Bose, une communauté branchée sur l’œcuménisme

La communauté monastique de Bose, au nord du Piémont, attire loin à la ronde. Mixte et œcuménique, elle met en œuvre des intuitions du concile Vatican II et ouvre des pistes pour un rapprochement entre Eglises chrétiennes.

La communauté œcuménique de Bose a déjà 50 ans. Elle est née le 8 décembre 1965, le jour même où s’achevait à Rome le concile Vatican II. Ici germe depuis un demi-siècle une expérience profondément originale: une communauté de moines et de moniales, attachée à l’Eglise catholique et ouverte aux autres Eglises.

«Nous ne sommes pas un ordre traditionnel, mais nous sommes ancrés dans la tradition monastique. A la fois fidèles à la tradition et compréhensibles pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui», explique le frère suisse Matthias Wirz, de tradition réformée, moine depuis 17 ans.

«Prie et travaille»

Originale d’abord, la fondation de la communauté. Le jeune Enzo Bianchi, étudiant turinois, s’installe dans ce hameau du Piémont en 1965. Il a 25 ans et dans ce village abandonné, proche de Biella, il vient restaurer une église romane avec des amis. Bientôt, il se retrouve seul. Dans l’élan du Concile, il souhaite participer à la réforme de l’Eglise. D’abord seul pendant trois ans, il est rejoint en 1968 par trois autres jeunes, dont un pasteur réformé neuchâtelois, Daniel Attinger, et… une femme. C’est le début de la vie communautaire. Les quelques maisons du hameau sont peu à peu investies par de nouveaux arrivants.

Un demi-siècle plus tard, la communauté compte 90 membres, elle a quatre implantations en Italie et rayonne comme pôle de ressourcement spirituel. Cet étonnant cheminement se fonde sur deux piliers: la Parole de Dieu et la vie communautaire. «Prie et travaille», ora et labora, en conformité avec la tradition monastique.

La prière rassemble trois fois par jour les hommes et les femmes de blanc vêtus, pour la liturgie des heures et la messe. La dimension communautaire est faite d’une vie simple, consacrée au travail et aux échanges fraternels. Le travail permet de subvenir aux besoins du groupe. A côté de l’accueil, le monastère produit du pain, du miel et des confitures et façonne de la poterie. Il édite aussi des livres (Enzo Bianchi est un écrivain renommé) et le fruit de ses études bibliques. Et, écrin de beauté, il peint des icônes.

Le risque de l’unité

Passer à Bose, comme le font environ 24’000 visiteurs par an, c’est goûter à une vie simple, rythmée par la prière et les repas avec un membre de la communauté. C’est aussi apprécier la délicatesse de frères et de sœurs attentifs à leurs hôtes, quelles que soient leurs motivations. Il n’est pas rare d’y croiser un évêque catholique ou orthodoxe, des pasteurs suisses ou des personnes conduites par Cath-Info, comme récemment, du 3 au 4 octobre.

Le frère Matthias accueillait avec joie ses compatriotes, qui ont pu goûter une certaine liberté dans la manière de célébrer la liturgie. «L’ouverture aux autres Eglises encouragée par Vatican II, nous la vivons concrètement, explique-t-il. Dans les années 1960, le frère Enzo avait déjà des contacts, à Turin, avec les Vaudois du Piémont – les protestants italiens – et les baptistes. Et lorsque le pasteur Daniel Attinger a demandé d’adhérer à la communauté, le risque a été pris de vivre ensemble une foi plus grande que les divisions qui nous habitent». L’audace du jeune âge, alors, et le sens d’une responsabilité particulière – vivre ensemble malgré les séparations entre les Eglises – motivaient ces pionniers.

Hospitalité eucharistique

Enzo Bianchi et ses compagnons ont promu un art de vivre ensemble en dépit des séparations entre les Eglises. A l’époque, la communauté de Taizé avait déjà fait également un bout de chemin, sous l’impulsion de Roger Schütz. «La dimension radicale de notre mise en commun, à Bose, a conduit à des adaptations, ajoute le frère Matthias. Nous ne voulions pas juste être des catholiques et des protestants vivant côte à côte, chacun célébrant dans son coin… Nous avons voulu une vraie dimension œcuménique et réfléchi à la manière d’organiser la liturgie».

La prière des heures et la messe structurent la journée communautaire. L’hospitalité eucharistique est pratiquée, comme l’autorise à titre exceptionnel le droit canonique de l’Eglise catholique: les protestants communient donc avec les autres frères, en majorité catholiques.

Aiguillon

La stagnation de l’œcuménisme officiel ne freine pas l’élan de Bose: «On a l’impression qu’actuellement, l’Eglise catholique et les Eglises protestantes avancent en parallèle. Des communautés comme les nôtres peuvent être des aiguillons au moment où l’œcuménisme piétine. Nous essayons d’être un lieu d’expérience nouvelle pour aiguiller les Eglises et les aider dans leur marche vers l’unité».

Car à Bose, le désir d’une unité institutionnelle, visible, reste vif. Pour Matthias Wirz, «il existe des divisions séparatrices. Mais il faut reconnaître à l’autre le droit de penser différemment…». Le message d’une communauté en mouvement.


Enzo Bianchi, fondateur et prieur

Le fondateur de la communauté de Bose, frère Enzo Bianchi, en est toujours le prieur. Les frères et les sœurs ont entre 26 et 73 ans, avec une moyenne d’âge de 47 ans. La majorité des membres sont de nationalité italienne, mais la variété est de mise dans ce groupe de confessions, de nationalités et d’âges différents. La communauté accueille notamment en son sein une religieuse orthodoxe.

Depuis 2001, l’évêque de Biella a accordé à la communauté de Bose le statut d’association de fidèles du diocèse: un pas important pour la communauté, non acceptée en ses débuts par l’évêque de l’époque. (cath.ch/bl/be)

www.monasterodibose.it, tél: 00 39 015 679 185

Le frère Matthias Wirz est originaire du canton de Vaud. Il est moine à Bose depuis 1999.
7 octobre 2016 | 13:57
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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