Faculté de théologie de Fribourg: Ré-imaginer l'Eglise au 21e siècle
L’Eglise en Occident n’est plus, depuis longtemps, une Eglise multitudiniste se donnant pour mission de s’occuper spirituellement de l’ensemble de la population. Face aux défis de la sécularisation rampante, elle doit se (re)penser pour remplir sa mission au 21e siècle.
Près de 400 intéressé(e)s de diverses confessions chrétiennes, venus de toute la Suisse et de l’étranger, planchent sur ce thème du 15 au 17 juin 2016 à l’occasion des 3e Journées d’Etude pour le renouveau théologique et sociétal. Ils répondaient à l’invitation du Centre d’études pour la foi et la société de la Faculté de théologie de l’Université de Fribourg.
Chercher des réponses en vue de la revitalisation des Eglises
C’est à partir de l’intitulé «Re-Imagining the Church in the 21st Century» qu’ont réfléchi quelque 70 pasteurs réformés, quasiment autant de pasteurs des Eglises évangéliques libres, des étudiants et des professeurs des Facultés de théologie des Universités de Fribourg, Zürich, Bâle et Berne, ainsi que des conseillers synodaux, des théologiens et divers responsables d’Eglises et communautés chrétiennes de Suisse.
Les participants ont pu échanger des points de vue catholiques-romains, réformés, évangéliques, anglicans, catholiques-chrétiens, orthodoxes ou luthériens, et chercher ensemble des réponses en vue de la revitalisation des Eglises. Une intéressante rencontre entre le monde académique «qui ne doit pas rester dans sa tour d’ivoire», et les gens du terrain, actifs dans les structures d’Eglise, les paroisses et les communautés.
L’Eglise n’existe pas seulement pour elle-même
Saluant les participants rassemblés dans l’aula magna de l’Université de Fribourg, la vice-rectrice Astrid Kaptijn, professeure associée de droit canon, a relevé qu’un tel colloque d’envergure nationale contribue au rayonnement de l’Université. Il permet de dialoguer avec des experts – venus notamment d’Angleterre, d’Allemagne, de France et de Suisse – et d’échanger entre personnes ayant les mêmes préoccupations, dans le but de réfléchir à la signification de l’Eglise dans et pour la société du 21e siècle. «Le sujet choisi dans les conférences montre que l’Eglise n’existe pas seulement pour elle-même, mais qu’elle a une mission dans le monde!»
Remplaçant au pied levé le Frère dominicain Timothy Radcliffe, ancien maître général de l’Ordre des Prêcheurs, retenu à Oxford pour des raisons de santé, le Frère Richard, de la communauté de Taizé, a présidé le moment de prière avant les conférences. Un air d’office des matines, qui a trouvé un public très recueilli!
Des impulsions pour le renouveau de l’Eglise
Parmi les intervenants, le théologien protestant allemand Michael Herbst a proposé quelques impulsions pour le renouveau de l’Eglise. Ce professeur de théologie pratique à l’Université Ernst Moritz Arndt, à Greifswald, dans l’ancienne RDA, est également directeur de l’Institut pour l’étude de l’évangélisation et du développement communautaire auprès de cette Université.
Dans les années 1960 et 1970, des critiques se faisaient entendre: l’Eglise s’occupe trop d’elle-même, et surtout, dans ses paroisses, le style est par trop «petit bourgeois» et a peu à faire avec l’engagement de Dieu pour le monde. Le service ecclésial devait désormais s’orienter selon l’ordre du jour mondial. Ainsi sont nées de nouvelles formes du travail d’Eglise, avec de nouveaux services et œuvres.
C’est alors, plus précisément à partir de 1968, que le nombre des membres des Eglises a commencé à diminuer. Les Eglises protestantes perdent ainsi chaque année quantité de membres, de l’ordre d’une grande ville comme Münster, Karlsruhe ou Genève. La fréquentation du culte rétrécit, pour atteindre à peine 4% des membres, tandis que le public de l’Eglise vieillit. On assiste dans l’Eglise protestante allemande (EKD) à une disparition des membres au centre et à une polarisation inquiétante sur les extrêmes, comme le montre la dernière enquête sur les membres de l’EKD.
L’Eglise en RDA ne s’est pas relevée après la chute du Mur de Berlin
Dans l’ancienne RDA, le régime communiste a réussi, en une génération, à faire d’une Eglise évangélique forte une Eglise de minorité marginalisée. Le fait d’être sans confession en Allemagne de l’Est est désormais la normalité, et les gens sont devenus religieusement indifférents. Il n’y a pas eu de renouveau de l’Eglise après la chute du Mur de Berlin, et sous cet aspect, la RDA semble avoir largement gagné la bataille pour les cœurs et les esprits, déplore Michael Herbst.
Et le théologien protestant de citer l’exhortation apostolique du pape François «Evangelii gaudium» (»La joie de l’Evangile»): «La joie de l’Evangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ, la joie naît et renaît toujours». Pour Michael Herbst, le développement des paroisses et de l’Eglise doit être œcuménique s’il veut être durable.
Prendre le chemin fastidieux et risqué de la réforme
Conviant ses auditeurs à prendre le chemin fastidieux et risqué de la réforme – alors que la tendance est plutôt, face à la crise, de s’efforcer de retourner à l’équilibre ancien ou de changer aussi peu que possible l’ordre ancien – le théologien allemand plaide pour que les dirigeants de l’Eglise fassent confiance à ceux qui tentent des expériences et osent quelque chose. Il faut leur laisser du temps et les accompagner de façon critique, mais bienveillante. Souvent, encore aujourd’hui, ceux qui veulent essayer quelque chose de nouveau ont besoin de beaucoup de souffle jusqu’à ce qu’ils obtiennent le «permis d’expérimenter», regrette-t-il.
Michael Herbst constate que «nous sortons d’une Eglise nationale dans le sens classique», pour tenter de devenir une Eglise de minorité et une Eglise missionnaire qui ne doit pas avoir peur d’être efficace dans l’espace public. Et dans tous les cas, la spiritualité vécue joue un rôle central: «Ici Dieu est écouté et prié, attendu et espéré». (cath.ch-apic/be)