Pakistan: Regain de violence contre les minorités religieuses
Depuis plusieurs semaines, les minorités religieuses au Pakistan, sont à nouveau victimes de violences perpétrées soit par des fondamentalistes soit par des fonctionnaires de l’Etat. En témoignent les attaques contre des catholiques et des musulmans chiites, rapporte le site Eglises d’Asie le 10 juin 2016.
Le 4 juin dernier, devant la porte principale de l’église catholique Saint-Joseph, dans un quartier chrétien de Lahore, capitale du Pendjab, deux hommes armés, circulant à moto ont ouvert le feu sans faire de victimes.
«J’ai demandé aux fidèles de s’abstenir de toutes représailles. Nous devons penser à nos enfants. Dieu est notre plus grand protecteur», a confié le Père Asif Sardar, curé de la paroisse attaquée. Avec les fidèles, il a organisé son propre système de surveillance des lieux, sachant qu’il ne peut compter sur la fiabilité de la police municipale.
Déjà pris pour cible lors de plusieurs attentats ces derniers mois (attentat suicide dans un jardin public, le dimanche de Pâques 2016 et double attentat commis contre des églises chrétiennes en mars 2015), les minorités chrétiennes voient les attaques se multiplier à leur encontre.
Persécutions contre la minorité musulmane chiite
Le 11 mai dernier, la minorité chiite de Parachinar, une ville à la frontière de l’Afghanistan, était visée. Des membres de la police ont ouvert le feu, tuant quatre chiites alors qu’ils manifestaient contre la mort de neuf des leurs, tués lors de plusieurs attaques visant leur communauté. Depuis cette date, des communautés chiites se sont rassemblées dans différentes villes du Pakistan, pour jeûner et prier en signe de protestation contre ces assassinats, bien avant le début du Ramadan.
«Nous sommes solidaires. Le gouvernement doit reconnaître les assassinats perpétrés contre la minorité chiite. Personne n’a le droit d’imposer ses propres croyances et l’Etat doit protéger les minorités», a expliqué le P. Emmanuel Yousaf Mani, directeur de la Commission nationale ›Justice et Paix’ de l’épiscopat catholique pakistanais.
Selon le Majlis-e-Wahdatul Muslimeen, un parti politique rassemblant les musulmans chiites du Pakistan, plus de 80’000 musulmans chiites ont été tués dans le pays, depuis 1986. »On rejette toujours la responsabilité des bains de sang sur les terroristes, mais à présent, ce sont les forces de l’ordre de l’Etat pakistanais qui s’en prennent à nous», s’insurge Muhammad Raza, le porte-parole de la formation politique, à Lahore.
Pour le pasteur Majid Abel, de la Naulakha Presbyterian Church de Lahore, bien que les chiites soient musulmans, »ils sont autant visés par des attaques que les minorités chrétiennes, hindoues ou ahmadies«.
Attaques contre la minorité des ahmadis
Le 24 mai, à Karachi, un ahmadi de 55 ans a été tué par balles par deux hommes circulant à moto. «Il a été tué du fait de ses croyances religieuses et de son appartenance communautaire», explique un communiqué de sa communauté religieuse.
«Pires que des infidèles», les ahmadis sont considérés comme «hérétiques».
Les ahmadis, qui se réclament d’une branche de l’islam, ne sont effectivement pas reconnus comme musulmans par l’Etat pakistanais, car ils ne reconnaissent pas Mahomet comme étant le dernier prophète. «Pires que des infidèles», ils sont considérés comme «hérétiques» par les courants majoritaires de l’islam, et sont de ce fait régulièrement victimes de persécutions dans la plus grande indifférence.
«Cette minorité doit vivre cachée depuis que le Parlement pakistanais l’a déclarée non musulmane. Mais ce sont des citoyens pakistanais à part entière, et l’Etat doit les protéger», a déclaré Mansh Noor, directeur de Caritas à Karachi.
Des violences dénoncées par la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde
Les minorités des sikhs et des hindous, comme les minorités chrétienne, chiite et ahmadie souffrent également de discriminations et des lois anti-blasphèmes.
Selon le rapport annuel de la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde, publié il y a quelques semaines, les violences chroniques qui ont régulièrement lieu au Pakistan continuent de viser les minorités religieuses du pays.
«Malgré des jugements encourageants prononcés par la Cour suprême, le Pakistan échoue dans la protection des minorités ciblées par des attaques et dans la conduite de poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs de ces violences», peut-on lire dans le rapport.
Lois anti-blasphème
Autre point dénoncé par la commission américaine: le pouvoir discriminatoire des lois anti-blasphème en vigueur qui, en plaçant la religion musulmane au-dessus des autres religions, »viole les principes fondamentaux de liberté religieuse, vise les membres des minorités religieuses et encourage un climat d’impunité».
Constat confirmé par Mushatq Gill, avocat pakistanais défenseur des victimes de lois anti-blasphème, pour qui »les violences de masse, les assassinats en toute impunité et la marginalisation des minorités chrétiennes perdureront tant que les lois anti-blasphème ne seront pas abrogées».
Au Pakistan, près de 95 % des 190 millions d’habitants sont musulmans, dont 80 % sont sunnites, la minorité chiite ne représentant que 20 % des musulmans pakistanais. Moins de 2 % sont chrétiens, le reste se répartissant entre minorités hindoue, sikhe et ahmadie. (cath.ch-apic/eda/bh)