Le 'mikado' de l'Eglise catholique en Chine
Entre Eglise ‘officielle’ et ‘clandestine’ la situation des catholiques en Chine est loin d’être simple. La question de la succession de l’évêque de Wenzhou, important diocèse de la province de Zhejiang, au sud de Shanghai, en témoigne une nouvelle fois.
Mgr Vincent Zhu Weifang, évêque ‘officiel’ de Wenzhou a saisi l’occasion de la messe chrismale, célébrée à Wenzhou le 23 mars 2016, pour annoncer sa retraite et la nomination d’un administrateur en la personne de Père Ma Xianshi, rapporte «Eglises d’Asie». Dans n’importe quel autre pays la chose serait banale, mais pas en Chine. D’une part parce que Mgr Zhu Weifang est âgé de 90 ans et d’autre part parce que le diocèse de Wenzhou a un évêque coadjuteur depuis 2008, Mgr Shao Zhumin, issu du clergé ‘clandestin’. A Wenzhou, on estime que les ‘clandestins’ représentent environ 80 000 fidèles et les ‘officiels’ 40’000.
L’histoire remonte à 2007, lorsque l’évêque ‘clandestin’ de Wenzhou, Mgr James Lin Xili, très âgé et affaibli par la maladie demande à se retirer. En vue de favoriser l’unité entre les deux communautés de ce diocèse, Rome décide de nommer comme évêque de Wenzhou, le Père. Vincent Zhu Weifang, membre du clergé ‘officiel’, avec comme coadjuteur le Père Shao Zhumin, membre du clergé ‘clandestin’. Le Père Zhu étant alors âgé de 81 ans et le Père Shao de 44 ans, il était entendu qu’à la mort de Mgr Zhu, Mgr Shao prendrait la direction du diocèse tout entier.
Faire surface ?
Au fil des années, la méfiance réciproque entre ‘officiels’ et ‘clandestins’ s’est effectivement atténuée. Mais à l’heure où la succession de Mgr Zhu doit concrètement être envisagée, la situation se bloque à nouveau. Mgr Zhu n’a pas pu – ou pas voulu – agir autrement qu’en désignant un administrateur autre que son coadjuteur. Selon un observateur local, le mieux aurait été que Mgr Shao ›fasse surface’ et prenne la tête des deux communautés, ‘officielle’ et ‘clandestine’, mais, dans les circonstances présentes, une telle unité est improbable, même si les interactions sont plus nombreuses qu’il y a dix ans et les anathèmes réciproques ont quasi disparu.
Pour que Mgr Shao ›fasse surface’, c’est-à-dire puisse agir au grand jour, au sein des structures ‘officielles’ du diocèse, il faudrait qu’il soit installé comme évêque ‘officiel’. Cela exige une acceptation de son épiscopat par les autorités civiles. Mgr Shao devrait alors très certainement adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois sous le contrôle du gouvernement. Il risquerait aussi de devoir concélébrer avec l’un ou l’autre des sept évêques ‘officiels’ illégitimes, car ordonnés sans l’accord du pape. En agissant ainsi, Mgr Shao prendrait le risque de se couper d’une grande partie de la communauté ‘clandestine’ qui ne lui reconnaîtrait plus alors d’autorité.
Pas un cas unique
Le diocèse de Wenzhou n’est pas un cas unique en Chine. Alors qu’il est de notoriété publique que Pékin et Rome négocient un accord mais que rien n’a filtré de la teneur de ces négociations, cette complexité n’augure peut-être pas d’une issue rapide. «Le simple fait de nommer l’Eglise qui est en Chine pose problème et les mots qui seront choisis ont une signification politique forte, selon que l’on parle de ›l’Eglise catholique en Chine’ ou de ›l’Eglise catholique de Chine’, voire de ›l’Eglise catholique chinoise’», analyse un observateur. (cath.ch-apic/eda/mp)