Mgr Rémy Berchier: «Le pèlerinage de Lourdes est un temps de miséricorde privilégié»
Mgr Rémy Berchier, vicaire épiscopal pour le canton de Fribourg, est un familier des pèlerinages de la Suisse romande à Lourdes qu’il anime depuis de nombreuses années. Dans le cadre de l’Année de la miséricorde, le pèlerinage romand du 7 au 14 mai s’est choisi comme thème ‘Miséricordieux comme le Père’. Il s’est confié le 11 mai 2016 au téléphone de cath.ch.
Voyez-vous un lien particulier entre Lourdes et la miséricorde ?
Mgr Rémy Berchier: Dès sa deuxième apparition à Bernadette Soubirous, la Vierge demande de faire pénitence et de prier pour les pécheurs. Dans la 3e apparition, elle fait une catéchèse orientée vers le pardon et la réconciliation. Elle parle certes en termes de l’époque, mais l’insistance sur la miséricorde du Père est très nette.
Concrètement comment les pèlerins que vous accompagnez peuvent-ils vivre cette expérience de la miséricorde ?
Une magnifique Porte de la miséricorde en pierre a été érigée à l’entrée de l’esplanade. Nous avons mis l’accent sur la réconciliation à travers plusieurs célébrations et à travers les confessions individuelles. Il y a aura encore le chemin de croix et des réflexions sur ce thème. Enfin, les sanctuaires de Lourdes proposent un crédential, sorte de passeport du pèlerin, que l’on peut faire tamponner en lien avec diverses actions ou dévotions.
Les pèlerins arrivent à Lourdes avec leurs souffrances, leurs maladies, parfois leur révolte…
Notre démarche est toujours de rejoindre le pèlerin là où il est, dans sa souffrance ou sa révolte, et de l’aider à prendre conscience de la miséricorde du Père. Nous avons 230 malades, la plupart âgés. Je ressens beaucoup cette attente dans les confessions et dans les entretiens avec les pèlerins. Je me souviens toujours du témoignage de ce pèlerin italien aveugle venu à Lourdes pour recouvrer la vue. Après plusieurs pèlerinages, il disait: «Je n’ai pas recouvré la vue, mais j’ai retrouvé la foi». La guérison physique est importante, mais il y a aussi la guérison intérieure. Nous prenons conscience que Dieu habite aussi nos souffrances et nos révoltes.
La miséricorde consiste également à se laisser toucher par la souffrance de l’autre et à lui apporter un réconfort.
6 à 700 hospitalier-e-s s’occupent des malades. Ce pèlerinage est aussi un temps très privilégié pour eux. Certes, les conditions matérielles et techniques sont beaucoup plus limitées que dans nos hôpitaux ou nos homes, mais ils ont beaucoup plus de temps. Ils vivent à un autre rythme qui est celui des malades. Beaucoup ne sont pas des professionnels de la santé et découvrent des moments de rencontre et de convivialité très forts. L’aide aux malades est une des œuvres de miséricorde.
Sans être indiscret, vous avez été vous-mêmes récemment éprouvé dans votre santé. Ce pèlerinage à Lourdes a-t-il un retentissement personnel particulier ?
Oui, évidemment. Je vis ce pèlerinage dans l’action de grâces pour avoir retrouvé un meilleur état de santé. Je viens aussi confier à Marie la poursuite de mon ministère. J’ai revu le film sur l’histoire de Bernadette. Lors d’une des apparitions la Vierge lui fit: «Je ne vous promets pas d’être heureuse dans ce monde, mais dans l’autre». Et de fait Bernadette, devenue religieuse à Nevers, a beaucoup souffert. Cela m’a particulièrement frappé.
A Lourdes, nous sommes confrontés à nos limites, à nos souffrances, mais c’est un temps d’arrêt très précieux, un temps de retour sur soi, à l’instar de l’enfant prodigue de la parabole, de la Samaritaine ou de la pécheresse qui lave les pieds de Jésus. Ces figures évangéliques sont des témoins de la miséricorde dont nous avons besoin. (cath.ch-apic/mp)