(Photo d'illustration: Loewyn Young/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0)
International

Italie: L'Eglise partagée sur l'adoption des unions civiles

«Il existe une pluralité d’opinions au sein de l’Eglise catholique en Italie» sur l’adoption de la nouvelle loi créant une union civile pour les couples de même sexe, assure Sandro Carrara, président de la Mission catholique italienne à Lausanne. Les médias catholiques de la Péninsule se positionnent néanmoins très négativement face à ce qu’ils considèrent comme une attaque contre la vision traditionnelle de la famille.

Les députés italiens ont voté, le 11 mai 2016, la confiance au gouvernement de Matteo Renzi sur la loi créant une union civile pour les couples de même sexe, dans le dernier grand pays d’Europe occidentale où les homosexuels n’avaient encore aucun statut.

La nouvelle loi établit ainsi un statut pour les concubins – hétérosexuels et gays – et crée en plus pour les seuls couples homosexuels une union civile qualifiée de «formation sociale spécifique». Cette union prévoit notamment l’obligation d’assistance morale et matérielle réciproque, le bénéfice de la pension de réversion, le titre de séjour pour le conjoint étranger, le droit de visite à l’hôpital, et la possibilité de prendre le nom de son conjoint.

Une loi minimale

La presse remarque qu’en comparaison des autres pays, les droits accordés aux couples de même sexe sont minimaux. Les avancées de la loi ont été revues à la baisse, après les protestations de l’Eglise catholique et d’une partie de la classe politique. Des centaines de milliers de personnes, dont de nombreux laïcs et membres du clergé catholiques, s’étaient rassemblées le 30 janvier dernier à Rome, pour manifester contre «le mariage pour tous».

La possibilité proposée de prime abord d’adoption des enfants naturels du conjoint, qui faisait problème en particulier pour les milieux catholiques, a ainsi été abandonnée. Cette réduction des ambitions initiales a provoqué le mécontentement des groupes de défense des homosexuels.

Une «gifle à la famille»?

Pour des raisons opposées, de nombreuses voix catholiques, notamment relayées par les médias de l’Eglise, fustigent la décision du Parlement italien. «C’est un jour sombre pour nous», commente ainsi Fabrizio Azzolini, président de l’Association italienne des parents (AGE), sur le site de l’agence d’information de l’épiscopat transalpin SIR. Pour l’activiste, cette nouvelle loi «ne fait pas augmenter les droits, mais prive les familles, qui aujourd’hui souffrent sous le poids de subventions insuffisantes» et des politiques sociales inadéquates. Il considère que la mesure «ouvre un abîme de dangers économiques et sociaux».

Même son de cloche chez Roberto Gontero, président de l’Association des parents d’élèves catholiques (AGESC), également cité par SIR, qui parle d’une «dérive autoritaire» et d’une «gifle à la famille». Il estime ainsi que ce vote du Parlement ne correspond pas à la volonté du peuple et craint qu’il n’aboutisse à des concessions encore plus étendues en faveur des couples de même sexe. «Nous pensons fermement que les unions civiles sont des mariages déguisés (…) et que le vote de confiance ouvre la porte à l’adoption d’un enfant par le conjoint de son père et finalement à la grossesse pour autrui», écrit-il.

Luciano Moia, rédacteur en chef du quotidien italien d’inspiration catholique Avvenire, réalise le 12 mai une critique en règle de la nouvelle loi, pointant ses «ambiguïtés» et ses lacunes, notamment au niveau juridique. Il s’inquiète, entre autres, qu’un magistrat puisse désormais ne plus être en mesure, pour motif de conscience, de refuser d’officialiser l’union de deux personnes de même sexe.

Des membres de la hiérarchie de l’Eglise se sont également exprimés, même si la Conférence épiscopale italienne n’a pas encore réagi. Mgr Michele Pennisi, archevêque de Monreale, en Sicile, a notamment parlé d’une «loi injuste», signe d’un «fascisme rampant».

Un débat délicat, mais respectueux

Malgré la virulence des critiques provenant des milieux catholiques, Sandro Carrara affirme à cath.ch que le débat sur la question est marqué, dans l’Eglise italienne, par une grande diversité d’opinions. «Le sujet est beaucoup discuté, mais dans le respect des différentes positions des uns et des autres», assure le président de la Mission catholique italienne de Lausanne, qui entretient de nombreux contacts avec des ecclésiastiques dans la Péninsule. Il estime ainsi que l’Eglise dans le pays n’est pas fondamentalement opposée aux évolutions sociales. Il rappelle que les catholiques italiens, qui composent 85% de la société, ont historiquement fait la preuve de leur ouverture sur ces questions, en acceptant, par exemple le droit au divorce, dans les années 1970. Lui-même, s’il se félicite que l’Italie se montre de plus en plus attentive aux droits humains, comprend que certains catholiques veuillent défendre la vision traditionnelle de la famille. (cath.ch-apic/ag/rz)

 

(Photo d'illustration: Loewyn Young/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0)
12 mai 2016 | 14:17
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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