Mgr Huonder exclut le sacrement des malades en cas de suicide assisté
Mgr Vitus Huonder, évêque de Coire, a exclu qu’une personne recourant au suicide assisté puisse bénéficier du sacrement des malades. Dans une lettre ouverte publiée le 4 décembre 2016 à l’occasion de la Journée mondiale des droits humains (10 décembre), le prélat grison estime que même les soins palliatifs peuvent, en certaines circonstances, être contraires au processus naturel de la mort et en cela à la volonté de Dieu.
«Ce n’est pas à nous de décider de la vie et de la mort. Dieu pourvoit à notre vie. Dieu pourvoit à notre mort», écrit Mgr Huonder dans son message intitulé «Mourir humainement au regard de la foi». L’évêque se réfère, pour son argumentation, à des documents tels que le Catéchisme de l’Eglise catholique ou à la déclaration vaticane Iura et bona sur l’euthanasie, publiée en 1980.
Pas de soins médicaux «à tout prix»
Pour l’évêque, «la volonté d’un patient de recourir au suicide assisté met le prêtre dans une «impossibilité complète» de lui administrer l’onction des malades. «Car, dans de telles circonstances, les conditions de réception [du sacrement] ne sont pas remplies», commente-t-il. Le prêtre peut alors seulement prier pour lui et le recommander à la miséricorde de Dieu.
En ce qui concerne les soins palliatifs, Mgr Huonder juge que l’accompagnement médical doit être effectué avec un discernement tout particulier. «En fin de compte, le processus naturel de la mort ne doit pas être affecté, car il est aussi l’expression de la volonté créatrice de Dieu», souligne-t-il. «La morale n’exige pas que des soins thérapeutiques soient apportés à tout prix», note-t-il. L’évêque de Coire répète qu’en aucun cas l’accompagnement d’un mourant ne doit correspondre à une assistance au suicide.
Du bruit sur les réseaux
Les déclarations de Mgr Huonder ont fait grand bruit en Suisse alémanique, notamment sur les réseaux sociaux gérés par kath.ch. Des conceptions très opposées du rôle de l’Eglise et des sacrements ont surgi.
Pour certains, le sacrement des malades devrait être accessible à tous, de façon inconditionnelle. Une internaute assure ainsi sur Facebook que «c’est l’Eglise qui doit être au service des personnes et non pas les personnes au service de l’Eglise». Beaucoup mettent en avant également l’amour du prochain et la miséricorde pour soutenir le droit de chacun à bénéficier du sacrement.
Les partisans de la conception de Mgr Huonder estiment, eux, que seules les personnes se conformant aux règles de l’Eglise peuvent recevoir les sacrements, et que le suicide en est clairement une infraction. Selon eux, il faut faire la distinction entre prier pour une personne en souffrance, la bénir et lui accorder l’onction des malades. Beaucoup soulignent que d’accorder le sacrement à une personne qui va se suicider rendrait ce dernier «inopérant».
Un internaute, probablement prêtre, avertit ainsi: «Je n’administrerai jamais le sacrement des malades à une personne qui veut se tuer. Cela contredirait totalement la signification du sacrement». Cette idée d’une contradiction interne revient chez plusieurs intervenants des réseaux sociaux. «La confession fait partie intégrante du sacrement des malades, relève ainsi une internaute. La confession est valable seulement si on ne commet plus le péché. Or le suicide est bien un péché.»
Selon Dignitas, Mgr Huonder se contredit et fait preuve «d’ignorance»
L’association d’aide au suicide Dignitas a réagi le 6 décembre à la lettre de l’évêque de Coire par un communiqué. Le texte met en avant les prétendues «contradictions» du prélat. L’évêque affirme dans sa lettre que «le processus de la mort naturelle ne doit pas être affecté» et que Dieu seul peut décider de l’heure du décès de la personne. Dignitas répond que cela fait des décennies que l’homme «joue à Dieu» et que la médecine influe, qu’on le veuille ou non, sur la vie et la mort des patients.
En référence à l’intitulé du texte de l’évêque, «Mourir humainement au regard de la foi», l’association d’aide au suicide soutient que ce n’est ni à elle, ni à l’Eglise de juger ce qu’est une mort «digne et humaine», mais «uniquement à la personne elle-même».
Dignitas reproche en outre à Mgr Huonder son «ignorance» du fait que beaucoup de ses membres sont chrétiens et que certains ont déjà fait appel à des prêtres pour les accompagner dans leurs derniers instants.
L’association surtout active en Suisse alémanique affirme que si l’Eglise respectait plus la volonté des personnes de choisir leur mort, «moins de gens lui tourneraient le dos». Dignitas accuse en outre l’Eglise de ne pas s’engager assez dans l’apaisement des souffrances humaines, «une tâche dont, eu égard à sa tradition, elle devrait se charger». (cath.ch/kath/com/rz)