Sénégal: Mendicité interdite à la Médina pour protéger les enfants talibés
Bamba Fall, maire de la Médina, à Dakar, a interdit la mendicité. Une mesure radicale et sans précédent dans le pays où la maltraitance et l’exploitation des enfants talibés, se déroulent au cœur de la capitale sénégalaise.
Officiellement interdite par la loi, la mendicité juvénile est un phénomène ancestral au Sénégal. Depuis des décennies, des enfants de quatre à douze ans, confiés par leurs parents à des marabouts pour apprendre à lire et écrire le Coran, sont en fait forcés de mendier dans les rues pour leurs apporter à manger ou de l’argent. Sous prétexte d’enseignement, les marabouts les maltraitent, ne les soignent pas et ne les nourrissent pas. «Ils les font mendier dans les rues et lieux publics, sept jours par semaine, durant toute la journée, et parfois la nuit», dénonce le site Planète-Sénégal, très engagé dans la lutte contre la mendicité des enfants dans le pays.
500’000 enfants mendient dans les rues du pays
Les conséquences de la mendicité des enfants est choquant: les rues, les carrefours et les garages des centres urbains du Sénégal sont envahis par des milliers d’enfants en haillons, mal nourris et souvent malades. Ils ne se limitent plus à demander l’aumône, l’un des cinq piliers de l’Islam, mais harcèlent passants et voyageurs pour avoir de l’argent, qu’ils remettront ensuite à leurs maîtres, sous peine de châtiments corporels sévères.
Les organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales fustigent régulièrement l’immobilisme des autorités sénégalaises face à ce fléau social. Selon des estimations officielles, on dénombre en 2012 au Sénégal, 500’000 enfants mendiants, maltraités, exploités. Ils sont originaires du Sénégal et des pays voisins.
Traitement inhumain et sévices corporels
En mars 2013, neuf enfants talibés, avaient péri pendant leur sommeil dans l’incendie de leur chambre à la Médina. En plus de ce drame, la presse sénégalaise rapporte régulièrement des cas de sévices corporels de marabouts sur des enfants talibés. Le 18 février 2016, 20 enfants talibés de six à quatorze ans, victimes de «traitements inhumains et dégradants» par leur marabout, ont été découverts à Diourbel, au centre du pays. L’un d’eux vivait attaché avec des chaînes, depuis deux ans. Bassirou Sarr, le commissaire de police chargé de l’enquête, a souligné qu’»outre l’enchaînement au fer, ces talibés ont reçu des coups au dos et sur tout le corps». Le marabout tortionnaire a été interpellé par la police, puis relâché.
Jeudi 3 mars, à l’occasion du quatrième anniversaire de la mort des neuf talibés, le maire Bamba Fall a rendu public la mesure d’interdiction de la mendicité juvénile dans sa commune. »La protection des enfants est une priorité de la commune qui a reçu de l’Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), un financement de plus de 29’000 CHF pour lutter contre la mendicité des enfants», a-t-il précisé.
Dans une déclaration diffusée le 5 mars, à la télévision, il a précisé que désormais tous les enfants talibés seront confinés dans des internats et auront un numéro d’identification. En cas de problème, il sera facile de retrouver son marabout. Les sénégalais qui ont favorablement accueilli cette décision, accusent les parents d’être responsables du sort de leurs enfants. (cath.ch-apic/ibc/bh)