Patriarche maronite Béchara Raï: les musulmans ne veulent pas vider l’Orient de ses chrétiens
Les musulmans ne veulent pas vider l’Orient de ses chrétiens, affirme le patriarche maronite libanais Béchara Raï. «Les musulmans tiennent autant que les chrétiens à la présence de ces derniers au Moyen-Orient», a-t-il déclaré lors de sa visite à la Conférence des évêques de France à Paris, rapporte le quotidien libanais «L’Orient-Le Jour».
Le chef de l’Eglise maronite, qui a visité la France du 7 au 11 mai 2016, a été accueilli dans la salle de la Conférence des évêques de France par Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris. A cette occasion, Mgr Béchara Raï, a réfuté l’allégation selon laquelle les musulmans voudraient vider la région de ses chrétiens. Il a appelé à faire une distinction entre musulmans et terroristes, «que rien ne lie».
Le patriarche demande la cessation du soutien aux terroristes
Lors de sa visite à Paris, Mgr Raï a déclaré que «dans leur esprit citoyen, les vrais musulmans sont attachés au partenariat et à la coexistence avec les chrétiens». Le patriarche maronite a également exhorté les pays qui soutiennent les extrémistes à mettre fin à cet appui «pour que les organisations terroristes cessent de commettre des crimes contre l’humanité». Il a confié qu’il prie tous les jours «pour que les intégristes reviennent à Dieu et à leur humanité perdue contre une poignée d’argent ou de promesses mensongères et irréalisables».
Mgr Raï a estimé que les crises régionales avaient un impact négatif sur le Liban. Selon le quotidien libanais, le patriarche maronite a appelé à «mettre le pays à l’écart des conflits et des axes régionaux et internationaux», estimant que le Liban, «exemple de la rencontre des religions et des cultures, ne peut continuer à payer les pots cassés toutes les fois qu’un régime est ébranlé ou qu’une crise éclate».
Le Liban «ne peut continuer à payer les pots cassés»
Parlant des conséquences négatives de l’afflux des réfugiés syriens au Liban, le cardinal libanais a ajouté que la poursuite de la guerre expose le Liban à un danger permanent, notamment aux plans économique, sécuritaire, politique et social, en mettant l’accent sur la nécessité de résoudre les conflits par des moyens pacifiques et politiques.
Une mutation du religieux, qui se déculturalise et se globalise
Pour sa part, le chercheur Olivier Roy, interviewé par «L’Orient-Le Jour» sur la problématique religieuse au XXIe siècle, a affirmé que «l’idée que l’islam est en train de remplacer le christianisme n’est pas vraie». Auteur de «La Sainte ignorance» (Paris, Le Seuil, 2008), le politologue français, spécialiste de l’islam politique, est directeur du programme «Religio West» et enseignant à l’Institut universitaire européen (EUI), à Florence.
A la question du retour du religieux à l’aube de ce siècle, Olivier Roy affirme qu’il ne s’agit pas de cela, «parce qu’on ne revient pas du tout à une situation qui existait antérieurement». A ses yeux, il s’agit d’une mutation du religieux qui, aujourd’hui, se déculturalise et se globalise. Le religieux est soudainement beaucoup plus visible.
«Surtout, sa déculturalisation entraîne la prévalence de formes fondamentalistes du religieux. De nos jours, les gens ne vont pas vers des religions disons socialement bien intégrées, culturellement enracinées. Ils veulent des religions dures, c’est-à-dire du religieux qui se positionne explicitement en face d’une société sécularisée, qu’ils ne rejettent pas nécessairement, mais qu’ils veulent convertir. Je crois que c’est ça la caractéristique de cette illusion du retour du religieux».
Retour des visions apocalyptiques chez les musulmans
«Aujourd’hui, nous avons une réforme millénariste apocalyptique du religieux. C’est-à-dire qu’on attend la fin des temps, poursuit-il. (…) Il y a une espèce de désinvestissement du monde réel. On le voit très bien chez les évangéliques américains, par exemple, qui rejettent la théorie du réchauffement climatique. Ils ne s’imaginent pas que Dieu va arranger les choses de lui-même, mais ils sont dans une logique de fin des temps. Pour eux, nous nous trouvons dans l’Apocalypse (…) Il y a un retour des visions apocalyptiques chez les musulmans également».
Le groupe Etat islamique (EI ou Daech) joue d’ailleurs sur l’Apocalypse avec sa fixation sur la petite ville de Dabiq, en Syrie, relève Olivier Roy.
Se référant à un «hadith», issu du recueil des traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet et de ses compagnons, les terroristes de Daech affirment qu’à Dabiq, bourgade du gouvernorat d’Alep, doit avoir lieu la bataille finale entre les forces du bien et celles du mal, qui verrait la défaite des Occidentaux face aux musulmans. »En ce sens, ces croyants désinvestissent la société parce qu’ils pensent que, aussi bien dans le christianisme que dans l’islam apocalyptique, l’Antéchrist et le Christ vont revenir». (cath.ch-apic/orj/be)