Inde: Après avoir provoqué des émeutes, la puissance caste des Jats «récompensée»

Après avoir déclenché de violentes émeutes, le week-end dernier, dans l’Haryana, la puissance caste des Jats a été «récompensée» par le gouvernement de cet Etat du nord de l’Inde. Il a promis de lui accorder des quotas dans la fonction publique et dans les universités.

Cette promesse en faveur de la caste dominante a été qualifiée de «grave injustice» par le Père Savari Muthu, porte-parole de l’archidiocèse catholique de New Delhi.

Le 21 février, des milliers de soldats ont été déployés dans l’Etat, le couvre-feu installé dans 9 villes, avec ordre de tirer à vue pour tenter de faire cesser ces violences qui ont fait au moins 19 morts et 200 blessés. Les dégâts matériels sont considérables, des magasins, des écoles, des commissariats et des véhicules ayant été incendiés.

Avec la violence, «on peut faire ce qu’on veut»

Suite à ces émeutes, le réseau ferroviaire de la région a été interrompu et des routes nationales bloquées. Même les habitants de New Delhi, la capitale indienne, ont subi les conséquences de ces violences, puisque l’eau a été rationnée, des manifestants ayant provoqué la fermeture des vannes d’un canal situé dans l’Haryana, qui alimente les centrales de traitement des eaux de la capitale indienne.

Cela prouve qu’avec la violence, «on peut faire ce qu’on veut». Accorder des quotas à une caste si puissante est «une grave injustice vis-à-vis des ceux qui méritent d’obtenir ces droits, du fait de leur pauvres conditions de vie», s’est indigné le Père Muthu, cité par l’agence de presse catholique UcaNews. «A présent, il va être facile pour chaque communauté d’exiger et d’obtenir des quotas en usant de la violence», a-t-il précisé.

Quotas réservés aux castes les plus basses

Les Jats n’appartiennent effectivement pas à une basse caste, et leur révolte ne s’explique donc pas par l’oppression sociale endurée par une caste située en bas de l’échelle indienne.

Si d’un point de vue religieux les Jats appartiennent à une classe intermédiaire, socialement c’est une caste dominante, notamment par son nombre, puisque les Jats représentent 30% de la population de l’Haryana. Socialement, les Jats ont la mainmise sur la propriété foncière et agraire, la plupart des propriétaires terriens de l’Haryana étant issus de cette caste. Les Jats bénéficient également d’un puissant pouvoir politique, plusieurs hommes politiques Jats ayant été Chief minister (Premier ministre) de l’Etat.

Les privilégiés veulent renforcer leurs privilèges

Selon Jules Naudet, chercheur au Centre de Sciences Humaines de New Delhi, interviewé par Radio Vatican, le 23 février, ces classes dominantes – comme les Patels, qui se sont révoltés il y a quelques mois au Gujarat – ont une conception différente du système classique des quotas, traditionnellement réservés aux castes les plus basses.

Si ces classes dominantes se mobilisent par groupe d’intérêts, ce n’est pas parce qu’elles sont opprimées, mais c’est pour intimider le pouvoir politique en place, afin d’obtenir le renforcement de leurs privilèges. Pour le Père Jas, curé à Rohtak, l’épicentre des violences, «la situation sur place est terrible. Dans les rues, presque tout a été brûlé», a-t-il confié à UcaNews. «Les manifestants Jats ont vandalisé les biens appartenant aux classes non Jats, mais les biens des Jats, eux, ont été épargnés». Selon lui, «ces émeutes ont été planifiées».

Les émeutes ont été planifiées

D’après les données de la police de l’Haryana, publiées par le quotidien «Indian Express» le 24 février, ce sont surtout les OBC (Other Backward Classes, classes économiquement et sociologiquement «arriérées») qui ont été touchées par cette flambée de violence, notamment les Punjabis et les Sainis, qui ont vu des groupes de Jats entrer dans leur quartier pour incendier des maisons, des magasins et des véhicules et tuer des gens. Selon la police, ces derniers ont alors rétorqué, en s’en prenant à leur tour à la classe des Jats.

«Nous n’avions jamais assisté à une telle violence et à des divisions inter-castes aussi fortes», a déclaré à l’»Indian Express» un haut fonctionnaire de la police de l’Haryana, avant d’ajouter que «la situation revenait petit à petit à la normale». Cité par «Eglises d’Asie» (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP), le Père Jas dit craindre que la situation ne s’envenime davantage depuis que les Jats ont obtenu gain de cause auprès du gouvernement de l’Haryana.

«La colère et les mécontentements montent chez les non Jats. Alors que ces classes n’avaient rien fait, elles ont subi injustement de lourdes pertes humaines et matérielles du fait des violences déclenchées par les Jats».

Pas de quotas pour les dalits chrétiens et musulmans

Autre injustice récemment dénoncée par des responsables chrétiens indiens: l’absence de quotas pour les dalits chrétiens et musulmans. Le 16 février dernier, quelques jours avant les émeutes des Jats en Haryana, le Ministre fédéral pour la justice sociale, Thawar Chand Gehlot, a refusé d’accorder des quotas dans la fonction publique et les universités aux dalits chrétiens et musulmans, socialement défavorisés, alors que les dalits hindous en bénéficient.

Selon le gouvernement fédéral actuel, dirigé lui aussi par le parti hindouiste BJP, cela risquait «d’encourager les conversions» et «d’affaiblir la religion hindoue». «Nous sommes un Etat laïc. Comment un gouvernement peut-il tenir de tels propos ?», s’est indigné Samuel Jaikumar, un responsable protestant au sein du NCC (National Council of Churches in India).

Etat hindou contre Etat laïc

Pour le Père Z. Devasagayaraj, secrétaire de la Commission des dalits et des indigènes à la Conférence épiscopale catholique indienne, le gouvernement actuel est tout simplement «opposé à la nature multiculturelle et multireligieuse de notre pays». (cath.ch-apic/eda/nfb/ucan/be)