Dilma Roussef a été destituée de la présidence du Brésil (Photo: Flickr/nznationalparty/CC BY-NC-ND 2.0)
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CPT: « La destitution de Dilma Rousseff est un affront à la démocratie»

Après la destitution, mercredi 31 août, de la désormais ex-présidente de la république brésilienne Dilma Rousseff, la Direction et la Coordination Exécutive Nationale de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), ont publié un communiqué dans lequel elle dénonce un déni de démocratie et s’inquiète pour l’avenir du pays.

«Le coup d’Etat a donc bien eu lieu et avec lui l’annulation honteuse du vote du peuple et son droit à être gouverné par la personne qu’il a élu», affirme le communiqué de la CPT, publié le 2 septembre. Pour ce service social de l’Eglise, rattaché à la Conférence des évêques du Brésil (CNBB), «la démocratie s’est interrompue avec des doses aigues de cynisme et de trahison. Un régime d’exception a été instauré, non déclaré, mais qui fait craindre pour le futur».

 L’ancien gouvernement pointé du doigt

La CPT rappelle qu’elle s’est toujours manifestée de manière critique à l’égard des derniers gouvernements, n’hésitant pas à pointer les nombreuses erreurs et compromis, que ce soit avec les politiques professionnels ou les chefs d’entreprise. «C’est pour cette raison que les gouvernants n’ont pas répondu aux besoins et inquiétudes les plus profondes de la population comme il l’avaient promis.  En particulier à l’égard des paysans, des sans terre et surtout des peuples indigènes et quilombolas (n.d.l.r. descendants des esclaves) et autres communautés traditionnelles, sacrifiées sur l’autel du business dans lequel s’est vautrée la politique.»

 Dilma Rousseff, condamnée sans preuve

Pour autant, la CPT continue de critiquer vertement le processus d’impeachment. «Le dénouement du procès constitue un affront à la démocratie. Le fait que des sénateurs aient voté pour maintenir les droits politiques de la présidente éloignée montre leur incohérence. Cela démontre qu’ils voulaient sa place pour des raisons politiques inavouables, mais que tous connaissent.» Pour la CPT, la présidente a été destituée alors même que le crime de responsabilité dont elle est accusée n’a pas été prouvé. (n.d.l.r. Dilma Rousseff est accusée d’avoir maquillé les comptes publics en 2014 pour dissimuler aux Brésiliens l’ampleur des déficits publics et se faire réélire, en octobre de la même année. Elle aurait usé du même procédé début 2015.)

 Les réformes à venir, cet «autre» coup d’Etat

Les membres de la Direction de la CPT craignent que ce coup d’Etat n’en soit qu’à son commencement. «L’élite qui s’est imposée au pouvoir de manière non démocratique veut désormais  faire adopter un ensemble de réformes qui vont constituer le véritable coup d’Etat, celui infligé aux droits sociaux et du travail.» D›ailleurs, pour la CPT «le discours de Michel Temer, lors de sa prestation de serment, a été clair sur son projet de gestion et à qui ce dernier va bénéficier.»

Selon la CPT, trois points principaux vont affecter directement la vie du peuple. En premier lieu, la réforme du droit du travail avec la prédominance des accords entre les patrons et les employés sur la législation du travail et la préférence donnée à l’externalisation des activités. Ensuite, les réformes de la prévoyance qui va relever l’âge de départ à la retraite et cesser d’indexer le montant du salaire minimum au taux d’inflation. Mais le plus inquiétant demeure, comme le propose le projet de loi 241, de geler les investissements dans le secteur public pendant 20 ans, y compris dans l’éducation et la santé, pourtant exsangues.

 Inquiétudes pour l’avenir

Autre point très inquiétant, «le sacrifice des populations rurales et des forêts, en favorisant la division des mouvements syndicaux ruraux pour les fragiliser.» Comment? «A travers l’adoption de mesures permettant la cession de terres à des capitaux étrangers et l’internationalisation croissante de l’agrobusiness.» Des mesures qui s’accompagnent d’une répression accrue des mouvements de résistance et d’une criminalisation des organisations sociales rurales.

Inquiets pour l’avenir du pays, les membres de la CPT ont été jusqu’à évoquer «les temps obscurs que nous vivons et que nous allons vivre dans un proche futur.» Mais, souhaitant garder espoir, la Direction de la CPT a conclu son communiqué en citant l’anthropologue Carlos Rodrigues Brandão: »L’heure est sombre, mais c’est maintenant le moment de lutter contre cette obscurité en allumant les lumières qui ont pour nom ‘espoir’ et de se relever (…) Le moment, c’est maintenant. Unissons nous pour recréer la vie, expulser la peur et transformer le monde.» (cath.ch-apic/jcg/rz)

 

 

Dilma Roussef a été destituée de la présidence du Brésil
3 septembre 2016 | 14:40
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
Brésil (392), CPT (31), Dilma Rousseff (9), politique (162)
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