Le dialogue avec les nouveaux mouvements religieux est-il possible ?

APIC – Dossier

Comment réagir à l’»offensive des sectes»

Favorisée par une inculture religieuse croissante, une insécurité face à

l’avenir à une époque où bien des certitudes s’effondrent, une attirance

pour les mystiques orientales et des recherches spirituelles dans le sillage du «New Age», les sectes en Europe sont en pleine expansion. Cette évolution ne laisse pas d’inquiéter les Eglises en place et la population en

général. En particulier de nombreux parents d’adolescents. Mais dans cette

floraison de groupuscules, comme le note la Conférence des évêques de France, les frontières sont floues entre les groupes «sains» et les «déviants

dangereux».

Comparable au reste de l’Europe occidentale, le paysage des sectes en

France compte par exemple 350 à 400 groupes divers, allant de mouvements

fondés sur la Bible, d’obédience chrétienne ou non, à la Scientologie. Les

groupes fondés sur la Bible – à l’exception des Témoins de Jéhovah et des

Mormons – sont plutôt en stagnation, voire en régression. Parmi les «nouvelles sectes», l’Eglise de l’Unification (secte Moon), l’Assocation internationale pour la conscience de Krishna, etc. se maintiennent ou sont en

net recul, comme les Enfants de Dieu (»Famille d’Amour»), affirme la Conférence des évêques de France dans son annuaire 1992. Seule la Scientologie

semble partout en expansion, comme en Suisse, où cette «Eglise» déclare

5’000 membres, avant tout en Suisse alémanique.

Les Eglises en place s’interrogent

Dans l’agglomération zurichoise, où elle est implantée depuis 1974, elle

affirme regrouper quelque 2’000 membres. Au début du mois de mai, elle a

d’ailleurs inauguré et présenté à la presse son nouveau bâtiment au centre

de Zurich: un immeuble rénové de 6 étages, d’une surface de 7’000m2, où

travaillent 200 collaborateurs de l’Eglise de scientologie à temps plein et

à temps partiel. Une secte qui «monte» en somme, et qui dispose d’impressionnants moyens financiers.

Face à cette réalité, les Eglises en place s’interrogent : le dialogue

avec les «nouveaux mouvements religieux» (NMR) – communément appelés «sectes» de manière péjorative – est-il possible et à quelles conditions?

Réflexions du Père Jean Vernette

Le Père Jean Vernette, vicaire général du diocèse français de Montauban,

spécialiste des sectes et des NMR, nous donne quelques pistes de réflexion

sur ce dialogue délicat et difficile. En effet, note le P. Vernette, la motivation des NMR et leur manière d’agir rendent le dialogue avec eux particulièrement problématique pour l’Eglise. «Le devoir des pasteurs de l’Eglise de défendre les fidèles catholiques contre les associations erronées et

dangereuses est sérieux». Mais pour autant, «on ne devrait pas condamner

les NMR sans discrimination», notait l’an dernier le cardinal Francis Arinze, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et membre du Conseil pontifical pour le dialogue avec les non-croyants (dont le

P. Vernette est consulteur).

Un dialogue ferme et sans naïveté

Ainsi, on doit en même temps tenir les deux bouts de la chaîne: à la

fois affirmer fortement que la nature et la mission de l’Eglise l’appellent

à dialoguer avec toute personne et tout groupe religieux et humain et défendre les chrétiens contre les groupes dangereux. Il faut donc, souligne

le Père Vernette, engager le dialogue avec discernement, sans naïveté. Il

faudra sans doute mener de nombreux essais pour discerner : les mouvements

avec lesquels le dialogue est possible comme les Mormons ou les Baha’is;

ceux qui le refusent clairement, tels les Témoins de Jéhovah; ceux avec

lesquels actuellement on doit être clairement réservé, de la Scientologie

aux gourous totalitaires. Quelques principes pour guider ces premiers pas.

Quelques principes pour commencer un dialogue

La nature et la possibilité même du dialogue, étant donné la grande diversité des mouvements, dépend pour une grande part de la situation locale.

En France, par exemple, le dialogue avec des groupes pentecôtistes est naturel. Il est nettement plus difficile en Amérique du Sud. On doit être

toujours prêt à étudier et identifier les éléments ou les tendances de ces

NMR qui sont en soi bons et nobles et où il est possible de collaborer. On

essaiera pour cela en particulier de ne pas définir le partenaire par nos

propres images, mais à laisser d’abord chacun libre de se définir lui-même.

Ce qui conduira aussi à étudier objectivement et fermement les mouvements

qui jusqu’à présent présentent une image qui n’est pas claire, tels certains groupes évangéliques ou orientaux suspects.

Dialoguer avec un groupe n’est pas lui donner une caution de respectabilité ou un forum pour ses activités, spécialement quand il se présente comme «catholique» comme c’est le cas en France pour Le Fréchou ou Dozulé. On

n’entre d’ailleurs pas en dialogue avec des institutions ou des systèmes,

mais avec des personnes. Alors, dans l’espace d’une rencontre, on peut faire un bout de chemin ensemble. En visant d’abord à se communiquer mutuellement l’expérience dans sa propre foi, comme on le fait avec les Adventistes

ou des disciples de mouvements orientaux.

Entrer en dialogue, ce n’est pas cautionner la pensée de l’autre

Entrer en dialogue n’est pas non plus donner un blanc-seing à la pensée

de l’autre, mais accepter la tension d’une mutuelle critique. Reste le problème des NMR qui poursuivent une stratégie agressive envers l’Eglise, parfois avec un soutien économique et politique de l’extérieur. Sans refuser

de dialoguer avec ces groupes, l’Eglise doit considérer la façon de se défendre par des moyens légitimes, déclare le cardinal Arinze. Ce type de

dialogue interreligieux particulièrement délicat, poursuit encore le P.

Vernette, est difficile, mais incontournable, vue l’ampleur de la vague de

retour de la nouvelle religiosité et du paganisme et le nombre de plus en

plus grand de personnes se situant dans leur mouvance. Il se distingue autant de la «naïveté bénisseuse» qui ignore les violations trop évidentes

des Droits de l’Homme que de la chasse aux sorcières et aux boucs-émissaires. C’est d’abord un dialogue d’ordre pastoral qui relève de la mission

propre de l’Eglise.

Trois réactions face à «l’offensive des sectes»

Il y a diverses façons d’aborder le phénomène des sectes et des NMR,

comme celle des sciences humaines, qui vise une information objective et

s’interdit d’emblée et par principe tout jugement de valeur sur la doctrine

et l’organisation de ces mouvements. Une deuxième manière est celle du dialogue dans le discernement. Puis il y a les approches «réactives» face à la

prolifération des NMR.

Une première approche, celle visant la prévention et la protection, dénonce les effets destructeurs et nocifs des NMR. Ici, on parle plus généralement de «sectes», organisations réunissant un certain nombre de personnes

autour d’un leader prétendant avoir une inspiration divine ou une connaissance globalisante, et exerçant sur ses membres un contrôle mental strict.

Elles sont considérées comme nocives parce que destructrices de la personnalité. On ne se préoccupe pas du contenu doctrinal ou religieux du mouvement, mais de sa dimension psycho-sociale et plus spécialement de sa dimension psychologique.

Sus au conditionnement psychique

On considère que la plupart des membres de ces groupes sont séduits par

des méthodes d’approche trompeuses, qu’ils sont conditionnés psychiquement

et ne vivent pas une véritable conversion. Ces NMR ne respectent pas certains Droits de l’Homme, détruisent la famille en lui substituant une autre

famille, spirituelle. Aussi sont-ils une menace pour la société, dont l’assassinat-suicide collectif des membres d’une secte en Guyana en 1978 en est

le parangon.

Pour arrêter l’épidémie, on passe à l’offensive en dénonçant publiquement les abus commis spécialement à partir des témoignages personnels d’anciens membres, et en invitant les pouvoirs publics à sévir rigoureusement

contre eux. Le but est de faire sortir les adeptes, soit en infiltrant les

groupes, soit en menant une «déprogrammation» de la personne. Cette approche des associations de défense donne certains résultats appréciables, la

société et les médias ont été efficacement alertés, des familles aidées.

Cette approche des NMR a ses limites : elle évacue l’aspect spirituel et

néglige ainsi les motivations spirituelles personnelles de l’adhésion aux

NMR et le phénomène de conversion qui l’accompagne. Dans cette perspective,

il n’y a pas de dialogue interreligieux possible puisque la rencontre est

d’abord un combat. Le dialogue, pour certains militants de ces mouvements,

serait déjà un «passage à l’ennemi». Il faut relever que la dénonciation de

la nocivité sociale de nombre de sectes «sectaires» – avec parfois des suites judiciaires – a son importance dans une action d’ensemble.

Déconvertir pour reconvertir

L’objectif d’autres mouvements de type évangélique, souvent fondamentalistes, est de déconvertir les fidèles des NMR de leur appartenance première pour les reconvertir à Jésus dans un modèle chrétien de type évangélique. Car, de ce point de vue, les NMR constituent un ensemble de fausses

doctrines anti-bibliques, d’idées païennes peut-être même inspirées par Satan qu’il faut combattre comme on combat l’hérésie. Dans cet esprit, on dénoncera par exemple toutes les pratiques de méditation orientales, considérées comme foncièrement contraires à l’enseignement biblique. On montre que

le «New Age» (le Nouvel Age), nouveau cheval de Troie dans l’Eglise, est

surtout l’oeuvre du Malin. Mais à cet effet, plusieurs groupes évangéliques

utilisent la Bible comme critère unique pour juger les NMR, de manière fondamentaliste, de façon à les disqualifier au plan doctrinal.

Les intentions sont nobles, les convictions ardentes. Des jeunes «sortis

de sectes» ont trouvé dans des groupes évangéliques un lieu où ils ont pu

se refaire une santé psychique et spirituelle. Par ailleurs, la mise en

garde contre le syncrétisme religieux ambiant est fort opportune. Mais cette approche manifeste un certain nombre de faiblesses, tout d’abord parce

que le texte de la Bible en lui-même ne peut être suffisant comme règle de

discernement du vrai et du faux du point de vue doctrinal, en dehors d’une

Tradition d’interprétation.

Ensuite, parce qu’une comparaison des doctrines qui les mettrait sur le

même pied – celle de la Bible ou celle de la Fraternité Blanche Universelle

ou de mouvements d’origine hindouiste par exemple – n’amène à rien, ne serait-ce que parce que les mots n’ont pas la même signification. Car, rappelle Richard Bergeron, directeur du Centre de Recherche sur les Nouvelles

Religions à Montréal – qui inspire cette typologie à partir de la situation

nord-américaine – «les doctrines ne prennent leur signification qu’à l’intérieur du système global dont elles dépendent». D’autre part, une diabolisation généralisée de la nouvelle religiosité empêche d’y découvrir certaines «pierres d’attente de l’Evangile» et ne peut aider les gens à progresser à partir du point où ils sont sur leur propre chemin religieux. La rencontre est ici aussi un combat spirituel et il n’y a dans ce cas pas non

plus de dialogue religieux possible.

Une approche de compréhension critique et d’évangélisation

Dans cette approche, on ne considère par les NMR sous le seul angle psycho-social ou doctrinal, mais comme des voies spirituelles qui prennent

leur origine dans la dimension religieuse constitutive de l’homme. Toujours

selon R. Bergeron, on reconnaît que la pulsion religieuse, étant enracinée

très profondément, peut donner parfois naissance à des comportements étonnants voire perturbés, à des changements de personnalité qui ont de quoi

surprendre l’observateur. On considère qu’entrer dans un NMR, c’est entrer

dans un monde spirituel et une nouvelle manière de concevoir le monde et

les choses qui structurent autrement la personnalité.

Et c’est à ce niveau que l’on essaie de comprendre l’autre et de le rejoindre dans un dialogue qui ne vise pas, sauf cas d’espèce, à rencontrer

des institutions, mais des personnes. Sans ignorer les excès dûs à son engagement, voire les abus venant du groupe et de son leader, on vise à rejoindre le fidèle dans son cheminement spirituel et dans les principes qui

soutiennent sa doctrine. On fait la lecture critique de cette doctrine, de

ses sources et de ses manifestations concrètes, mais en remontant à ses racines religieuses et socio-religieuses. Ce qui amène parfois à dénoncer

tout aussi fermement les atteintes aux Droits de l’Homme.

Dans cette perspective, on essaie aussi de ne pas comparer son propre

idéal aux seuls défauts de l’autre religion. Choisissant de rejoindre l’expérience spirituelle souvent intense que vit l’autre, on lui accorde le

préjugé favorable de la sincérité avant de la déclarer de manière habituelle manipulée ou abusée.

On est alors à même, dans cette intelligence critique, de dire fermement

ses points de désaccord. Ce dialogue critique se veut aussi évangélisateur,

dans la mesure où le chrétien propose le témoignage de sa propre voie spirituelle: l’Evangile comme Bonne Nouvelle. Cette attitude a ses présupposés

et ses limites. Elle engage en particulier un travail théologique de grande

ampleur sur la Révélation, les moyens de Salut et le Salut en Jésus-Christ.

Elle est moins médiatique que l’approche de prévention et moins facilement

reçue. Mais, conclut le P. Vernette, chacune de ces approches apporte sa

pierre à l’édifice. (apic/snop/be)

Encadré

Quelques jalons pour le dialogue interreligieux

Plusieurs documents importants jalonnent le dialogue interreligieux: l’encyclique «Ecclesiam suam», qui demeure la charte du dialogue; les décrets

«Ad gentes» et «Nostra aetate», du Concile Vatican II; les textes «Evangelii nuntiandi» et «Redemptoris missio»; les interventions des cardinaux

Arinze et Tomko au 4e Consistoire extraordinaire d’avril 1991 à Rome sur

les sectes et les nouveaux mouvements religieux; le document romain du 20

juin 1991, avec les mêmes signatures, «Réflexions et orientations concernant le dialogue interreligieux et l’annonce de l’Evangile de JésusChrist». Ces deux derniers documents soulignent que le dialogue interreligieux et l’annonce de la Bonne Nouvelle sont intimement liés, sans être interchangeables.

Le dialogue est ainsi orienté vers l’annonce. Une tâche particulièrement

urgente dans un monde qui connaît un pluralisme croissant et où les religions et les NMR inspirent la vie d’un grand nombre de gens. Ce dialogue a

été relancé de façon spectaculaire par la rencontre d’Assise du 27 octobre

1986 à l’occasion de laquelle Jean Paul II a souligné à la fois l’unité

fondamentale du genre humain et la mission de l’Eglise d’annoncer Jésus au

monde. (apic/be)

20 mai 1992 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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Sida : que fait l’Eglise catholique en Suisse romande (281189)

APIC-Dossier

1er décembre 1989 : Journée mondiale du sida

Fribourg, 28novembre(APIC/Bernadette Dubois) Le 1er décembre a été proclamé Journée mondiale du sida par l’Organisation mondiale de la santé

(OMS), et cette année, la Journée est centrée sur le thème : «Les jeunes et

le sida». La terrible maladie fait en effet toujours plus de ravages :

182’463 cas de sida ont déjà été recensés dans 152 pays depuis son apparition en 1979 jusqu’au 1er octobre 1989, mais on estime à trois fois plus le

nombre de personnes qui ont été ou sont atteintes du virus. En Suisse, pays

particulièrement touché par la maladie, 921 cas avaient déjà été enregistrés au 30 juin de cette année.

Dans notre pays, de nombreuses actions sont entreprises en faveur des

malades mais également en matière de prévention, notamment par l’Office fédéral de la Santé publique (OFSP) et l’Aide Suisse contre le Sida. L’Eglise

catholique elle-même se sent interpellée. Elle vient d’organiser au Vatican

une conférence internationale sur le sida où l’on a insisté en particulier

sur l’importance de l’aide morale et spirituelle aux sidéens. En Suisse,

comme le souligne Hans-Peter Röthlin, porte-parole de la Conférence des

évêques (CES), «nous devons tous faire quelque chose, et l’Eglise aussi !».

Ainsi, des discussions ont lieu régulièrement entre les Eglises et

l’OFSP. Les Eglises ont apporté à cette occasion une contribution importante : elles soulignent la nécessité de tenir compte des aspects éthico-moraux de la problématique du sida, de former les consciences et de ne pas

simplement combattre les symptômes de la maladie (et de faire croire qu’il

n’y aurait plus de dangers du simple fait d’utiliser le préservatif ou des

seringues neuves). Les Eglises mettent notamment en avant des valeurs comme

la fidélité et l’amour conjugal, mais elles se refusent à voir dans la terrible maladie un quelconque «châtiment de Dieu».

Devant l’avancée de la maladie et pour une meilleure assistance morale

des malades, l’Eglise en Suisse romande n’est pas restée les bras croisés

face aux sidéens. L’année dernière à Genève, par exemple, même si les Eglises n’étaient pas en tant que telles au premier plan dans la lutte contre

le sida, un groupe d’ecclésiastiques s’est constitué pour s’occuper plus

spécialement des sidéens. Les membres de cette équipe sont deux pasteurs

(Bernard Buunk et Dominique Roulin), un prêtre catholique (Gérard Barone),

un curé catholique-chrétien (Franz Murbach) et un rabbin (François Garai)

de la communauté israélite libérale.

Malheureusement, cette année, le groupe s’est partiellement disloqué,

faute de temps. Mais tous travaillent, à titre personnel ou dans le cadre

de la maison pour sidéens de «Sid’accueil», auprès des malades du sida. De

plus, certains prendront part à la conférence de presse organisée le 1er

décembre à Genève par le groupe «Sid’accueil».

A Neuchâtel, même si aucun aumônier pour les sidéens n’a été nommé pour

le moment, les responsables de l’Eglise catholique ont un très grand souci

de ces malades et participent à de nombreuses activités organisées par des

organismes privés ou publics en faveur des sidéens. A Fribourg, en Valais

et dans le Jura, personne n’a été chargé de l’accompagnement de ces malades. Ce sont pour le moment les aumôniers des hôpitaux, ceux des prisons ou

bien ceux qui s’occupent plus précisément des toxicomanes qui assistent les

sidéens.

Dans le canton de Vaud, par contre, un prêtre catholique de rite maronite, l’Abbé Maroun Tarabay a été nommé cet été par Mgr Pierre Mamie, évêque

de Lausanne, Genève et Fribourg, pour «un ministère d’accompagnement des

personnes touchées par le sida». Il a reçu une formation spéciale pour cette tâche qu’il assume au CHUV, au Centre du Levant, spécialisé dans la lutte contre la toxicomanie, ou encore, dans la maison pour malades du sida

qui vient de s’ouvrir ce mois-ci à Lausanne.

Chaque malade est différent : seul le regard de la foi…

Pour l’abbé Tarabay, chaque sidéen est différent. La solitude du malade

et l’attitude de l’entourage et de la famille sont diverses, et dépendent

notamment de l’origine du sida pour le malade. En effet, si le malade est

toxicomane, la rupture avec l’entourage a été antérieure à la maladie et

causée par la consommation de drogues. Par contre, l’homosexuel est nettement plus entouré : les homosexuels ont d’ailleurs été les premiers à prendre des mesures de prévention contre la propagation de la maladie.

Le vicariat épiscopal vaudois a déclaré, lors de la nomination de l’abbé

Tarabay, que l’»accompagnement spirituel par des personnes particulièrement

compétentes ne dispense pas de nous situer chrétiennement face à celles et

ceux qui sont atteints par le sida, tout particulièrement lorsque leur durée de vie est comptée. Dans les rapports humains de chaque jour, qu’il

s’agisse de la profession, des loisirs, de l’habitat, regarder le sidéen

comme un être à part entière évitera à notre société de créer un nouveau

ghetto. Le regarder comme une personne ayant aux yeux de Dieu la pleine

dignité d’homme… Cela relève de la foi».

De leur côté, l’Institut d’éthique sociale de la Fédération des Eglises

protestantes de la Suisse et la Commission nationale suisse Justice et Paix

de l’Eglise catholique romaine ont publié ensemble l’an dernier une brochure intitulé «Sida – Le retour de l’angoisse?» (1). Elle traite la notion de

SIDA comme «signe des temps», l’analyse afin de mettre en évidence les problèmes de société liés à cette maladie et de proposer des orientations éthiques pour y faire face. (apic/bd)

La brochure «SIDA – Le retour de l’angoisse» compte 76 pages et peut être

obtenue au prix de 10 francs (+ port) à l’Institut d’éthique sociale de la

FEPS (Terreaux 10, 1003 Lausanne) ou auprès de la Commission Justice et

Paix (CP 1669, 3001 Berne).

Encadré

Caritas Suisse aide à combattre le sida dans le tiers-monde

La situation des malades du sida est bien plus dramatique dans le tiersmonde qu’en Europe, note l’oeuvre d’entraide catholique Caritas Suisse. Elle collabore ainsi à la mise sur pied d’ateliers de réflexion sur le sida

dans les pays en voie de développement comme le Brésil, le Togo et l’Ouganda. Elle appuye des projets et des programme de soutien à des mesures intégrées de lutte contre le sida. Caritas participe financièrement à des projets au Brésil (7538 cas déclarés de sida en 1989), au Chili (125 cas), en

Ouganda (7375 cas), en se souvenant que les cas déclarés ne sont que la

partie visible de l’iceberg. Du point de vue financier, Caritas Suisse a

soutenu un programme de lutte contre le sida pour un montant de 25’000

francs, au Chili pour 99’800 francs, en Ouganda pour 244’000 francs.

Dans les pays du tiers-monde, c’est dans les régions les plus pauvres où

les médias classiques ne pénètrent pratiquement pas que la population reste

dans l’ignorance, dans les villes comme dans les campagnes. Pourtant les

Eglises locales et les communautés, de même que les organisations villageoises auxquelles les collaborateurs ecclésiaux ont accès, participent aux

campagnes de conscientisation sur le sida et bénéficient de ce fait du soutien des oeuvres d’entraide. Les Eglises locales offrent une éducation qui

place plus haut la valeur de la relation familiale que l’idée suggérant

qu’une plus grande sécurité dans la promiscuité suffirait à protéger la vie

menacée, note Caritas Suisse.

L’oeuvre d’entraide catholique rappelle finalement – sur la base des expériences vécues dans des ateliers de réflexion sur le sida – que le sida

«n’est ni importé d’Afrique, ni limité aux «homos», «junkies» et hémophiles, mais représente une tragédie qui nous concerne tous, indépendamment du

sexe, de la race, de la classe sociale, de l’âge, des tendances sexuelles

ou de l’état civil…». (apic/bd)

28 novembre 1989 | 00:00
par webmaster@kath.ch
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