L'Eglise orthodoxe russe refuse de participer au Concile
Le synode de l’Eglise orthodoxe russe a décidé, le 13 juin 2016, qu’elle ne participerait pas au grand Concile panorthodoxe, qui doit commencer dans quelques jours en Crète. Le Patriarcat de Moscou souhaite un report du grand rassemblement, arguant de la défection déjà annoncée d’autres Eglises locales.
L’Eglise orthodoxe russe a exprimé sa «certitude que la libre participation des délégations de toutes les Eglises orthodoxes autocéphales reconnues de tous était une condition nécessaire à la tenue du Concile panorthodoxe«, peut-on lire sur le site internet du Patriarcat de Moscou. L’institution remarque qu’»il était particulièrement important de résoudre avant le Concile les difficultés intervenues dans les relations des Patriarcats d’Antioche et de Jérusalem».
Les Eglises de Bulgarie, de Géorgie, de Serbie et d’Antioche ont déjà annoncé qu’elles ne participeraient pas au premier rassemblement panorthodoxe depuis mille ans. Toutes demandent des amendements à certains documents préliminaires que les 14 Eglises autocéphales doivent promulguer en Crète, et qu’un nouveau Concile soit convoqué. Le Patriarcat de Constantinople, qui organise l’événement, a rejeté ces conditions.
Pas d’assemblée préconciliaire
Le professeur de théologie russe Vladislav Petrushko s’étonne, sur le site internet orthodoxe Pravmir.ru, que les difficultés en rapport à la tenue du Concile aient surgi de façon si tardive. Il se demande pourquoi, s’il y a eu des erreurs dans la préparation du Concile, elles n’ont pas été déclarées ouvertement et directement traitées de façon appropriée.
Le site internet du Patriarcat de Moscou explique ainsi «qu’un travail d’étude des remarques critiques émanant de l’épiscopat, du clergé et des laïcs» sur les projets de documents conciliaires, publiés après la Synaxe préparatoire, qui s’est déroulée du 22 au 28 janvier 2016 à Chambésy, près de Genève, a pu être examiné seulement le 3 juin. Le rapport est arrivé aux mêmes conclusions que les quatre autres Eglises réfractaires sur la nécessité d’amender un certains nombre de documents préliminaires. Suite à quoi, le Patriarcat moscovite a émis la proposition d’une «assemblée préconciliaire panorthodoxe extraordinaire» immédiatement refusée par l’Eglise de Constantinople, notamment à cause des délais extrêmement courts que cela aurait impliqué. Le patriarcat de Moscou affirme donc que la seule solution possible «est de poursuivre le travail de préparation du Saint et Grand Concile et de parvenir à un accord de l’ensemble des Eglises orthodoxes sur sa tenue à d’autres dates».
Perte de réputation
«La perte de réputation pour le monde orthodoxe, après ce qui s’est passé, est vraiment sérieuse», commente Vladislav Petrushko. «Au lieu de faire preuve d’unité, nous avons créé un cadre de dissensions et d’inimitié entre les Eglises».
Selon de nombreux commentateurs, la principale pierre d’achoppement du Concile est l’ancienne rivalité entre le Patriarcat de Moscou et celui de Constantinople pour acquérir une forme d’hégémonie sur l’orthodoxie. L’Eglise russe, qui regroupe entre un tiers et la moitié des fidèles orthodoxes, a pour elle la puissance démographique et économique, alors que le Patriarcat de Constantinople revendique son rôle d’Eglise historique. Le différend est augmenté par le soutien de Constantinople à une Eglise ukrainienne séparée du Patriarcat de Moscou. Ce dernier reproche également au patriarche Bartholomée 1er d’être trop proche des Etats-Unis.
Le patriarche de Constantinople a fait savoir le 14 juin, par l’intermédiaire de l’agence d’information DPA, qu’il se rendrait effectivement le 16 juin en Crète. Les observateurs soulignent qu’en l’absence de l’Eglise russe, la tenue d’un tel Concile n’aurait qu’une portée symbolique. Le protocole de la réunion prévoit en effet que les décisions ne peuvent être prises qu’à l’unanimité des 14 Eglises. (cath.ch-apic/asian/mospat/rz)