Fra’ Giacomo Dalla Torre élu à la tête de l’Ordre de Malte

Le Conseil complet d’Etat de l’Ordre de Malte, composé de 55 membres, a élu l’Italien Fra’ Giacomo Dalla Torre del Tempio di Sanguinetto, 73 ans, à la charge de Lieutenant du Grand maître de l’Ordre, le 29 avril 2017.

L’Italien succède ainsi à l’Anglais Fra’ Matthew Festing, 79e Grand Maitre de l’Ordre, qui avait dû présenter sa démission le 28 janvier dernier. Il exercera sa charge ad interim, pendant une année. Sa tâche principale sera de travailler au processus de réforme de la Constitution de l’Ordre, promulguée en 1961, et amendée une première fois en 1997.

Démission contrainte

Fra’ Giacomo Dalla Torre devrait prêter serment le 30 avril devant Mgr Angelo Becciu, envoyé spécial du pape auprès de l’Ordre, et devant les membres du Conseil complet d’Etat. Le pape François a été informé par lettre de cette élection.

Cette solution avait la préférence du Saint-Siège. Le Conseil Complet d’Etat de l’Ordre, le collège électoral de cette élection, pouvait en effet également décider de nommer un Grand maître qui, lui, est élu à vie. Le pape François avait notamment reçu quelques membres de l’Ordre le 26 avril dernier afin de plaider pour une solution transitoire.

Fra’ Matthew Festing désavoué

Le précédent Grand maître, Fra’ Matthew Festing, avait présenté sa démission le 25 janvier dernier, par obéissance envers le Souverain pontife, qui la lui avait expressément demandée la veille. Cette démission était venue mettre un terme à une guerre de communiqués entre l’Ordre et le Saint-Siège. Selon plusieurs sources, Fra’ Festing était présent lors de cette élection. Mgr Angelo Becciu lui avait pourtant écrit – au nom du pontife – le 15 avril dernier pour lui demander de rester à l’écart de la capitale italienne.

La récente crise, souligne un communiqué de l’Ordre, a mis en lumière quelques «faiblesses dans les systèmes de contrôle et d’équilibre de la gouvernance». «La réforme en tiendra compte», précise ce même communiqué. Cette réforme se concentrera sur l’exigence de l’Ordre de renforcer sa vie spirituelle et d’augmenter le nombre de ses membres profès. Les consultations ont déjà été envoyées et tous les membres de l’Ordre, – 13’500 dans le monde entier -, ont été invités à proposer leurs suggestions.

Le premier engagement officiel du nouveau Lieutenant sera la participation au 59e pèlerinage international de l’Ordre de Malte, à Lourdes, du 5 au 9 mai. Ce pèlerinage représente un des moments les plus significatifs de la vie spirituelle des membres et volontaires de l’Ordre. 7’000 d’entre eux sont attendus.

Vers une réforme des statuts de l’Ordre de Malte

La réforme des statuts de l’Ordre de Malte est expressément voulue par le pape François. Vieux de presque mille ans, l’Ordre de Malte – ou de façon officielle l’Ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte – est aussi porteur de traditions accumulées au cours des siècles. Si sa Charte constitutionnelle actuelle date de 1961, avec une réforme en 1997, certains héritages datant des origines s’appliquent toujours.

Ainsi, le Grand maître de l’Ordre de Malte – qui a le titre d’Altesse et rang de chef d’Etat – est élu parmi les chevaliers profès de l’Ordre, et doit respecter certains critères d’ancienneté et d’âge. Les chevaliers profès sont des religieux qui ont fait vœu de «pauvreté, chasteté et obéissance aspirant à la perfection suivant l’Evangile».

Des critères de noblesse stricts

Pour être élu Grand maître ou Lieutenant du Grand maître, un chevalier profès doit également «posséder les conditions nobiliaires prescrites pour les chevaliers d’honneur et de dévotion» (article 13.2). Ces conditions prévoient différents cas de figure mais sont particulièrement strictes. Ainsi, elles envisagent différentes possibilités allant de 450 ans de noblesse en lignée paternelle à ›seulement’ 200 ans de noblesse, mais aux quatre quarts (c’est-à-dire tous les ascendants).

Outre celles de Grand maître et de Lieutenant du Grand maître, plusieurs fonctions du gouvernement central de l’Ordre imposent également une ascendance noble. Par exemple, les fonctions «d’au moins quatre des six conseillers du Souverain Conseil sont réservées aux chevaliers remplissant les conditions» de noblesse prescrites (article 11.4).

Etudier «l’opportunité d’une rénovation de la Charte»

Il faut se pencher sur les modalités d’une étude en vue de l’opportunité d’une rénovation de la Charte Constitutionnelle de l’Ordre. C’est ce que le Souverain pontife écrivait le 2 février dernier à Mgr Angelo Becciu, dans un courrier pour lui détailler sa mission de délégué spécial auprès de l’Ordre.

Dans un entretien au journal français La Croix paru le 23 février 2017, Dominique de La Rochefoucauld-Montbel, grand hospitalier de l’Ordre de Malte, déclarait au sujet d’une réforme des lois fondamentales de l’Ordre: «sans doute faut-il aussi ouvrir un peu plus l’éventail de ceux qui peuvent être élus Grand maître». Ainsi, soulignait-il, sur 55 chevaliers profès que compte actuellement l’Ordre, seule une douzaine peut aspirer aux plus hautes fonctions.

«Renouvellement spirituel et moral»

Les conditions de noblesse ne sont pas la seule chose que le successeur de Pierre voudrait réformer dans l’Ordre. Dans sa lettre à Mgr Becciu du 2 février 2017, le pontife demandait en particulier à son délégué de prendre soin de tout ce qui concerne le «renouvellement spirituel et moral de l’Ordre, spécialement des membres profès», afin de réaliser pleinement l’objectif inscrit dans la Charte constitutionnelle de l’Ordre: «promouvoir la gloire de Dieu par la sanctification de ses membres, le service de la foi et du Saint-Père et l’aide du prochain».

Toujours au cours de son entretien avec La Croix du 23 février 2017, Dominique de La Rochefoucauld-Montbel avait par exemple souligné que les chevaliers profès faisaient un vœu de pauvreté, «qui se réfère aux ordres monastiques alors qu’ils ne sont pas moines et vivent dans le monde, devant travailler pour vivre». «Sans doute faut-il que les chevaliers profès soient davantage témoins de la vocation de l’Ordre», avait-il alors suggéré. (cath.ch/imedia/xln/radvat/be)