Iran: Chrétiens condamnés pour «activités missionnaires»
La question des convertis qui ont quitté l’islam reste un sujet très sensible en Iran. Naser Navard Gol-Tapeh en a fait la dure expérience: il vient d’être condamné à 10 ans de prison.
Les minorités religieuses implantées de longue date dans ce pays très majoritairement chiite, comme l’Eglise arménienne d’Iran et les Eglises assyrienne et chaldéenne, sont par contre reconnues par la Constitution de 1979.
Naser Navard Gol-Tapeh, un Iranien converti au christianisme, a été condamné le 7 juillet dernier à 10 ans de prison pour «activités missionnaires» et «actions contre la sécurité nationale». Trois Azerbaïdjanais chrétiens, Eldar Gurbanov, Yusif Farhadov and Bahram Nasibov, ont écopé de la même peine, pour la même raison.
Le prosélytisme et l’apostasie réprimés sévèrement
Tous les quatre ont été arrêtés le 24 juin 2016 alors qu’ils assistaient aux fiançailles d’un ami commun à Téhéran, rapporte le 19 juillet le quotidien francophone libanais L’Orient-Le Jour (ORJ). Si les trois Azerbaïdjanais ne purgeront leur peine que dans le cas où ils retourneraient en Iran, note l’ORJ, Naser Navard Gol-Tapeh est par contre soumis à la loi islamique iranienne, qui réprime sévèrement le prosélytisme et l’apostasie.
La République islamique est sensible au fait que les conversions au christianisme sont de plus en plus nombreuses. A Téhéran, le Père Pierre Humblot, au service de l’Eglise chaldéenne, s’occupait en particulier de l’accueil des convertis depuis plus de quatre décennies. Il a été forcé de quitter l’Iran en 2010 et poursuit désormais sa mission depuis Paris.
300’000 convertis
Le prêtre affirme qu’il y a eu en Iran une vague importante de convertis, principalement des jeunes, «qui en ont assez d’un certain type d’islam qui leur est imposé». Il estime leur nombre à plus de 300’000. Selon Clément Therme, chercheur à l’International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres, le prosélytisme des Eglises dérange la théocratie iranienne, dans un pays où le chiisme est le socle commun de la société. «Ces arrestations, qui concernent en majorité des protestants, montrent la peur de perdre le contrôle de la part du régime iranien. De plus, ces conversions peuvent être vues par certains hommes politiques comme une tentative américaine d’infiltrer la société iranienne».
L’ONG protestante Portes ouvertes rapporte que le régime iranien utiliserait un puissant système d’espionnage pour identifier les convertis. Des sites chrétiens seraient régulièrement piratés, les courriels surveillées et, surtout, le régime s’appuierait sur la dénonciation, écrit l’ORJ. En 2014, Portes ouvertes estimait à au moins 75 le nombre de chrétiens condamnés pour prosélytisme.
Rohani a déçu
L’arrivée au pouvoir de Hassan Rohani à la présidence en 2013 avait pourtant fait souffler un vent d’espoir pour les chrétiens d’Iran qui ont très majoritairement voté pour le candidat modéré. Dès novembre 2013, le président fraîchement élu avait multiplié les signes d’ouverture, comme en témoignent ses échanges de tweets avec le pape François portant sur le dialogue interreligieux. Cela n’avait pourtant pas entraîné de réels changements dans la vie quotidienne des chrétiens, note le journal.
En raison de la restriction de certaines libertés, les chrétiens d’Iran seraient tentés par l’émigration, avance Mgr Ramzi Garmou, évêque de l’Eglise chaldéenne à Téhéran et président de la Conférence épiscopale iranienne. Clément Therme estime lui aussi que les minorités se sentent confinées dans un espace restreint. «Ceux qui ne sont pas d’accord s’en vont. Il y a une émigration importante des minorités chrétiennes même si les mouvements migratoires ne touchent pas uniquement ces communautés. Simplement, compte tenu de leur nombre réduit, cela les touche plus durement».
Les jeunes, premiers à émigrer
Cette émigration concerne principalement l’élite et les jeunes, ce qui entraîne une véritable hémorragie au sein des communautés chrétiennes historiques. Il resterait en effet seulement 80’000 Arméniens et entre 15’000 et 30’000 assyro-chaldéens actuellement en Iran.
Si, selon la Constitution, les chrétiens sont une minorité reconnue officiellement, ils peuvent exercer leur religion uniquement à l’intérieur des églises, et non pas dans l’espace public. (cath.ch/orj/be)