Jérôme Jean Hauswirth

Et si l'on ne se lavait pas les mains?

Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens? Ils prennent leur repas sans s’être lavé les mains». Vous entendez cette remarque étonnante, presque enfantine. Pourquoi donc se laver les mains? Y-avait-il un risque d’épidémie, une maladie mortelle dans la région? Un vilain microbe? Des mains sales comme les pieds?

 

Pour répondre, rappelons d’abord l’importance dans le judaïsme des lois de pureté rituelle (les lois du casher). Elles interdisent par exemple de manger la viande de certains animaux – comme la charcuterie qui est impure -, ou de manger la viande de bêtes non saignées. A l’origine de ces coutumes se trouve une grande délicatesse à l’égard de Dieu, afin de rester pur devant Lui. Le motif premier est donc spirituel. Se laver les mains donne au repas une signification sacrée. On mange devant Dieu et on le remercie de nous fournir le pain. Selon ce rituel, se laver purifie le corps pour le disposer à manger ce qui est sain.

 

Cela est très beau! Riche de sens et empli de respect et de sacré. Seulement voilà, comme souvent avec les humains, les plus belles traditions se dénaturent. Ainsi pour les pharisiens, ces pratiques de respect devinrent-elles une manière de séparer les hommes: les Juifs préservés du contact mauvais avec les païens; les justes écartés des pécheurs; les bien portants éloignés des malades. Le pur et l’impur sont séparés. Parce qu’ils n’en font qu’un geste extérieur, ils refusent l’Esprit.

 

Ces lois ne devaient concerner à l’origine que les juifs. Et pourtant elles ont aussi une conséquence immédiate sur les non juifs car elles rendent impossible un lien fraternel entre un juif et un non juif autour de la même table. Le pur ne pouvant pas se mélanger avec l’impur. Entendez bien et comprenez donc que ces lois rituelles sont devenues une barrière élitaire protégeant le juif de tout contact avec le monde païen.

 

La Bonne Nouvelle c’est que Dieu accueille tous les hommes. Jésus va donc faire sauter cette barrière, ces coutumes très stricts, ce cadre étroit et très particulier de la religion juive. Tout cela doit être dépassé pour retrouver l’essentiel, l’esprit, afin que les païens de bonne foi puissent adhérer, eux aussi, à une relation personnelle avec Dieu Esprit. Entendez comme avec Jésus une rupture s’opère dans le judaïsme. D’un peuple élu, particulier, préféré, Dieu étend son alliance à tous les hommes. L’universalisme de la foi chrétienne, c’est la merveille d’une bonne nouvelle pour tous.

 

Et quelle est la bonne nouvelle de l’Evangile de ce jour? Je pense que l’enseignement de Jésus sur «ce qui nous rend impur» est très riche. Dans l’Evangile Jésus nous a dit:
«Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur».
Entendez bien : Ce qui souille l’homme, ce n’est pas ce qu’il mange… Mais ce qui est au-dedans… dans sa tête… ce qu’il pense. L’impureté n’est pas dans la matière extérieure, mais dans le cœur. Le mal n’est pas dans les choses qui nous entourent, mais dans le cœur blessé de l’homme. Pour être très concret, LE MAL DEPUIS LA CHUTE ORIGINEL EST DANS LE CŒUR COMME UN MANQUE D’AMOUR. Une blessure dont il faut maintenant brièvement la responsabilité.

 

Aujourd’hui, il y a une mode issue des sciences humaines mal comprises : on veut nous persuader que l’homme est trop conditionné pour être capable de pécher. Il y a vrai déni des responsabilités. Il n’y a plus de pécheurs, mais seulement des victimes. Des êtres tellement blessés par la vie qu’ils sont les jouets des pulsions de leur inconscient. Rappelez-vous en 2011 en Norvège. Le tueur d’Oslo dans un premier temps reconnu pénalement irresponsable. Entendez comme derrière ce discours rassurant se cache un athéisme militant : sans responsabilité individuelle, plus besoin d’un Sauveur.

 

Avançons : concrètement, où se situe notre responsabilité ? Le père Barthélémy écrivait : la responsabilité ne doit pas situer au début, quand le doute est conçu. Non le mal moral n’est pas dans cet élan initial, dans ce moment où l’imagination nous suggère quelque chose. Le mal n’est pas non plus d’ailleurs dans l’acte final (qui est posé souvent de façon compulsive). Mais plus finement, le mal est dans l’entre-deux. Dans ce moment où l’imagination est comme accueillie, retournée et acceptée. Quand le vertige enivre. Dans ce moment où l’imagination se plaît à alimenter le désir impur. Tout se joue dans cet entre-deux moments : à ce moment où l’on commence à s’attarder avec complaisance sur ce qui est un mal.

 

LE PÉCHÉ, CE N’EST PAS D’AVOIR ENTENDU, CE N’EST PAS NON PLUS D’AVOIR AGI, PLUS FINEMENT, LE PÉCHÉ C’EST D’AVOIR PRÊTÉ L’OREILLE.

 

Revenons à l’Evangile: «Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur».

 

Oui, les désirs de notre cœur sont une source d’où s’écoulent deux eaux: l’eau polluée de notre égoïsme, mais aussi l’eau pure de notre amour généreux. Il y a un seul cœur, mais deux eaux. Pour être unifiés, nous avons besoin de renoncer à l’une des deux eaux. Or, nous ne pouvons, par nos seules forces, faire le bien et éviter le mal. C’est pourquoi Dieu nous a donné un Défenseur, Il vient à notre secours en Jésus – Christ. C’est pour cela que nous avons le secours des sacrements: le baptême, la confession, la communion, la sainte messe. Dieu vient purifier notre cœur pour en faire ce palais où il pourra se reposer. A chacun de nous de coopérer à cette œuvre de re-création, pour croître dans l’Amour de Dieu et de nos frères.

 

Seigneur, aide-moi à changer mon cœur. Sinon, je vais faire comme Pilate, me laver les mains en condamnant l’Innocent. Sinon je croirai rester pur et je mènerai à la croix le Fils de Dieu Innocent.
Seigneur, c’est de mon cœur blessé, et non de la boue des chemins, que vient ce qui me divise et me fait souffrir.
Seigneur je crois que tu peux changer mon cœur, le guérir et le soigner, en y laissant entrer ta  Parole.
Purifie-moi, Seigneur par ton pardon, alors je serai un homme au cœur doux et pacifié, aimant Dieu et ses frères.
Amen.

 

Père Jérôme Jean

30 août 2012 | 12:12
par Jérôme Jean Hauswirth
Temps de lecture : env. 4  min.
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