Une statue Marie fera-t-elle son apparition dans le portail occidental de la cathédrale de Lausanne? Le débat est ouvert. (Photo: Pierre Pistoletti)
Suisse

Une Vierge à la cathédrale de Lausanne: la controverse continue

Une statue de Marie à la cathédrale de Lausanne: l’idée de l’ancien député vaudois Jacques-André Haury continue de faire débat. L’abbé François-Xavier Amherdt y voit «un geste œcuménique de rapprochement». «C’est oublier les gestes majeurs de la Réforme», répond par courrier interposé le professeur honoraire Bernard Reymond. Jacques-André Haury, de son côté, persiste et signe.

Dans une chronique publiée par le quotidien 24 Heures en décembre dernier, le protestant vaudois Jacques-André Haury affirmait: «Lançons une idée: celle de commander à un artiste contemporain une nouvelle statue de Marie à dresser sur le socle [du portail Montfalcon] conservé depuis le XVIe siècle».

Le socle vide du portail Montfalcon où Jacques-André Haury propose d’installer une statue de Marie (Photo: Pierre Pistoletti)

La place de Marie dans le credo protestant

Il n’en fallait pas plus pour faire du bruit dans le Landerneau œcuménique lausannois. Les articles et courriers des lecteurs se multiplient dans la presse. Parmi les derniers en date, celui l’abbé valaisan et professeur d’université François-Xavier Amherdt. Dans Le Temps du 22 mai dernier, il présentait trois arguments en faveur de l’initiative de l’ancien député vert libéral, afin que le portail devienne «le lieu symbolique d’un geste œcuménique de rapprochement entre les différentes confessions chrétiennes».

«Ce serait un signe d’une volonté de réconciliation avec les Eglises sœurs orthodoxe et catholique, de la part de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (l’EERV), et cela resterait un des fruits des célébrations des 500 ans des thèses réformatrices de Luther».

«Marie a sa place dans la cathédrale de Lausanne» Jacques-André Haury

«La cathédrale a été dédiée à Notre-Dame de Lausanne, poursuit-il. Ce serait ainsi un signe de reconnaissance envers l’Eglise catholique du canton de Vaud, qui compte désormais plus de membres en son sein que l’EERV».

Enfin, «cela donnerait l’occasion aux fidèles, pasteurs, théologiens et responsables de l’EERV de réfléchir à la place de Marie dans leur credo et leurs convictions».

Bannir toute image de dévotion

Des arguments «d’apparence œcuménique» que réfute son homologue protestant, le professeur Bernard Reymond. Dans un courrier des lecteurs daté du 29 mai, toujours dans les colonnes du Temps, le professeur honoraire de la Faculté de théologie de Lausanne écrit: «L’abbé Amherdt me semble ne pas tenir suffisamment compte de considérations somme toute aussi pertinentes que les siennes.»

Eriger une statue de Marie revient, selon lui, à «oublier qu’un des gestes majeurs de la Réforme (…) fut précisément de bannir des édifices dévolus à la célébration du culte non pas toute image, mais toute image, fut-elle celle du Crucifié, qui serait l’objet de dévotion ou vecteur de prière».

«On me permettra de penser pour l’instant, conclut le théologien, que le socle laissé vide à l’entrée de la cathédrale pose en perspective œcuménique une meilleure et plus insistante question que s’il était doté d’une statue qui ne s’y est jamais trouvée, ni avant, ni après la Réforme».

Provocation

La question s’émancipe des amphithéâtres universitaires. Le journaliste Peter Rothenbühler signait un commentaire tranché dans le Matin Dimanche du 28 mai dernier, qualifiant la proposition de Jacques-André Haury «d’assez saugrenue pour ne pas dire provocatrice».

«Pendant que des chrétiens et leurs valeurs se font massacrer un peu partout, les Vaudois discutent de l’opportunité d’installer une Vierge Marie sur un socle laissé vide, écrit-il. C’est tellement mignon et surréaliste que ce n’est même pas la peine de s’énerver. D’ailleurs, pour tous les nostalgiques de l’odeur et du décorum des églises catholiques, il y a une bonne solution: visitez la magnifique église catholique toute proche. Tout y est, la Vierge, les Saints. Tout ce qui vous plaît!»

Des propos auxquels ne souhaite pas directement répondre le principal intéressé. «C’est là le style de M. Rothenbühler. Des chroniques au vitriol auxquelles tout le monde passe un jour ou l’autre». Jacques-André Haury réfute tout de même le fond de la critique. «Si on ne devait débattre que de sujets extrêmement graves, on laisserait de côté la grande majorité des questions qui portent à réflexion».

Dans une démarche œcuménique et avec une once de provocation qu’il reconnaît volontiers, il maintient sa proposition. «Marie a sa place dans la cathédrale de Lausanne, qui porte son nom [Notre-Dame, nldr]». Un projet qu’il soutiendra le 13 septembre prochain à l’occasion d’une petite «dispute de Lausanne», une initiative du pasteur de la cathédrale André Joly pour débattre du sens à donner à l’espace à disposition dans le portail. «Ce n’est pas parce qu’on s’est battu chrétiens contre chrétiens, qu’il faut rester figés dans la confrontation», rappelait-il en décembre dernier pour défendre le bienfondé de son initiative. (cath.ch/letemps/pp)

Une statue Marie fera-t-elle son apparition dans le portail occidental de la cathédrale de Lausanne? Le débat est ouvert.
31 mai 2017 | 09:43
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 3  min.
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