Liban: mariage des mineures, le fléau existe toujours en 2017
La société libanaise, au XXIe siècle, est restée largement patriarcale et pratique encore le mariage des enfants.
Le mariage des filles de moins de 18 ans prend de l’ampleur, principalement au sein des communautés réfugiées de Syrie, qu’elles soient syriennes ou palestiniennes. Cette coutume persiste également parmi la population libanaise.
Dans les pays en développement, une fille sur trois est mariée avant l’âge de 18 ans, une sur neuf avant l’âge de 15 ans, selon le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP).
Pauvreté et société patriarcale
Au Liban, selon une étude de l’UNICEF publiée en 2016, le mariage des mineures (âgées de moins 18 ans révolus) affecte aussi bien les filles libanaises que les petites réfugiées syriennes ou palestiniennes. Le plus haut pourcentage de filles mariées entre 15 et 19 ans se situe au sein des réfugiés syriens, soit un taux de 27%, suivi de la population palestinienne de Syrie réfugiée au Liban (13%). Au sein de la population libanaise et des réfugiés palestiniens du Liban, le taux de mariages précoces est de 4%, estime Philippe Lazzarini, coordonnateur spécial adjoint de l’ONU pour le Liban, cité par le quotidien libanais L’Orient-Le Jour.
Les mariages précoces sont principalement dus à la pauvreté et à la décision du père de famille. Depuis un certain temps, le débat sur l’abolition du mariage des enfants fait rage au Liban.
Faible niveau d’éducation des mères
Les taux de mariages précoces dépassent de loin la moyenne nationale, pour atteindre 8 à 10% au Liban-Nord – à Tripoli et dans la région du Akkar – et à Baalbeck, dans la Bekaa, selon le coordonnateur de l’ONU. Pour expliquer ce phénomène, il relève le lien entre le faible niveau d’éducation des mères et le mariage des filles, mais également l’absence d’un mécanisme national pour mettre fin à la pratique des mariages précoces.
L’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles sont pourtant mises en avant par les Objectifs de Développement Durable pour 2017 fixés par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
«Serviteurs de Satan»
Un obstacle de taille: les affaires liées au statut personnel sont du ressort des communautés religieuses et de leurs lois discriminatoires à l’égard des femmes. Ainsi Hassan Nasrallah, secrétaire général du parti chiite Hezbollah, a accusé le 18 mars 2017 les opposants au mariage précoce d’être des serviteurs de Satan. Mais le débat sur les mariages précoces est désormais lancé, non seulement à l’échelle nationale, mais au sein des diverses communautés religieuses. Il concerne en particulier les communautés musulmanes. Il s’agit dans ce cas d’adapter la législation dans le respect de la charia.
Un débat sur l’abolition des mariages d’enfants au Liban s’est tenu jeudi 23 mars sous l’égide du Parlement libanais et du PNUD dans la bibliothèque du Parlement. Parlementaires et représentants de la société civile ont échangé leurs réflexions et propositions sur ce sujet délicat. Les participantes de la société civile, représentées par l’ONG libanaise KAFA, qui lutte contre les violences faites aux femmes, et le Regroupement démocratique des femmes libanaises (RDFL), ont montré une certaine impatience face aux exceptions accordées par les diverses communautés pour autoriser les mariages d’enfants.
Vidéo de KAFA dénonçant le mariage des enfants:
Présentant les conséquences néfastes de telles unions pour les fillettes, elles exigent que l’âge légal du mariage soit fixé à 18 ans révolus et que soient donc modifiées les lois sur le statut personnel, rapporte L’Orient-Le Jour. Si le ministre d’Etat aux Droits de la femme s’est montré ouvert, les députés Nawaf Moussawi et Bilal Farhat, du Hezbollah, ont refusé de débattre de cette «question culturelle».
Le Liban à la traîne parmi les pays arabes
Réunie le 23 février 2017, la Commission parlementaire de la femme et de l’enfant avait déjà étudié la possibilité d’élever l’âge légal du mariage, qui varie selon les communautés religieuses. Dans nombre de pays arabes, dont l’Egypte, la Palestine et la Tunisie, l’âge légal du mariage est fixé à 18 ans révolus. «Le Liban, lui, fait figure de mauvais élève», estime le quotidien libanais de langue française, qui précise que le député chrétien maronite Elie Keyrouz devrait déposer le 27 mars prochain une nouvelle proposition de loi de «protection des enfants des mariages précoces». Cette proposition fixe l’âge légal du mariage à 18 ans révolus, sans exception. (cath.ch/orj/be)