Le diocèse de Sion cogite sa pastorale
La session pastorale du diocèse de Sion s’est achevée le 15 avril. La centaine de prêtres et de laïcs oeuvrant pour le diocèse, réunis à l’Ecole des Missions au Bouveret, ont eu l’occasion de bénéficier du coaching d’une équipe de l’association parisienne Talenthéo. Ils ont réfléchi ensemble à la manière de développer leur paroisse pour susciter des vocations pastorales.
Un bourdonnement continu, par moment interrompu par des éclats de rire, fait vibrer la grande salle du premier étage du bâtiment de l’Ecole des missions. «C’est la suite d’un élan déjà magnifiquement exprimé l’année passée, où la parole s’est libérée et continue à se libérer», lance, tout sourire, l’abbé Vincent Lafargue, curé de la paroisse d’Hérémence à la pause. Il vient de passer une heure et demie dans des ateliers qui ont réuni les prêtres et laïcs du diocèse en groupes de réflexion. Les uns et les autres viennent de dresser le bilan pastoral de l’année écoulée depuis la précédente session pastorale qui avait initié cette démarche de dialogue, encadrée par une équipe de coaches de l’association Talenthéo, venus de Paris. «J’apprécie beaucoup cette dynamique d’atelier qui nous permet de prendre la parole», relève pour sa part Christophe Pont, animateur pastoral. Véronique Denis, responsable du Service diocésain de la catéchèse, y voit «une liberté de parole donnée à chacun qui est très agréable».
La vision pastorale
Cette session 2016 a débuté sur le thème de la vision pastorale. Les coaches répartis dans les groupes ont animé les discussions avant de laisser Arnaud Bornens, le responsable de l’équipe, reprendre le flambeau de l’animation. L’élocution aisée, il parcourt la salle, micro en main, et détaille le processus d’une vision qui permet aux pasteurs de se projeter dans des projets paroissiaux. L’enjeu? Développer leur paroisse en suscitant des vocations et mettre en mouvement les personnes, «la portion du peuple de Dieu qui leur est confié», précise Arnaud Bornens. «Vous êtes là pour développer des pasteurs. Ce ne sera pas facile, prévient-il en évoquant les résistances, les démissions». Les obstacles sont nombreux. Il énumère le «on a toujours fait comme ça, pourquoi changer?», le «manque de personnes», le «manque de temps», etc.
Une méthode «participative»
L’orateur passe le témoin aux groupes afin qu’ils puissent exprimer ce qui pourrait faire «couler» les projets tellement enthousiasmant. L’idée est de faire sortir des idées «éteignoirs» de projets. Une façon positive de faire émerger les problèmes qui bloquent si souvent les projets. Concrètement, les animateurs posent au sol des bougies, les allument et donnent la parole aux participants. A charge pour eux d’émettre une idée «éteignoir» puis de souffler sur la bougie. Loin de figer les groupes, la méthode fait mouche. Le bourdonnement reprend, les idées fusent et les bougies s’éteignent à un rythme soutenu. Les laïcs s’expriment sans complexe «C’est très pédagogique et très participatif. Chacun est impliqué et la prise de parole est variée. On réfléchit à des choses très concrètes», se réjouit le Père Jérôme Hauswirth, curé des paroisses de Collombey et Muraz. «On trouve ici des outils pour mieux servir un renouvellement de notre manière d’être, de vivre et de collaborer en Eglise», renchérit Christophe Pont.
Des méthodes inspirées du management
«J’apprécie qu’on passe par des symboles comme on l’a fait ce matin. Une bougie à éteindre, c’est tout simple. Le Christ le dit «venez à l’écart». Une fois que nous sommes déplacés de nos petits conforts, nous pouvons travailler d’une autre manière», relève le Père Vincent Lafargue. Arnaud Bornens reprend la main et développe son argumentaire sur la manière concrète de susciter des conversions. Les conseils rappellent «l’Eglise en sortie» du pape François. Il suggère, entre autre, d’aller questionner les passants dans la rue sur ce qu’ils attendent de leur paroisse. «Vous ne serez pas toujours très bien reçus mais cela en vaut la peine. Pour l’avoir fait, je peux vous assurer que c’est très enrichissant. Vous vous apercevrez que les gens sont bien plus intéressés à parler de Dieu que vous ne pensez», assure-t-il.
Pour atteindre les objectifs, le coach explique les schémas qu’il fait défiler devant l’assistance, pour le coup silencieuse. Les participants apprennent à définir une direction, des objectifs réalistes et un résultat qui soit compatible avec les moyens employés. Il évoque la méthode «SMART» pour Spécifique/quantitatif, Mesurable, Ambitieux/atteignable, Réaliste et le Temps que devrait nécessiter le projet. Tous adhèrent à la méthode et apprécient ces outils mis au service de la pastorale. Sandrine Mayoraz, agente pastorale à la paroisse de Monthey-Choëx, ajoute les lettres «E» pour «Ecologie». «Ce que l’on entreprend a un coût énergétique et financier. A nous de bien voir ce que nous sommes prêts à dépenser pour le gain obtenu. Le gain espéré vaut-il toujours la dépense envisagée?» questionne-t-elle. L’agente pastorale ajoute enfin le «R», pour le «Rôle» joué par l’initiateur du projet.
Patricia Barras, catéchiste dans le secteur des Noble et Louable contrées, est directe: ” Il faut se repositionner en nous disant que nous agissons dans des projets qui ont peu d’impact et en laissant des groupes qu’on n’atteint pas. On accueille les gens qui viennent mais on ne va plus chercher ceux qui restent dehors. Or ce sont justement ceux-là que nous devons aller chercher», estime-t-elle. Elle parle d’une pastorale qui ciblerait les populations. Que faire pour les personnes âgées? Faut-il aller dans les homes? Que faire pour ramener les personnes divorcées qui se sentent exclues de l’Eglise?
Pour une Eglise qui ne soit pas une entreprise
Le coaching effectué par l’équipe de Talenthéo a touché le cœur du problème et soulevé autant de questionnement que d’envies. Les discussions vont bon train. «Avec ces termes qui s’apparentent à des techniques de management, on a l’impression d’être dans quelque chose de moderne, destiné à des institutions, des entreprises mais pas à l’Eglise. Cela présente pourtant des pistes qui peuvent être utiles en Eglise». Lors de l’exposé qui suit les ateliers, un prêtre rappelle que l’Eglise ne doit pas être vue comme une entreprise. «Il n’est absolument pas question de cela, confirme Arnaud Bornens. Jésus, ajoute-t-il, n’était pas un entrepreneur mais il avait des ‘clients’, il est venu avec une intention pour générer le changement qu’il a opéré. Il a choisi les disciples, il s’est entouré».
En Eglise, on fait aussi de la communication vers les autres avec ce que Dieu a mis à notre disposition, souligne le coach, pour qui l’enjeu reste avant tout une pastorale de conversion. La méthode est un moyen. «On arrive à un tournant où on doit arrêter de faire ce qu’on a toujours fait. Il faut voir les challenges qui nous attendent. On prépare l’Eglise de demain, on ne peut pas rester sur les acquis de l’Eglise d’hier», relève Patricia Barras. Le Père Vincent Lafargue est d’accord tout en mettant en garde: «Si l’Eglise devenait une entreprise, ce serait une erreur mais si elle utilise les bonnes méthodes de l’entreprise pour s’améliorer, c’est une bonne idée».
Se parler
Cette session pastorale s’inscrit dans la suite de 2015. Certains, dans les ateliers, évoquent l’enthousiasme aussi vite retombé qu’il était monté et le «couvercle bien vite refermé» sur la session. Que faire des conseils dispensés lors de ces sessions? De toute évidence, le diocèse s’est mis en marche, doucement et, laïcs comme prêtres, ont fait du chemin. Est-il si difficile de communiquer en Eglise? Certains évoquent les corporatismes, les communautés, les habitudes. «Ce qu’on a fait l’année passée a porté du fruit, mais on peut aller plus loin. Il n’est pas difficile de parler entre nous, tempère l’abbé Pierre-Yves Pralong, vicaire à la paroisse de Monthey-Choëx, mais nous sommes moins habitués à dire ce que nous ressentons, ce que nous vivons». «Pris à nouveau dans le rythme, on oublie parfois ce qu’on a vu durant la session» témoigne un participant. Véronique Denis se veut positive: «Cela peut donner un nouvel état d’esprit dans les communautés. Il y a un besoin de s’exprimer. Les laïcs prennent bien la parole ce matin. Cela va les aider par la suite dans les Conseils de communauté», assure-t-elle. Casimir Gabioud, animateur pastoral dans le secteur d’Entremont est pragmatique: «Avant de trouver des solutions, nous devons apprendre à parler ensemble. C’est la première notion que nous avons vue l’année passée». Cela prendra du temps mais les participants semblent y croire.
Cette matinée a permis de brasser les idées et a touché les cœurs. Michel Borgeat, chanoine de Saint-Maurice, apprécie pleinement le moment: «C’est très riche. J’ai 76 ans mai si j’en avais 25, je serais heureux!», lance-t-il tout sourire. Selon lui, ce qui se passe maintenant en Eglise est ‘fabuleux’. C’est pour lui une bonne approche pour aider les prêtres à vaincre une forme de désespoir. Nous sommes dans un monde qui est désolant pour nous. «Cette façon de reprendre les choses d’une manière évangélique à travers ces rencontres, nous fait respirer», s’enthousiasme-t-il.
Pour les vocations pastorales.
Arnaud Bornens, responsable de l’équipe d’animation de la session pastorale 2016 du diocèse de Sion, parle avant tout à une «Eglise en croissance». S’inspirant des outils de management, il n’en fait pas une fin en soi. Il entend, avec son équipe, aider les prêtres à susciter «des vocations pastorales».
Vous donnez des outils pour une gouvernance d’Eglise?
Je n’aime pas le terme «Outils». Cela donne l’impression d’une garantie de succès. Or, je ne sais pas quel sera le résultat qui suivra cette session. Nous donnons des étapes de cheminement qui permettent à une communauté de faire émerger une vision pastorale. Nous nous inspirons des outils de management, mais ce n’est pas le fond de notre activité. Nous cherchons à favoriser une pastorale de croissance au sein de l’Eglise, pas à gérer sa faillite.
C’est ce qui a motivé la création de Talenthéo?
Béatrice et Olivier Pello, les fondateurs, ont eu l’intuition que les prêtres devaient être confortés et soutenus dans leur gouvernance pastorale. Les pasteurs sont débordés. Comment les aider dans leur mission quotidienne à animer et à conduire leur peuple? A l’époque, les équipes de Talenthéo travaillaient pour des dirigeants. Ils ont pensé à donner du temps pour aider les prêtres à gouverner leur église. Sachant qu’une église n’est pas une entreprise, il a fallu nous adapter à ce qu’elle est.
On parle de plus en plus de curés «managers» de leur paroisse
Un curé n’est pas un manager tel qu’on l’entend en entreprise. Il est porteur d’une intention de Dieu. Il est là pour susciter des vocations pastorales au sein de sa paroisse. Et pour faire en sorte que des personnes en face de lui deviennent des pasteurs à leur tour. C’est la démultiplication. Ce processus passe par du management mais pas seulement. Il y a l’idée pour le pasteur d’inspirer le peuple de Dieu pour qu’il ait ce désir intense d’annoncer la joie de l’amour du Christ.
Quels sont les principaux problèmes à résoudre que vous rencontrez au cours des sessions que vous animez?
En Eglise on a perdu l’habitude d’annoncer le Christ. La notion de disciple missionnaire n’a plus beaucoup de sens. Jusque récemment, on venait à l’église parce qu’on avait la foi, bien sûr, mais on venait consommer la messe. On assiste depuis quelques années à un changement: Les pasteurs et les laïcs commencent à se prendre en main et à vivre leur foi de façon différente. (cath.ch-apic/bh)