Martin Werlen: «Nous, chrétiens avons parlé d'une seule voix»
Au lendemain de la bénédiction du tunnel de base du Saint-Gothard le 1er juin 2016, le Père Martin Werlen revient pour kath.ch sur l’importance de cette célébration. L’ancien Abbé d’Einsiedeln évoque en particulier l’aspect œcuménique. Pour lui, le train est devenu une école de vie et de foi.
Le tunnel de base du saint Gothard est maintenant béni. Etes-vous soulagé ?
Martin Werlen: Je ne suis pas soulagé, mais reconnaissant. La fête en soi n’a jamais été pénible. La collaboration dans ce projet m’a impressionné, depuis le premier moment en automne dernier jusqu’à la cérémonie du 1er juin dans le tunnel. Je n’en ai jamais douté. Mais ce qui a été pénible pour moi est que des personnes jugent ou même condamnent d’emblée quelque chose sans savoir de quoi ils parlent ou sur quoi ils écrivent. La plupart n’ont même pas pris la peine de le connaître.
Comment avez-vous vécu ce moment de bénédiction ?
C’était un moment de convivialité et de bienveillance réciproque, au-delà des frontières religieuses. Un moment très fraternel en lien avec tous ceux qui ont travaillé au projet, avec les proches de ceux qui y ont perdu la vie et enfin avec tous les voyageurs qui emprunteront le tunnel à l’avenir.
Une bénédiction est-elle encore dans l’esprit du temps face à la sécularisation croissante ?
Une bonne parole, et c’est le sens littéral du terme bénédiction, fait toujours du bien. C’est un cadeau lorsqu’une personne peut croire à la Parole de celui qui nous a créés. En tant que baptisés, nous sommes appelés à être bénédiction pour les autres, à les rencontrer avec bienveillance. Les personnes qui n’appartiennent à aucune religion représentent bientôt le quart de notre population. C’est pourquoi il était important qu’elles participent aussi à une telle célébration. Finalement nous sommes en chemin ensemble et nous traverserons ensemble le tunnel de base du Saint-Gothard.
Simona Rauch a repris le texte que vous avez choisi. A-t-elle vraiment demandé en tant que pasteure protestante l’intercession de sainte Barbe ?
Elle a repris le texte qui avait été approuvé par tout le groupe. J’en avais en outre parlé, il y a déjà plusieurs mois, avec le président de la Fédération des Eglises protestantes (FEPS).
La célébration a provoqué de gros remous autour de la présence d’un représentant protestant. L’idée d’une cérémonie interreligieuse a été suggérée par vous. En regardant cela, referiez-vous les choses autrement ?
Nous avons fait une erreur. Un représentant du groupe pour la bénédiction aurait dû être présent lors de la conférence de presse du 10 mai sur les festivités d’inauguration. Les responsables sont partis de l’idée que cela n’intéresserait pas beaucoup l’opinion publique. Cela nous a fortement surpris – et finalement nous devrions nous en réjouir- . Nous aurions pu ainsi éviter les titres et les articles tendancieux du style «Les protestants pas invités». Les réformés étaient présents dès le départ. La Communauté de travail des Eglises chrétiennes de suisse (CTEC) – à laquelle appartiennent les réformés mais aussi d’autres confessions protestantes – a décidé à l’unanimité en novembre d’un représentation unique.
Que faudrait-il selon vous pour que les chrétiens puissent parler d’une seule voix lors d’une célébration nationale ?
Cela a été possible lors de l’inauguration du tunnel de base du Saint-Gothard. Et je m’en réjouis tout particulièrement. La pasteure réformée Simona Rauch a représenté par sa voix tous les baptisés. Ce 1er juin 2016 a donné diverses impulsions à l’œcuménisme dans notre pays. Il a montré que les chrétiens ne sont pas seulement les membres des Eglises nationales, mais aussi les orthodoxes, les anglicans, les méthodistes, etc. Aussi longtemps que notre identité chrétienne n’est pas plus forte que notre appartenance confessionnelle, nous ne prenons pas au sérieux, dans la vie concrète, la reconnaissance mutuelle de notre baptême. Les divisions dans le corps du Christ ne sont pas identiques avec l’appartenance confessionnelle.
Que signifie le train, pour vous personnellement ?
Je suis en route en train chaque fois que je le peux. C’est devenu pour moi une école de vie et de foi. Si je pense aux douze ans passés au sein de la Conférence des évêques suisses, j’ai appris plus dans le train que dans les rassemblements ou dans les séances de commissions.
«Le train est une école de vie et de foi»
Dans le train, j’ai rencontré de manière inattendue beaucoup de gens et j’ai appris leurs joies et leurs peines. J’ai essayé d’apporter dans les séances un peu de cette expérience, même si cela n’a pas toujours réussi. Mais le train est devenu pour moi un lieu important.
Qu’est-ce qui vous relie au tunnel de base du Saint-Gothard?
C’est un lien très fort. Ce doit être l’occasion pour tous les baptisés de nous rappeler que nous établissons des relations. Dieu crée une relation avec l’homme. La signification du tunnel est importante aussi pour notre pays. En 1998, la population a décidé de le percer et nous l’avons fait. Je trouve que c’est un projet grandiose du ‘vivre ensemble’. Par ce tunnel de base, nous exprimons notre reconnaissance envers des gens qui n’ont pas eu seulement une vision étroite. (cath.ch-apic/kath.ch/sys/mp)