La FEPS s'oppose à l’initiative «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels»

La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) s’oppose à l’initiative «Pour le renvoi effectif des étrangers criminels». Dans un communiqué publié le 14 janvier 2015, la FEPS estime que cette initiative populaire fédérale promue par l’UDC et soumise au vote du peuple suisse le 28 février 2016 «méprise des principes de justice fondamentaux dans un Etat de droit».

En effet, souligne la FEPS, elle demande une automatisation des renvois «sans tenir compte ni de la situation personnelle ni de la gravité du délit».

Les renvois systématiques négligent en outre le droit au respect de la vie familiale. La FEPS rejette donc ce texte en votation le 28 février. L’initiative dite de «mise en œuvre», pour les Eglises protestantes, «attaque directement la Suisse en tant qu’Etat de droit».

En effet, dans le système de droit suisse, la peine doit être équitable, proportionnelle par rapport au délit. «Or l’initiative propose de remplacer l’examen de chaque cas par des renvois automatiques. Elle ignore par ailleurs deux autres fondements de notre droit: le principe du sens de la peine, ainsi que l’objectif de resocialisation».

«Un dangereux précédent»

Avec l’automatisation des renvois, des familles seraient séparées dans le mépris du droit au respect de la vie familiale, poursuit la FEPS dans son communiqué. «En ignorant ainsi ce droit, le texte de l’initiative fait primer le droit national sur les droits de l’homme, établissant un dangereux précédent».

Enfin, le nom de l’initiative est trompeur, affirme la FEPS: «Il ne s’agit pas simplement d’appliquer ce que proposait l’initiative ‘Pour le renvoi des étrangers criminels’ que le peuple suisse a accepté le 28 novembre 2010. L’initiative en votation le 28 février 2016 va plus loin, élargissant le catalogue de délits menant à un renvoi». JB/com


Encadré

Les arguments de la FEPS

Le 28 février, souligne la FEPS, le peuple ne se prononcera pas sur la question de fond qui est de savoir si, et dans quelle mesure, l’expulsion du pays, l’interdiction d’entrée dans le pays ou le renvoi sont conformes à un Etat de droit. «Il choisira simplement entre une mise en œuvre de l’initiative sur le renvoi compatible, ou alors contraire au droit international».

La FEPS rejette l’initiative dite «de mise en œuvre». En effet, le renvoi automatique va à l’encontre des principes élémentaires d’un Etat de droit et du droit international en ce qui concerne les possibilités et limites des sanctions et mesures coercitives appliquées par un Etat de droit. «Une jurisprudence qui vise l’exclusion totale de la société plutôt que l’insertion ou la réinsertion sociale, va non seulement à l’encontre des principes d’un Etat de droit, mais retire également toute légitimité au droit-même en tant qu’institution».

De surcroît, poursuit la Fédération des Eglises protestantes, l’initiative de mise en œuvre est incompatible avec les droits de l’homme, notamment parce qu’elle ne tient pas compte des conséquences du renvoi sur les membres de la famille. La FEPS avance d’autres objections à l’initiative dite «de mise en œuvre: la Suisse a ratifié la Convention européenne des droits de l’Homme en novembre 1974, et par la même occasion la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CSDHLF). «Or, l’application de l’initiative de mise en œuvre est incompatible avec ce consensus de base sur les droits de l’Homme. En effet, le droit au respect de la vie familiale (art. 8 de la CSDHLF) devrait limiter fortement la décision de renvoi. Ainsi, l’initiative de mise en œuvre invalide ce droit».

L’automatisation du renvoi est contraire au principe proportionnel d’équité

Cette initiative supprime de plus la clause de rigueur, pourtant formulée de manière déjà restrictive, et qui représente pour le Parlement la condition de l’acceptation de l’initiative sur le renvoi. Cette clause de rigueur permet à l’Etat de statuer sur les renvois en respectant les principes de l’Etat de droit.

En effet, dans un Etat de droit, le principe de proportionnalité doit être respecté. Selon ce principe fondamental de l’Etat de droit, toute action doit toujours permettre d’atteindre l’objectif visé et doit être jugée nécessaire et acceptable. Ce principe est dicté à la fois par le droit international et par la Constitution. L’initiative s’oppose donc à la clause de rigueur, qui aurait permis le respect de ce principe fondamental de proportionnalité».

L’initiative menace la voie bilatérale avec l’Union européenne

L’automatisation du renvoi que l’initiative de mise en œuvre propose de mettre en place conduit à l’injustice dans certains cas. Car en traitant à égalité des cas inégaux, l’automatisation remplace le principe proportionnel d’équité.

De plus, l’initiative menace la voie bilatérale avec l’Union européenne (UE), car elle concerne également les ressortissants de l’UE en Suisse. Elle rend en outre encore plus difficiles les négociations de la Suisse avec l’UE pour la mise en œuvre de l’initiative populaire «contre l’immigration de masse».

Saper le droit international

Cette initiative exige pour la première fois que le droit international soit concrètement subordonné au droit national. Il suffirait de ce seul précédent pour que cela se produise à nouveau dans d’autres circonstances. La méfiance à l’encontre des étrangers criminels est utilisée par l’initiative promue par les ténors de l’UDC «pour promouvoir des mesures visant à saper le droit international».

«En sacrifiant les jugements nuancés et la prise en compte de cas particuliers en faveur d’une automatisation généralisée, conclut la FEPS, l’initiative de mise en œuvre affaiblit la Suisse ainsi que son droit. Elle encourage un affaiblissement en matière d’éthique juridique. En demandant que des cas concrets soient traités dans le cadre d’actions de routine de l’Etat, l’initiative rend superflue la procédure judiciaire en tant que lieu de juridiction dans lequel l’accusé peut faire valoir ses droits, des droits garantis par l’Etat de droit. C’est en ce point concret que l’initiative menace l’Etat de droit tout entier».  (cath.ch-apic/com/feps/be)

Initiative populaire de l'UDC 'Pour le renvoi effectif des étrangers criminels'
14 janvier 2016 | 15:15
par Jacques Berset
Temps de lecture : env. 4  min.
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