Le pape François embrasse le Père Ernest Simoni qui a subi les persécutions du régime albanais (photo capture d'écran CTV)
International

Un témoin de la foi albanais créé cardinal

Parmi les dix-sept nouveaux cardinaux créés par le pape François le 19 novembre 2016 à Rome, le Père Ernest Simoni est un cas exceptionnel. Ce prêtre franciscain albanais, âgé aujourd’hui de 88 ans, torturé et emprisonné sous la dictature communiste est honoré pour son témoignage indéfectible.

Né à Troshani, près de Scutari au nord de l’Alobanie, en 1928, Ernest Simoni  a étudié au collège des Franciscains entre 1938 et 1948. Quand ses supérieurs ont été abattus par le régime, il a poursuivi clandestinement ses études théologiques. Durant quelques années, il est envoyé comme instituteur dans les villages de montagne du nord. Il n’est pas encore ordonné, mais en l’absence de prêtres il devient presque un ‘pasteur’ de ces villages.

En 1956, Ernest est ordonné prêtre et mène huit ans de ministère sacerdotal. Entre-temps l’Albanie a rompu avec l’Union soviétique, et s’est rapprochée de la Chine. Commence alors une nouvelle phase de la persécution. Le régime d’Enver Hoxha a proclamé l’Albanie «premier Etat athée du monde». Dieu a été interdit, quel que soit le nom qu’il porte. La fureur anti-religieuse frappe les catholiques, les orthodoxes, les musulmans et les bektachis issus de la mouvance soufie.

Le 24 décembre 1963, la célébration du réveillon de Noël dans le village de Barbullush vient de se terminer lorsque quatre officiers munis d’un mandat d’arrêt se saisissent de lui et le jettent à coups de pied dans leur voiture . Pendant trois mois, Ernest reste dans une cellule d’isolement à Scutari. Lorsque ses parents peuvent lui apporter du linge, sa mère pleurait parce que les vêtements sales étaient toujours tachés de sang. À la torture physique s’ajoutent des tortures psychologiques. Ses gardiens mettent dans sa cellule un ami proche chargé de l’espionner. Quand cet homme l’incite dire du mal du dictateur Enver Hoxha, le jeune prêtre répond: «Jésus nous a appris à aimer tout le monde et à pardonner à nos ennemis. Dieu protège le président et lui inspire pour qu’il puisse aider le peuple. ”

Il avait prié pour le président Kennedy

Le régime trouve enfin un prétexte pour le condamner. Le pape Paul VI avait demandé à tous les prêtres dans le monde de célébrer trois messes pour l’âme du président américain John Kennedy, assassiné un mois plus tôt. Ce que le Père Simoni avait fait, devenant ainsi un ennemi du régime. Il était également resté abonné à un magazine de Russie soviétique, désormais honnie par le pouvoir albanais. Ces fautes suffisent à le condamner à la peine de mort. Le Père Simoni était prêt à mourir, mais, de façon inattendue, sa peine est commuée en vingt-cinq ans de détention.

Pendant ce temps, les églises et les mosquées ont été détruites et la cathédrale de Scutari transformée en une salle de sport. Durant les premières années de travail forcé, le prêtre doit briser les roches extraites d’une carrière avec une masse de fer. Puis, il descend au fond des mines creusées dans la montagne. Au régime de travail très dur s’ajoutent les punitions. «L’une des plus douloureuses était de frapper les talons avec des matraques.»

La messe tous les jours malgré tout

Don Ernest ne renonce pourtant pas à proclamer l’Évangile. «J’ai célébré la messe tous les jours, de mémoire, en latin, en utilisant ce dont je disposais.» Il cuit ses hosties sur de petits réchauds à kérosène utilisés pour le travail. Le vin est remplacé par du jus de raisins. En hiver, ses parents lui amènent des bouteilles de vin. Il distribue la communion et confesse en cachette. Il avait écrit sur le mur de sa cellule «Ma vie est Jésus». Il devient même le père spirituel de nombreux prisonniers. Il savait qu’il risquait sa vie, mais le psaume «le Seigneur est mon berger» l’accompagne sans cesse.

Libéré en 1981, le Père Ernest reste néanmoins un ‘ennemi du peuple’ et il est contraint de travailler dans les égouts. Il continue cependant à exercer clandestinement son ministère. Pour Don Ernest, la libération définitive arrive le 5 septembre 1990. Quand un agent de police lui dit qu’il est libre et qu’il peut redevenir prêtre, il ne le croit pas.

Un martyr d’aujourd’hui

«Aujourd’hui, nous avons touché des martyrs», avait déclaré le pape François après son témoignage et celui d’une religieuse: «Avec cette simplicité, ils ont trop souffert, physiquement, psychiquement, avec l’angoisse de l’incertitude, ne sachant pas s’ils allaient être fusillés ou non, et ils vivaient avec cette angoisse. Le Seigneur les consolait. Il console dans l’intimité du cœur et par la force.» Le pape François avait revu le vieux prêtre lors d’une audience générale en avril dernier: il lui avait alors baisé les mains en signe de respect.

Pardonner n’est pas un acte de faiblesse

Questionné sur ce qu’il ressent envers ses tortionnaire, le Père Simoni répond sans hésiter: «Je prie pour mes ravisseurs et tout le peuple albanais tous les jours pendant la messe. J’invoque sur eux la miséricorde de Dieu, ils sont ceux qui en ont certainement besoin. Quant à moi, je n’ai pas de ressentiment, et j’ai pardonné dans mon cœur. J’espère qu’un jour le Seigneur me pardonnera mes péchés. Pardonner n’est pas un acte de faiblesse. Jésus nous demande d’aimer nos ennemis, le pardon devient l’ultime acte par lequel nous témoignons de l’Evangile et le signe que nos persécuteurs n’ont pas atteint leur but. ” (cath.ch-apic/ag/mp)

Le pape François embrasse le Père Ernest Simoni qui a subi les persécutions du régime albanais (photo capture d'écran CTV)
11 octobre 2016 | 17:17
par Maurice Page
Temps de lecture : env. 4  min.
Partagez!