Mali: les catholiques ont fui le Nord et croissent dans le centre
Les catholiques qui ont fui le nord du Mali en 2012, ne peuvent pas y rentrer. L’insécurité demeure. Au centre du pays, leur nombre s’est fortement accru, explique le Père Germain Arama, prêtre et économe diocésain dans le diocèse de Mopti, à l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) le 17 mai 2016.
Reste-t-il des catholiques au Nord-Mali?
Ceux qui restent sont des expatriés: Casques Bleus, Togolais, Ivoiriens, militaires français et soldats de la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des nations unies pour la stabilisation au Mali). Les autres sont partis. Il y avait des Missionnaires d’Afrique à Gao et des religieuses qui ont quitté le Mali ou résident à Bamako. Les catholiques maliens vivant dans le nord travaillent dans l’administration ou enseignent. Ils sont peu nombreux et travaillent pour gagner leur vie.
Où sont passés les pro-charia?
Ils ont été repoussés. Quelques-uns sont morts, on ne sait pas ce qu’il est advenu d’autres. Ils ont dû se cacher, fuir vers la Mauritanie, l’Algérie. Il faut reconnaître que certains sont encore parmi nous et sont même originaires de nos villages. Voilà pourquoi des attentats se produisent encore.
L’Église ne s’est réinstallée ni à Gao, ni à Tombouctou. Confirmez-vous l’absence de prêtre au nord?
Oui. La situation reste difficile dans ces régions, avec les kamikazes. Quand tu pars travailler le matin… vas-tu rentrer chez toi le soir? Chrétien ou pas, on peut tous être frappé par le même bâton. Au nord, toute pastorale est suspendue. Le seul prêtre qui y célèbre de temps en temps vient soit en avion, encadré par des militaires, soit en voiture, il lui faut alors une journée de route.
Qu’en est-il de votre diocèse, à Mopti?
Il existe une progression considérable du nombre de catholiques et des sacrements donnés. 1’400 baptêmes ont été célébrés en 2015, contre 660 à 700 en 2012, ainsi que 674 confirmations, presque autant de premières communions et 140 mariages.
Comment expliquez-vous cette croissance?
Un jour, une paroisse aidait à creuser des puits dans un village. Quand la population a réalisé qui était à l’œuvre, le chef animiste s’est convertit au catholicisme avec toute sa famille: 10 personnes. De nombreux Maliens issus des religions traditionnelles se convertissent au catholicisme. Voyant ce que font les chrétiens pour les autres, les gens sont convaincus que c’est la bonne voie.
La hausse du nombre des catholiques à Mopti n’est-elle pas une conséquence de la fuite des chrétiens du nord vers le sud?
Je ne pense pas. Les chrétiens du nord qui se sont réfugiés chez nous n’étaient pas nombreux: 5 ou 6 à Kidal; 20 à Tombouctou; 100 à 200 pour Gao. Ils étaient déjà baptisés. Ils sont venus augmenter le nombre des chrétiens de notre diocèse, pas celui des baptisés.
Le nombre des prêtres grandit-il proportionnellement au nombre de baptisés ?
Pas proportionnellement, dans mon diocèse, on compte à peu près 30 prêtres dont cinq jeunes ont été ordonnés l’année dernière. Si tout va bien, quatre autres le seront dans les deux prochaines années. Ils sont huit au grand séminaire. Malheureusement, il y a encore du travail dans certaines régions ; des zones ne comptent que quatre prêtres pour 250 paroisses ou chapelles-églises !
Quels sont les principaux défis à relever pour l’Église catholique au Mali aujourd’hui ?
La réconciliation. Les chrétiens et les musulmans ont perdu des parents. Il y a eu tellement de complots! Les gens doivent vraiment de se réconcilier. Si nous, chrétiens, voulons une paix durable, nous devons passer par cette réconciliation. C’est inévitable.
La France est intervenue militairement au Mali
Le 11 janvier 2013, François Hollande lance l’opération Serval au Mali. Cette intervention de l’armée française a pour but de stopper la progression des groupes islamistes. Ces derniers avaient pris le contrôle du nord du pays après le coup d’État de mars 2012 contre le président Amadou Touré.
Douze mois plus tard, les troupes françaises et les forces armées locales sont parvenues à repousser et affaiblir ces groupes armés comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Dine et le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Mais le Mali reste le théâtre de troubles, notamment dans le Nord.
Le 1er juillet 2013, l’autorité de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma) est transférée à la Mission intégrée de l’ONU pour la stabilisation au Mali (Minusma). (Cath.ch-apic/aed/ag/bh)