Le raport sur l'intolérence religieuse au Brésil a été publié le 21 janvier 2017. (Photo: J. C. Gerez)
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Brésil: l’intolérance religieuse s'aggrave

Le Rapport sur l’intolérance religieuse au Brésil a été publié le 21 janvier dernier. Le document s’inquiète de l’augmentation de ce fléau, notamment à l’encontre des pratiquants des religions afro-descendantes*, alors même que la tolérance religieuse est inscrite dans la Constitution.

Il y a un peu plus d’un an, une petite fille de onze ans, pratiquante du Candomblé, à Rio de Janeiro, a reçu des jets de pierres sur la tête et a été insultée par des hommes qui portaient des Bibles. Ils appartenaient apparemment à des églises évangéliques et néo-pentecôtistes. Plus récemment, le 14 janvier dernier, un homme a été détenu pour avoir vandalisé des statues de saints dans la cathédrale João Batista, à Niterói, près de Rio de Janeiro.

Les cas d’intolérance religieuse de ce type, qui se sont manifestés sous forme d’offenses, d’agressions et de dégradations augmentent chaque année et exigent une coordination des actions du Pouvoir Public. C’est ce qu’indique le Rapport sur l’Intolérance Religieuse au Brésil, publié le 21 janvier dernier.

 160 pages de chiffres et de faits

L’étude a été coordonnée par le Laboratoire d’Histoire des Expériences Religieuses de l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) en partenariat avec le centre d’articulation des Populations Marginalisées (Ceap) et la Commission pour la Lutte contre l’Intolérance Religieuse (CCIR). Cette dernière était composée de représentants de plusieurs religions, du Ministère Public, du Tribunal de Justice de l’état de Rio e Janeiro et de la Police Civile.

En plus de ses 160 pages, la publication réunit des chiffres de plaintes enregistrées par les services du gouvernement fédéral, des articles scientifiques comportant un diagnostic des problèmes dans le pays et une proposition au niveau national pour affronter le problème.

Les chiffres explosent

Ainsi, après avoir atteint un pic en 2013, avec 201 plaintes enregistrées, le nombre est retombé à 149 cas en 2014… avant de presque doubler de nouveau en 2015 avec 223 plaintes déposées. Il a pourtant encore explosé en 2016, puisque, d’après les chiffres communiqués par le Secrétariat des Droits Humains (SDH), un organisme dépendant du Ministère de la Justice, entre janvier et septembre 2016, quelques 300 dénonciations d’actes d’intolérance religieuse ont été communiquées.

Exemples concrets

Quelques cas concrets, comme la petite fille agressée à Rio, des enfants juifs offensés dans un club de loisirs de la zone sud (et riche) de Rio de Janeiro encore le cas d’une femme musulmane victime elle aussi de jets de pierre à Sao Paulo, sont analysés dans ce rapport. Le document souligne également que les voisins, les enseignants et mêmes les proches des victimes figurent le plus fréquemment parmi les agresseurs.

Se conformer aux accords internationaux

Selon l’un des coordinateurs du rapport, Ivanir dos Santos, docteur en Histoire comparée de l’Université fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ) et membre de la Commission pour le la Lutte contre l’Intolérance Religieuse (CCIR), la lutte contre la discrimination exige des réponses du pouvoir exécutif fédéral, de chaque Etats et des municipalités, ainsi que du pouvoir judiciaire. C’est ce que déterminent les accords internationaux ratifiés par le Brésil, ainsi que le Statut des Inégalités Raciales, adoptés par le Parlement en 2010.

Application de la loi

«D’abord, il faut caractériser l’intolérance religieuse comme un crime et, ensuite, développer des mesures éducatives pour lutter contre ce fléau», a t il affirmé. Ivanir dos Santos en appelle notamment à l’application rigoureuse de la loi n° 10.639 qui oblige l’enseignement de l’histoire et des cultures africaines et afro-brésiliennes dans les écoles. «C’est l›unique moyen de comprendre les autres cultures et de respecter son prochain. Et pourtant, cette loi rencontre d’énormes difficultés dans sa mise en pratique. Elle souffre en effet d’une grande persécution de la part des néo-pentecôtistes et des racistes», assure t il.

L’école, mauvaise élève

Afin de promouvoir le dialogue au niveau national, le rapport rappelle une proposition déjà formulée en 2013, portant sur des actions de prévention et d’information au niveau national dans les secteurs de la sécurité, du travail et de l’éducation par exemple.

A ce titre, l’école fait partie des cibles incontournables pour ces actions de sensibilisation recommandées dans le rapport. Un rapport qui regrette d’ailleurs que l’éducation ait échoué dans sa mission de formation, et qui pointe la propension des manuels scolaires à «laisser passer une violence pourtant perceptible» à l’égard de certaines communautés religieuses, notamment les communautés afro-descendantes.

 La télévision discrimine

Pour combattre l’intolérance religieuse, le rapport demande également au Ministère Public de «dénoncer les programmes de télévision et de radio qui incitent à la haine ou à la discrimination de certaines religions.»

Liberté religieuse dans la Constitution

Outre les éléments déjà cités, les auteurs  du rapport ont enfin tenu à rappeler que la Constitution brésilienne, promulguée en 1988, garantit aux articles 5 et 19, la liberté de croyance et de culte. Selon l’art. 210, paragraphe 1, l’enseignement religieux est facultatif à l’école primaire. La loi n° 7 716 de 1989 prévoit des peines pour la discrimination raciale, ethnique, religieuse, ou de nationalité. (cath.ch/jcg/bh)

*Un afro-descendant est une personne née hors d’Afrique, mais ayant des ancêtres nés en Afrique subsaharienne en nombre suffisamment important pour que cela ait une incidence sur l’apparence ou la culture de cette personne.

Le raport sur l'intolérence religieuse au Brésil a été publié le 21 janvier 2017.
25 janvier 2017 | 14:53
par Bernard Hallet
Temps de lecture : env. 4  min.
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