement contribué, par le soutien financier de nombreux adhérents, à «renflouer» la Tortue: équipement d’un hôpital, adduction d’eau, réseau scolaire qui compte à ce jour plus de 4’000
élèves, centres d’alphabétisation, coopératives…
L’essentiel des ressources de l’association proviennent de dons privés.
Les projets soutenus dans le tiers monde sont toujours financés pour une
durée limitée. Ces projets sont choisis en fonction de deux exigences: ils
doivent émaner de populations qui ont exprimé le désir d’être aidées et,
passé le délai fixé, ils doivent être viables sans appui extérieur.
Aux réalisations de l’île de la Tortue se sont ajoutées, au fil des années, d’autres actions: en Haïti, en Colombie, au Pérou, à Madagascar, au
Niger et au Népal. Un important projet est actuellement développé au Niger,
en collaboration avec l’association «Solidarité-Eau-Sahel», qui travaille
avec les mêmes moyens simples que la Fondation Riou.
Le Père Roger Riou a raconté son itinéraire peu commun dans un livre:
«Adieu la Tortue» (Ed. Laffont, coll. «Vécu»). (apic/cip/pr)