Eglises vaudoises et société civile unies contre les «renvois Dublin»
Une coalition de six associations de défense de la société civile et les Eglises catholique et réformée vaudoises ont lancé le 13 juin 2017 l’Appel contre l’Application aveugle du règlement Dublin. Elles exhortent la Confédération à cesser les renvois systématiques de réfugiés dans le cadre de ce règlement.
Les représentants de Amnesty International, du Collectif R, de l’Entraide Protestante Suisse (EPER), Appartenances, les Eglises évangélique réformée (EERV) et catholique vaudoises (ECVD), ainsi que les groupes bénévoles auprès des requérants d’asile dans le Canton, se sont retrouvés lors d’une conférence de presse, en début d’après-midi à la salle capitulaire de la cathédrale de Lausanne.
Les associations ont lancé l’Appel contre l’application aveugle du règlement Dublin marquant ainsi le point de départ d’une campagne dans le canton de Vaud. Ils espèrent récolter ainsi 20’000 signatures. Le collectif reproche à la Confédération d’appliquer «systématiquement et de manière inhumaine» le règlement Dublin III, qui l’autorise à renvoyer les réfugiés dans le pays par lequel ils sont entrés en Europe. Cette application génère selon la coalition des situations humaines dramatiques.
Prise en compte des situations exceptionnelles
L’Appel demande aux autorités fédérales et cantonales de faire usage sans délai de la clause dite de «souveraineté» existant dans le règlement Dublin, en faveur des personnes requérantes d’asile vulnérables et/ou ayant déjà un proche dans le pays.
En effet, selon la coalition, la prise en compte du paragraphe 17 du préambule ainsi que l’application de l’article 17 al. 1 devrait conduire la Suisse à entrer en matière sur les demandes d’asile des personnes arrivées en Suisse par un autre pays européen et qui: «sont en charge d’enfants en bas âge ou scolarisés, ont des problèmes médicaux nécessitant un suivi régulier, ont des membres de leur famille qui résident en Suisse, connaissent d’autres situations exceptionnelles, notamment pour des motifs humanitaires et/ou qui demandent la compassion».
Des cas dramatiques
Les intervenants ont illustré un appel «urgent» avec des témoignages de situations dramatiques vécues par des familles de réfugiés. Ils ont mentionné les cas d’enfants séparés de leurs parents, de personnes fragiles expulsées malgré un avis médical défavorable, de personnes mises en danger du fait de leur renvoi dans leur pays d’origine. Ils ont également cité les cas de familles renvoyées alors qu’elles étaient bien intégrées.
Un système «bureaucratique et inhumain»
«Il s’agit de casser le système bureaucratique qui sévit à tous les niveaux de manière inhumaine», souligne Denis-Olivier Maillefer, membre de l’association Appartenances. Il déplore un durcissement des autorités vaudoises dans l’application du règlement Dublin. Emilie Troillet, du Collectif R, fustige une chaîne de déresponsabilisation des différentes instances dans leur prise de décision. «La justice de paix renvoie au service de la population vaudois (SPOP) qui renvoie au Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM). Ce dernier invoque au final le règlement Dublin».
Les Eglises se mobilisent
«Le texte nous a motivés. Le Conseil œcuménique de la pastorale des réfugiés a signé sans hésiter l’Appel. Nous avons eu l’aval de nos autorités respectives», explique Nicolas Margot, médiateur Eglises-réfugiés au département des Solidarités de l’Eglise catholique vaudoise. Il travaille dans les locaux de Point d’Appui, un espace d’accueil et d’accompagnement des migrants à Lausanne. Il regrette l’argent dépensé pour renvoyer les migrants «alors qu’on pourrait l’investir dans l’intégration de ces personnes».
Cette coalition relaye pour le canton de Vaud cette démarche lancée par l’association Solidarité Tattes en janvier dernier à Genève. Les Eglises genevoises en font partie à travers l’Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés (AGORA) fait partie des signataires de la pétition
Le règlement «Dublin III»
Dans la droite ligne du précédent règlement, le règlement «Dublin III» vise à déterminer l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée par un ressortissant de pays tiers sur le territoire de l’un des Etats membres de l’UE. Il vise, comme le précédent, à éviter l’»Asylum Shoping«, c’est-à-dire permettre à un demandeur d’asile de choisir le pays dans lequel il introduira sa demande d’asile.
La pierre angulaire du précédent règlement subsiste donc: lorsque le demandeur d’asile a franchi irrégulièrement la frontière d’un Etat membre, cet Etat est responsable de l’examen de sa demande d’asile. Autrement dit, si le demandeur a transité par le territoire d’un Etat membre de l’UE, l’examen de sa demande d’asile incombe à cet Etat. Il doit donc le prendre en charge et pourvoir à ses besoins. S’il se trouve dans un autre Etat, qu’il ait ou non déposé une demande d’asile, il devra être renvoyé vers le premier Etat traversé.
Le collectif reproche à la Confédération d’appliquer systématiquement le règlement Dublin III, indépendamment des situations vécues sur le terrain. Il exhorte les autorités fédérales et cantonales à faire usage du paragraphe 17 du préambule de ce règlement qui rappelle que:
«Il importe que tout État membre puisse déroger aux critères de responsabilité, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent et examiner une demande de protection internationale introduite sur son territoire ou sur le territoire d’un autre État membre, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères obligatoires fixés dans le présent règlement».
«En tel cas, la Suisse peut et devrait faire usage de la clause discrétionnaire énoncée à l’art. 17 al. 1 du Règlement de Dublin», concluent les signataires de l’appel. L’art. 17 al.1 stipule que: «Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement». (cath.ch/bh)