Brésil : la Pastorale carcérale dénonce le manque d’action des autorités contre la torture
La Pastorale carcérale du Brésil a dénoncé le 28 mars 2016 des cas de torture dans les pénitenciers du pays. Le document, réalisé avec l’appui du Fond brésilien des Droits Humains et de l’ONG Oak Fundation, dénonce le manque d’implication, voire même la mauvaise volonté du pouvoir judiciaire, à traiter les plaintes et à punir les responsables.
Au Brésil, la Pastorale carcérale accompagne 57 cas de torture contre des détenus à travers le programme de prévention et de combat de la torture depuis 2014. 29 cas ont été signalés au Ministère Public uniquement dans l’Etat de Sao Paulo. D’après la Pastorale, ces plaintes ont donné lieu à des enquêtes administratives dans moins de 20% des cas. Pire, aucune des institutions mise en cause n’a communiqué sur les mesures prises après ces dénonciations.
«Malgré les deux rapports de l’Organisation des Nations Unies (ONU) dénonçant de telles pratiques comme particulièrement répandues au sein du système pénitentiaire brésilien, les actes de torture continuent d’être sous estimés par les autorités, et la possibilité de voir les responsables impliqués dans de tels actes être condamnés sont extrêmement faibles», a précisé Paulo Malvezzi, conseiller juridique de la Pastorale carcérale nationale, lors de la conférence de presse de présentation du rapport.
Actes de tortures
La pastorale donne quelques exemples de pratiques considérées comme des actes de torture pratiqués dans les prisons du pays. Chutes, agressions à l’aide de matraques, étouffements, chocs électriques provoqués par l’usage d’armes «taser», utilisation de spray au piment, de gaz lacrymogène, de balles en plastique, mais aussi injures verbales et menaces font partie des méthodes communément utilisées par les policiers et agents pénitentiaires. Autant de pratiques qui ne sont généralement pas punies.
Parmi les autres points soulevés dans le rapport, la Pastorale carcérale, souligne que pour qu’une enquête soit menée sur d’éventuels actes de torture, «les organes officiels exigent des dénonciations minutieuses qui ne prennent absolument pas en compte le contexte autoritaire et obscur de tels actes. En conséquence, ces entités enterrent une quelconque possibilité de traitement des faits, ne respectant pas les engagements internationaux de l’État brésilien de prévenir et éradiquer la torture.»
Les femmes davantage victimes
Parmi les cas de torture dénoncés dans les centres de détention de l’Etat de Sao Paulo, la Pastorale carcérale révèle par exemple que 67% se sont déroulés dans des maisons d’arrêt, regroupant détenus déjà condamnés ou en attente de jugement, et dans des commissariats. Ces actes touchent les femmes de manière disproportionnée, puisque 30% des personnes victimes de torture sont des femmes, alors qu’elles ne représentent que 7% des 600’000 détenus brésiliens.
Parmi les cas concrets récents dénoncés par la Pastorale carcérale, figure notamment le cas du Centre pénitentiaire Nelson Hungria, dans la ville de Contagem, dans l’Etat du Minas Gerais). La section locale de la Pastorale a en effet reçu, le 28 août 2015, une information faisant état d’actes de barbarie à l’égard de détenus. Parmi les accusations, figurent notamment des séances de coups de la part de multiples agents, d’étouffements pratiqués à l’aide de sacs plastique, de sévices sur les parties génitales des détenus masculins, et autres techniques de torture.
Pas d’implication de la Justice
«Cette dénonciation a été immédiatement envoyée au Ministère Public de l’État du Minas Gerais, pour être traitée par les services concernés. Six mois plus tard, et malgré les nombreuses relances de la Pastorale carcérale, le procureur responsable de cette affaire, a décrété le classement sans suite de l’accusation, sans même avoir procédé à l’audition des détenus victimes de ces actes de torture ni même visité les lieux», rapporte le document.
Pour la Pastorale, le nombre de plaintes officielles est bien en deçà de la réalité. «Malgré la profusion des organismes chargés de vérifier le bon fonctionnement du système carcéral et le respect des droits humains, nous sommes encore à la recherche d’un modèle public plus efficace pour la dénonciation et le suivi des cas de torture au sein du système carcéral brésilien», a conclu Paulo Malvezzi. (cath.ch-apic/jcg/mp)