Philippines: L'Eglise condamne les violences policières envers «les manifestants de la sécheresse»
Au moins deux paysans ont été tués, début avril 2016, après que la police a ouvert le feu, au sud des Philippines, lors d’une manifestation d’agriculteurs victimes de la sécheresse consécutive au phénomène climatique d’El Nino. Des Eglises chrétiennes locales ont aussitôt condamné les répressions policières.
Depuis trois jours, à Kidapawan, près de 6’000 agriculteurs bloquaient l’autoroute reliant Cotabato à Davao, dans le sud de l’archipel, rapporte le 6 avril 2016 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Ils réclamaient 15’000 sacs de riz ainsi qu’une aide financière d’urgence pour pouvoir survivre jusqu’à l’arrivée de la saison des pluies. Une douzaine de manifestants ont été blessés par les tirs de balles. D’autres ont été arrêtés. De son côté, la police affirme qu’une quarantaine de ses hommes étaient dans un «état critique», après des jets de pierres attribués aux paysans. La police nationale philippine a déclaré avoir ouvert une enquête.
L’Eglise méthodiste donne refuge aux manifestants
Parmi les manifestants, figurent de nombreux Lumads (aborigènes de l’île de Mindanao). «Nous demandions seulement une aide immédiate au gouvernement», affirme Danilo Ramos, président de la Fédération des travailleurs agricoles. «On ne tire pas sur des gens qui demandent l’aide de leur gouvernement», a-t-il affirmé à l’agence d’information catholique Ucanews.
Tous les candidats à l’élection présidentielle ont dénoncé ce bain de sang. Les Eglises chrétiennes ont également fermement condamné ces violences, en particulier l’Eglise Méthodiste Unie (United Methodist Church). Beaucoup de manifestants avaient d’ailleurs trouvé refuge dans la paroisse Spottswood, à l’intérieur de laquelle la police a effectué des fouilles, sans toutefois trouver d’armes, rapporte le site d’information Interaksyon. L’évêque de la United Methodist Church de Kidapawan a ensuite été menacé de poursuites judiciaires par le gouverneur de la province de Cotabato, pour avoir hébergé des manifestants, activité interdite par la loi.
Un gouvernement incapable de résoudre la crise
L’évêque auxiliaire de Manille, Mgr Broderick Pabillo, en charge des affaires publiques à la conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP), a fermement condamné la méthode musclée de la police. «Ce n’est pas une réponse adaptée aux difficultés des fermiers que le gouvernement lui-même n’a pas été capable de résoudre», fustige le prélat dans un communiqué publié sur le site de Radio Veritas. «El Nino n’est pas un typhon qui aurait pu prendre un gouvernement au dépourvu. Cela fait deux ans que l’on parle de ce phénomène météorologique. Le pays est touché depuis septembre déjà. Et le gouvernement n’a rien fait à ce sujet». Après avoir condamné lui aussi ces violences, le président de la CBCP, Mgr Socrates Villegas, a exhorté les familles des victimes à ne pas chercher à se venger.
Les malheurs des petits paysans
L’île méridionale de Mindanao est considérée comme le grenier des Philippines. La sécheresse s’y est accentuée depuis le début de l’année, provoquée par le phénomène El Nino, avec des eaux du Pacifique inhabituellement chaudes en cette période de l’année. Près de la moitié des 194’000 hectares de cultures affectées se trouvent à Mindanao et, pour celles-ci, 87% des récoltes risquent d’être perdues», relève l’organe de coordination de l’aide d’urgence des Nations unies, dans un rapport publié il y a un mois. «Même si l’état de catastrophe naturelle a été décrété dans certaines régions de Mindanao, les autorités locales et nationales n’ont fait aucun geste envers les paysans dont elles sont censées se préoccuper», renchérit Mgr Pabillo.
Pour les Missionnaires ruraux des Philippines (Rural missionnaries of the Philippines), des militants qui partagent le mode de vie des paysans, principalement à Mindanao, les petits agriculteurs de la région cumulent les difficultés. En plus de la sécheresse et des conséquences d’El Nino, ils sont confrontés à la concurrence des grandes monocultures, souvent détenues par des multinationales, avec un partage inéquitable des terres.
Ces derniers mois, les violences à l’égard des Lumads, forcés de fuir à cause d’affrontements entre l’armée philippine et la branche armée de la rébellion communiste aux Philippines (NPA) se sont multipliées. L’été dernier, trois membres de la communauté ont été assassinés. L’armée et des groupes paramilitaires travaillant pour les intérêts de firmes multinationales ont été suspectés d’être à l’origine de leur mort. (cath.ch-apic/eda/rz)