A Fribourg, le patriarche œcuménique Bartholomée vénère les reliques de saint Nicolas
Une foule nombreuse et enthousiaste, venue de Suisse et de l’étranger, était au rendez-vous lundi 24 avril 2017 pour saluer Bartholomée de Constantinople venu à Fribourg vénérer, à la cathédrale, les reliques de saint Nicolas de Myre.
Le patriarche s’est ensuite rendu à l’Université pour souligner la fructueuse collaboration établie depuis 20 ans entre l’Institut d’études supérieures en théologie orthodoxe du Patriarcat œcuménique, à Chambésy (Genève), et l’Institut d’études œcuméniques de l’Université de Fribourg (ISO).
Un saint évêque «chéri de notre population»
Le patriarche orthodoxe a été accueilli sous le porche de la cathédrale St-Nicolas par tout le chapitre cathédral en camail violet. Son prévôt Claude Ducarroz a reçu fraternellement l’évêque venu d’Asie Mineure dans ce lieu dédié à Nicolas de Myre, patron de la cathédrale. «Ce saint évêque est vraiment le chéri de notre population et de ses autorités», a-t-il lancé, avant de souligner que cette visite était l’occasion de se sentir «en profonde communion avec vous ainsi qu’avec les frères et les soeurs des Eglises orthodoxes» ainsi qu’avec tous les chrétiens d’Orient, «qui demeurent si fidèles à leur foi dans des contextes d’épreuve, voire de persécution».
Insistant sur le grand honneur d’être reçu dans cette cathédrale, le patriarche oecuménique s’est dit touché de pouvoir y vénérer le bras reliquaire de saint Nicolas, renfermant l’humérus du saint évêque depuis le XVIe siècle. Après avoir remis au prévôt de la cathédrale un grand cierge pascal aux armes du patriarcat de Constantinople, Bartholomée s’est incliné devant la vénérable relique du saint d’Asie Mineure, suivi de la foule des fidèles.
Une fructueuse collaboration avec Chambésy
Accueilli ensuite à l’Université par la rectrice Astrid Epiney et le Père dominicain Luc Devillers, doyen de la Faculté de théologie, le patriarche a été salué par le professeur Guido Vergauwen. L’ancien recteur s’était engagé, avec feu le Père Guy Bedouelle, dans la création, en 1996 par le métropolite Damaskinos Papandreou, de l’Institut d’études supérieures en théologie orthodoxe au Centre de Chambésy.
Son programme d’études tripartite, en collaboration avec les Facultés de théologie catholique et protestante des Universités de Fribourg et Genève, est «unique en son genre», a souligné le patriarche Bartholomée. Il s’est dit «profondément reconnaissant à l’Université de Fribourg, à sa Faculté de théologie et à son Institut d’études œcuméniques de lui permettre de réaliser sa mission de manière fructueuse».
«Cette expérience pionnière a porté du fruit, puisque depuis ces vingt dernières années, environ 170 lauréats ne se sont pas seulement intéressés à la théologie catholique et protestante, mais nombre d’entre eux servent aussi aujourd’hui leur Eglise locale pour la conduite des différents dialogues théologiques au niveau local, régional et même international», a-t-il rappelé.
Le «patriarche vert»
Au nom du conseil d’Etat fribourgeois, la ministre écologiste Marie Garnier s’est dite très honorée d’accueillir le «patriarche vert», saluant son engagement, aux côtés du pape François, en faveur de l’environnement. Elle a souligné que les Eglises avaient aussi un rôle à jouer pour la sauvegarde de la création, tout en relevant l’appel de Bartholomée à développer une spiritualité écologique.
Lors de la conférence sur le climat – la COP 21, en décembre 2015 -, le patriarche oecuménique avait en effet souligné que la question du salut n’était pas indépendante du traitement réservé à la création. A Fribourg, le patriarche a une nouvelle fois déclaré qu’une Eglise qui néglige de prier pour l’environnement «est une Eglise qui refuse d’offrir à boire et à manger à une humanité souffrante».
Nécessité du dialogue inter-chrétien
Dans sa conférence académique sur «le dialogue comme clef pour la théologie contemporaine», Bartholomée a rappelé que le Patriarcat de Constantinople avait toujours été convaincu de la nécessité du dialogue inter-chrétien. «Nous pouvons dire sans exagérer que l’implication du Patriarcat dans le dialogue inter-chrétien remonte au-moins au XVIe siècle, à l’époque de la Réforme protestante dont la présente année marque le 500e anniversaire».
En effet, a-t-il poursuivi, il y a eu à cette époque une série d’échanges entre les théologiens luthériens de Tübingen et le patriarche œcuménique Jérémie II. «Bien qu’ils ne fussent pas des dialogues comme nous l’entendons aujourd’hui, ces échanges témoignent de l’ouverture d’esprit qui caractérise le Patriarcat œcuménique face aux autres Eglises et aux autres religions».
Pas de compromis en matière de foi
Le même esprit a animé le Patriarcat œcuménique durant le 20e siècle, en particulier en devenant l’un des membres fondateurs du Conseil œcuménique des Eglises (COE) en 1948, «où il y est toujours présent et actif». Tout en soulignant que «l’Eglise orthodoxe a toujours cultivé le dialogue avec ceux qui sont partis, lointains et proches», Bartholomée a rappelé que les «dialogues engagés par l’Eglise orthodoxe n’ont jamais signifié et ne signifieront jamais faire des compromis d’aucune sorte en matière de foi».
Si l’Eglise orthodoxe accorde une grande importance au dialogue, notamment avec les chrétiens hétérodoxes, «elle n’a jamais accepté le minimalisme théologique ou la mise en doute de sa tradition dogmatique et de son éthos évangélique».
Pour l’Eglise orthodoxe, le dialogue inter-chrétien implique tous les dialogues bilatéraux dans lesquels elle s’est engagée suite aux recommandations des conférences pan-orthodoxes de Rhodes (1961-1964) convoquées par le Patriarche œcuménique Athénagoras «qui nous a ouvert, à nous tous, orthodoxes, les yeux sur le monde chrétien et qui nous sensibilisés à l’importance du dialogue inter-chrétien: les dialogues avec l’Eglise catholique romaine, avec l’Eglise anglicane, avec l’Eglise Vieille-Catholique, avec les Luthériens, avec les Réformés, mais aussi avec les Pré-chalcédoniens».
Succès du dialogue avec l’Eglise catholique
Parmi tous ces dialogues, a-t-il déclaré, «celui qui a eu le plus de succès et de fécondité est celui avec l’Eglise catholique romaine. Ce dialogue n’a en fait jamais été interrompu. Il est significatif que la rupture de communion entre les sièges de Rome et de Constantinople survenue au début du 11e siècle n’a pas empêché nos Eglises d’envisager ensemble un concile comme cela a été le cas à Ferrare-Florence en 1438, avec la participation personnelle de notre prédécesseur, le patriarche Joseph de Constantinople».
Le souvenir du patriarche Athénagoras
Retraçant l’histoire de ce dialogue, il a parlé de l’importance de la rencontre historique, il y a plus de cinquante ans, entre le patriarche œcuménique Athénagoras et le pape Paul VI en 1964, «qui mena à la levée mutuelle des anathèmes de 1054, de même que la visite historique du regretté pape Jean Paul II à mon prédécesseur, le patriarche œcuménique Dimitrios, en 1979, qui conduit à l’annonce du dialogue bilatéral officiel entre nos deux Eglises».
«Les visites successives des papes Benoît XVI et François au siège du Patriarcat œcuménique au Phanar, mais aussi mes visites au Vatican, ainsi que celles de mes prédécesseurs, les patriarches Athénagoras et Dimitrios, furent des occasions multiples de renforcer notre engagement commun dans ce dialogue», qui devrait mener à l’unité des chrétiens.
Dialogue avec les juifs et les musulmans
Le Patriarcat œcuménique développe également un dialogue bilatéral avec le judaïsme, sur des sujets tels que la loi, la tradition, le renouveau dans un monde moderne, et la justice sociale. En 1986, il a initié un dialogue inter-religieux bilatéral avec l’islam, sur des sujets tels que l’autorité, la coexistence, la paix, la justice, le pluralisme, et le monde moderne. «Depuis 1994, nous avons mis en place divers dialogues multi-religieux, en organisant plusieurs rencontres internationales qui ont permis aux communautés chrétienne, juive et musulmane de dialoguer entre elles sur des sujets tels que la liberté religieuse, la tolérance et la paix — des sujets si fondamentaux à notre époque tellement tourmentée et secouée par le terrorisme».
Le patriarche de Constantinople a encore salué l’engagement de l’Université de Fribourg pour le dialogue inter-religieux, relevant l’importance que revêt dans ce cadre le Centre Suisse Islam et Société fondé en 2015. (cath.ch/be)