Le conseiller national Yannick Buttet (Photo:  Jacques Berset)
Suisse

Viande «halal»: Yannick Buttet veut une obligation de déclaration pour la viande importée

Le conseiller national démocrate-chrétien valaisan Yannick Buttet veut que Berne introduise une obligation de déclaration pour la viande importée «halal» (autorisée par la charia, la loi islamique). Il ne s’agit pas d’une question religieuse qui viserait la communauté musulmane, tient-il à préciser à cath.ch, mais simplement de «concurrence déloyale».

Destinée aux communautés musulmanes de Suisse, la viande «halal» importée paie en effet  3 à 4 fois moins de droits d’importation que la viande ordinaire. «C’est jusqu’à 10 francs moins cher le kilo». Si l’importateur doit obligatoirement appartenir à la communauté musulmane ainsi que le premier revendeur en Suisse, la viande «halal» peut ensuite se retrouver dans le circuit conventionnel. Et c’est là que le bât blesse.

Pas une question religieuse, pour le directeur de l’UPSV

Même son de cloche chez Ruedi Hadorn, directeur de l’Union Professionnelle Suisse de la Viande UPSV à Zurich. «Il ne s’agit en aucune manière d’un problème religieux, confie-t-il à cath.ch, mais effectivement d’une distorsion de la concurrence. Le problème s’est manifesté principalement en Suisse romande, en particulier à Genève. Nous soutenons clairement l’initiative parlementaire de M. Buttet».

Le directeur de l’UPSV, qui veut une égalité de traitement pour tous, précise que si l’intervention concerne uniquement la viande «halal», c’est parce que la viande «halal» importée sur un contingent spécifique bénéficie d’une exception, car elle paie moins de coûts pour la mise aux enchères. C’est également le cas de la viande ‘casher’ importée, mais comme elle est plus chère et reste au sein de la communauté juive, elle ne représente pas une concurrence pour le circuit ordinaire.

En termes de quantité, la viande ‘halal’ importée représente 350 tonnes (viande bovine) et 175 tonnes (viande ovine), tandis que celle de viande ‘casher’ importée est de 176 tonnes (viande bovine) et de 20 tonnes (viande ovine).

Lacunes dans la base légale

«Des restaurateurs profitent du fait qu’il s’agit d’une viande moins cher et ne le disent pas aux clients… Il n’y a pas pour eux d’obligation de le signaler au consommateur. Il y a là une lacune dans la base légale et cela doit changer», affirme Yannick Buttet.

Le conseiller national valaisan dit avoir été interpellé par des bouchers romands. Quant à la viande «casher», destinée aux communautés juives, elle ne semble pas poser de problème de concurrence déloyale pour Yannick Buttet, car elle serait plus chère à l’achat et les contingents seraient moindres. Mais il ne sait pas dans ce cas si l’abattage de l’animal se fait sans étourdissement.

Abattages sans étourdissement

Le procédé d’abattage rituel juif (shehita) a principalement pour but de vider la bête de son sang. La shehita consiste entre autres à trancher la veine jugulaire, l’artère carotide, l’œsophage et la trachée d’un seul geste continu au moyen d’un couteau effilé. L’abattage se fait effectivement sans étourdissement.

Donnant suite à l’initiative parlementaire du député Yannick Buttet intitulée «Importation de viande halal provenant d’abattages sans étourdissement», la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national, siégeant le 30 juin 2016 à Berne sous la présidence du conseiller national Felix Müri (UDC, LU), veut instaurer une obligation de déclaration pour la viande issue d’un abattage rituel.

Proscrit par la loi suisse

En Suisse, l’abattage de mammifères sans étourdissement est proscrit par la loi sur la protection des animaux. Cette interdiction vaut également pour l’abattage rituel. Afin de tenir compte, dans l’esprit de la Constitution fédérale, de la liberté de croyance et de religion des communautés musulmanes et juives, il est permis d’importer de la viande d’animaux abattus selon des prescriptions rituelles, dite «halal» et «casher». «Cette importation est cependant limitée aux cercles directement concernés et la viande doit porter l’indication ‘halal’ ou ‘casher’», précise-t-on sur le site internet du Parlement fédéral.

La Commission affirme ne pas remettre en cause la liberté de religion. La majorité souhaite que la question de l’importation et de l’accès au marché de la viande «halal» et «casher» soit approfondie, raison pour laquelle elle soutient l’initiative parlementaire de Yannick Buttet.  »D’une part, il s’agit d’examiner la façon dont une obligation de déclaration pourrait être imposée pour la viande ‘halal’ et ‘casher’ issue d’animaux abattus à l’étranger sans étourdissement ou après la saignée, c’est-à-dire en contradiction avec la législation suisse. D’autre part, la commission souhaite saisir l’occasion pour se pencher sur les dispositions d’importation (quantité et prix) relatives à ce type de viande».

Abus constatés

Le conseiller national Yannick Buttet constatait dans sa motion déposée en décembre 2013 que des insuffisances avaient été constatées lors de l’importation de viande «halal». Il soulignait que «personne ne sait quelle quantité d’animaux abattus avec ou sans étourdissement préalable parviennent sur le marché suisse. Le règlement actuel ne fixe la reconnaissance comme point de vente pour la viande halal que jusqu’au niveau 1 après l’importation. Dans la pratique, il est facile de la vendre aussi hors de la communauté musulmane par les niveaux suivants». Il rappelait que le secteur de la viande avait déjà averti l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) de tels abus en 2010 et 2011.

 


Le cadre légal

L’article 21 de la Loi fédérale sur la protection des animaux (LPA) stipule que «les mammifères ne peuvent être abattus que s’ils sont étourdis avant d’être saignés».

L’article 14 de la LPA précise ce qui suit : «Le Conseil fédéral peut, pour des raisons relevant de la protection des animaux, soumettre l’importation, le transit et l’exportation d’animaux et de produits d’origine animale à certaines conditions, les limiter ou les interdire. L’importation de viande cascher et de viande halal pour assurer un approvisionnement suffisant des communautés juive et musulmane en viande de ce type est réservée. Le droit d’importer et le droit de se procurer de la viande cascher ou halal sont réservés aux membres de ces communautés ainsi qu’aux personnes morales et aux sociétés de personnes qui leur sont affiliées». http://www.admin.ch/opc/fr/classified-compilation/20022103/index.html#a14

Une interdiction des importations de viande halal et cascher est contraire à la liberté de conscience et de croyance en Suisse, comme le garantit l’article 15 de la Constitution fédérale. (cath.ch-apic/be)

 

 

 

Le conseiller national Yannick Buttet
4 août 2016 | 16:41
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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