Israël: De plus en plus de juifs ultra-orthodoxes abandonnent la religion
En Israël, le phénomène des juifs ultra-orthodoxes qui tournent le dos à la religion est en pleine expansion. C’est le constat de l’anthropologue Florence Heymann, qui a réalisé une enquête inédite au sein de cette communauté.
Chaque année, en Israël, plus de 1’300 haredim (juifs ultra-orthodoxes) décident de rompre avec leur communauté très fermée et de rejoindre la vie laïque. Florence Heyman explique, dans un livre intitulé Les déserteurs de Dieu (éditions Grasset) comment se passe leur «sortie du ghetto».
Experte au Centre national pour la recherche scientifique (CNRS), en poste au Centre de recherche française à Jérusalem, la Française a travaillé pendant trois ans pour Hillel, une association venant en aide aux «sortants» de la communauté ultra-orthodoxe.
Une population fragile
L’anthropologue confirme, dans une interview au magazine Hayom de printemps 2016, édité par la Communauté juive libérale de Genève (GIL), que les Israéliens ont eux-mêmes découvert l’existence des «sortants» dans un article du quotidien Haaretz sur une vague de suicides touchant ces ex-haredim. Florence Heymann souligne en effet que cette catégorie de population se retrouve souvent en état de détresse psychologique. Des chercheurs ont défini que 40% des «sortants» montraient des tendances suicidaires, contre 12% des laïques, 10% des traditionalistes et 6% des religieux. Les ex-ultraorthodoxes sont notamment fragilisés par le fait qu’ils ont totalement perdu leurs repères sociaux et culturels. «Ces individus sortent d’un milieu certes contraignant, mais aussi rassurant qui les encadre strictement, dans lequel ils savent exactement ce qu’ils doivent faire et comment ils doivent se conduire, de la naissance à la mort, du matin au soir», note la scientifique.
Un sujet tabou
Même si le phénomène des sorties de la communauté haredi est connu en Israël, le sujet reste tabou. Florence Heymann confirme que la plupart de ces groupes fonctionnent comme des sectes, «avec une structure exclusive et une moralité opposée à celle du reste de la société». Comme dans beaucoup de sectes, «aucune souplesse n’est tolérée dans les opinions, dans les attitudes, ni dans la conduite des individus, qui doivent montrer une allégeance totale», relève la chercheuse au CNRS.
Les «sortants» sont ainsi soumis à la menace de représailles de la part de membres de leur ancienne communauté. Pour protéger ceux qui lui demande de l’aide, Hillel a installé son siège au quatrième étage d’un bâtiment de Jérusalem, avec une plaque sur la porte qui indique non pas «association», mais «famille Hillel». (cath.ch-apic/hay/rz)