Pas de nouvelle rencontre entre le pape François et le patriarche Cyrille à l'agenda
Une nouvelle rencontre entre le pape François et le patriarche de Moscou Cyrille n’est pas actuellement à l’agenda, mais leur entrevue historique à La Havane, il y a exactement un an, a porté de nombreux fruits pour le dialogue entre l’Eglise romaine et l’orthodoxie russe. Tel est le constat partagé le 12 février 2017, à l’Université de Fribourg, par le cardinal Kurt Koch et par le métropolite Hilarion.
Le président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens et le ministre des Affaires extérieures du patriarcat de Moscou avaient fait le déplacement à Fribourg pour échanger sur les résultats de la première rencontre entre l’évêque de Rome et le patriarche de Moscou. Les deux hommes ont été les uniques témoins de la rencontre entre François et Cyrille, le 12 février 2016, sur l’île de Cuba. Sans livrer de révélations, ils ont apporté chacun un éclairage propre sur cet événement historique et sur les fruits qu’il a portés. Le rapprochement est bien réel, mais ‘l’unité se fait en marchant’ ont souligné les deux prélats en reprenant une formule de la Déclaration commune.
Une fierté pour Fribourg
Mgr Charles Morerod, en tant que président de la Conférence des évêques suisses, mais aussi comme membre de la Commission de dialogue théologique orthodoxe-catholique a exprimé sa fierté de voir ‘la petite Suisse et la petite Fribourg’ recevoir les deux principaux négociateurs du rapprochement entre Rome et Moscou. «Une réconciliation qui suit un très long conflit n’est jamais simple. (…) Comment surmonter en profondeur les vies parallèles et les caricatures accumulées?» s’est interrogé l’évêque de Lausanne Genève et Fribourg.
La conseillère d’Etat Marie Garnier s’est également félicitée du choix de Fribourg pour cette commémoration. Fribourg, à son échelle, a su développer et cultiver la rencontre entre les diverses langues, cultures et religions.
Agir en frères
Devant quelque 200 invités et représentants des diverses Eglises chrétiennes, réunis dans l’aula de l’Université, le métropolite Hilarion a estimé que «la rencontre de Cuba a eu une importance socio-politique primordiale» grâce à la déclaration commune des chefs des deux Eglises adressée aux leaders religieux et politique du monde entier. Face en particulier à la persécution des chrétiens et au terrorisme. Le pape François et le patriarche Cyrille se sont rencontrés comme des frères. «Les conditions historiques (…) nous obligent à apprendre à vivre et à agir dans ce monde non en concurrents, mais en frères, même avant la restauration de la pleine communion, afin de défendre ensemble les valeurs que nous avons en commun.» Et de citer les diverses menaces: extrémisme, terrorisme, violation des droits et des libertés religieuses en particulier au Proche Orient.
Des menaces qui pèsent aussi sur la famille en Occident où «sous couvert de promotion des idées de tolérance, de démocratie, de diffusion des valeurs libérales se déchaîne une véritable persécution contre le christianisme et les valeurs traditionnelles». Et de citer en particulier l’avortement qui a interrompu un million de vie en Russie en 2013.
«La déclaration commune des deux primats a été une véritable charte quoi doit nous servir de repère et sur laquelle nous devons régler nos actions dans les années à venir.»
Un début et non pas une fin
Le cardinal Kurt Koch a fait une lecture nettement moins littérale de la déclaration commune du pape François et du patriarche Cyrille. Dans une longue exégèse très pointue, il a d’abord considéré qu’il s’agit d’un début et non pas d’une fin. «C’est un document d’étape qui ne prétend pas à la perfection. Il n’a d’autre ambition que d’exprimer ce qui, dans un contexte et à un moment donnés, il est possible de dire ensemble. (…) Un texte commun engendre inévitablement des insatisfactions de part et d’autre.»
Pour le cardinal, la déclaration est un document pastoral, il n’est ni une déclaration politique, ni sociologique. Elle réclame une compréhension globale «afin de ne pas interpréter telle ou telle expression particulière hors de son contexte.»
«La déclaration commune marque un pas historique dans les relations entre nos Eglises», mais elle a suscité diverses critiques. Certains ont déploré qu’elle ne parle pas du baptême et des sacrements. D’autres ont dénoncé une vision trop ‘morale’ de l’œcuménisme «qui pourrait donner l’impression de fonder le rapprochement catholique-orthodoxe sur des ‘valeurs’ à défendre.» Enfin, au sein de l’orthodoxie des critiques virulentes se sont exprimées contre ce rapprochement avec les catholiques. «Ces attaques ont permis de mieux comprendre, notamment en Occident, à quel point il s’agissait d’un geste courageux de la part du primat de l’Eglise russe.»
Nombreuses actions concrètes
Au chapitre des réalisations concrètes depuis un an, les deux prélats ont dressé une assez longue liste d’initiatives communes: visite du cardinal Koch au patriarche Cyrille et du métropolite Hilarion au pape François; échanges d’étudiants entre Rome et Moscou; visite commune en Syrie et au Liban; déclaration de la commission de dialogue théologique orthodoxes catholiques; concerts, exposition des musées du Vatican à Moscou etc.
Pour l’avenir, outre le dialogue théologique mené de manière multilatérale avec l’ensemble de l’orthodoxie, le cardinal Koch évoque trois perspectives: l’œcuménisme des saints, l’œcuménisme culturel et l’œcuménisme de l’action commune.
Faute de célébration liturgique commune, la rencontre fribourgeoise s’est achevée par un concert spirituel de musiques sacrées d’Orient et d’Occident. Au chapitre des cadeaux, l’Institut d’études œcuméniques de l’Université de Fribourg a remis au deux prélats un tableau représentant le portail de la cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg. Le saint évêque de Myre est en effet vénéré aussi bien en Orient qu’en Occident.
Passe d’armes sur l’Ukraine
Dans son exposé le métropolite Hilarion a lancé une tirade virulente contre l’Eglise gréco-catholique d’Ukraine, dite uniate. Il a relevé que «L’uniatisme se révèle une force semant l’hostilité et la haine empêchant systématiquement et volontairement la réconciliation entre l’Orient et l’Occident». «Dans ces circonstance tragiques, (…) les Eglises sont appelées à agir ensemble au nom de la paix. On ne saurait parvenir à ce but sans que les orthodoxes et les gréco-catholiques s’efforcent de surmonter leur inimitié historique», a-t-il relevé.
Une accusation frontale à laquelle le cardinal Koch n’a pas manqué de répondre. Il a souligné que l’un des fruits de la rencontre de La Havane pourrait et devrait être le rétablissement du dialogue en Ukraine. Il a évoqué la création d’une commission historique conjointe sur les blessures subies par les uns et les autres, en vue de purifier la mémoire. Jeter ce regard en arrière est nécessaire, mais il ne faut pas se laisser paralyser par le passé. D’où l’importance d’un dialogue sur les difficultés actuelles, qui sont nationales et politiques et non pas religieuses ou théologiques, afin de rétablir une coexistence pacifique, a conclu le cardinal. (cath.ch/mp)