L'Université cairote d'Al-Azhar a invité le pape François (Photo: Travel Aficionado/Flickr/CC BY-NC 2.0)
Vatican

Reprise des relations entre le Saint-Siège et Al-Azhar

 

Dans un message aux Egyptiens, le pape François déclarait le 25 avril 2017 espérer que son voyage au Caire les 28 et 29 avril «contribuera au dialogue interreligieux avec le monde islamique». Ce déplacement vient en effet marquer la reprise des relations entre le Saint-Siège et Al-Azhar, plus haute autorité du monde sunnite, rompues en 2011.

Le 2 janvier 2011, au lendemain d’un attentat à la voiture piégée devant une église copte d’Alexandrie, le pape Benoît XVI avait dénoncé une «stratégie de violences» menée envers les chrétiens et le «lâche geste de mort» qu’est celui de poser des bombes.

Tensions entre Al-Azhar et Rome

Malgré les démentis du Saint-Siège, Ahmed Al-Tayeb, grand imam d’Al-Azhar, y avait vu une ingérence et l’institution islamique avait unilatéralement décidé le 20 janvier de rompre ses relations avec le Saint-Siège. Selon un islamologue réputé, cette occasion n’avait été qu’un prétexte pour rompre les relations.

Ce n’était en effet pas la première fois que des tensions apparaissaient entre l’université sunnite et le Saint-Siège, sous le pontificat de Benoît XVI. En mars 2007, quelques mois après le discours du pontife à Ratisbonne, en Bavière, qui avait suscité une grande controverse, le grand imam avait décidé au dernier moment d’annuler une visite au Vatican. Le Père Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, avait soutenu que cette visite était seulement «reportée», mais aucune rencontre entre les deux hommes n’avait suivi.

Message du pape François pour la fin du ramadan

En février 2013, à l’annonce de la renonciation de Benoît XVI, la mosquée égyptienne avait estimé dans un communiqué qu’il n’y avait pas de «problèmes avec le Vatican, mais avec le pape allemand», laissant entendre que l’élection d’un nouveau pontife pourrait renouer le dialogue. Elle avait ainsi envoyé le 20 mars ses vœux au pape François récemment élu, souhaitant un pontificat sous des «valeurs communes» pour ouvrir une «époque positive pour tous les peuples».

Trois mois plus tard, Al-Azhar s’était montrée ouverte à une reprise du dialogue avec le Vatican, sous condition que le pontife romain fasse «un pas en avant» comme par exemple «une intervention où il dirait que l’islam est une religion pacifique, que les musulmans ne cherchent ni la guerre ni la violence».

Sans répondre directement à ces attentes, le pontife avait adressé un message aux musulmans le 2 août de la même année, à l’occasion de la fin du ramadan, en lieu et place du traditionnel message du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Le pape avait expliqué ce geste en envoyant ses salutations «comme expression d’estime et d’amitié envers tous les musulmans, spécialement envers leurs chefs religieux».

Respect pour les croyants de l’islam

Pour le cardinal Jean-Louis Tauran, président de ce conseil pontifical, le pape voulait ainsi «montrer le grand respect qu’il a pour les croyants de l’islam» et que le dialogue islamo-chrétien était «une des priorités de son pontificat».

Dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, publiée en novembre 2013, le pape François appelait au dialogue avec l’islam, estimant que «le véritable islam et une adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence». Le 31 juillet 2016 lors de la conférence de presse dans l’avion de retour des JMJ en Pologne, le pontife avait estimé qu’il n’était «pas juste d’identifier l’islam avec la violence». «Et je sais ce qu’ils [les musulmans, ndlr] pensent: ils cherchent la paix, la rencontre», avait-il ajouté. De manière générale, dans le dialogue, le Saint-Siège distingue l’islam en général des musulmans, privilégiant ces derniers. Ces déclarations du pape semblent donc s’inscrire dans cette tendance.

Une conférence pour la paix

Les relations entre le Saint-Siège et l’institution sunnite avaient formellement repris quelques mois avant cette dernière déclaration, avec la visite au Vatican le 23 mai 2016 du grand imam Ahmed Al-Tayeb. «Le message, c’est la rencontre», avait alors lancé le pape François. Différentes rencontre avaient suivi pour une véritable reprise du dialogue en février dernier, avec la participation d’une délégation vaticane, menée par le cardinal Tauran, à des discussions au siège-même de l’université.

Le voyage en Egypte du pape François vient confirmer la reprise des relations. Le pontife est en effet invité dans le pays par les autorités officielles et catholiques, mais aussi par Al-Azhar. Le 28 avril après-midi, le pape rencontrera Ahmed Al-Tayeb en tête-à-tête avant de participer avec lui à une conférence pour la paix, organisée par l’université. Le pontife prononcera alors un discours, mais – fait notable – celui-ci ne viendra ni en conclusion ni en ouverture de la conférence. D’après des informations du Saint-Siège, le pontife ne devrait pas assister à toute la conférence, à l’issue de laquelle aucune déclaration ne sera signée.

Pour un «Vatican II» de l’islam

Enfin, la complexité des rapports avec l’islam pourrait expliquer la publication le 18 avril dernier dans L’Osservatore Romano, le journal officiel du Vatican, d’un entretien avec le Père Henri Boulad, jésuite égyptien de 85 ans. Celui-ci y déclarait ainsi que si «la majeure partie des musulmans est très ouverte, gentille et modérée», ceux «qui ont aujourd’hui le pouvoir sont […] les musulmans radicaux, qui appliquent une interprétation littérale et parfois instrumentalisée» du Coran. «L’idéologie présente dans les manuels scolaires, insistait-il, est radicale», appelant ainsi de ses vœux un «Vatican II» de l’islam. (cath.ch/imedia/xln/be)

L'Université cairote d'Al-Azhar a invité le pape François
27 avril 2017 | 13:52
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
Al-Azhar (83), Egypte (289), Islam sunnite (3), pape françois (2303)
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