Interview exclusive de Marie et Joseph (Photo: flickr/apmethodist/CC BY-NC-ND 2.0)
Suisse

Marie et Joseph: de divins secrets révélés

L’abbé Michel Salamolard s’est glissé dans les pas de Marie et de Joseph. Il a même pu les interviewer. Inédit.

Chargé d’en savoir plus sur l’étrange couple de la crèche, j’ai pensé que le mieux était de m’adresser directement à lui. Rien de plus facile, il n’est que de fermer les yeux et de penser à Marie, puis à Joseph: contact immédiat garanti. Par courtoisie cependant, pour approcher Marie, je me suis donné des allures d’ange. Quant à Joseph, il m’a suffi d’un songe.

Douce Marie, tu es devenue enceinte sans qu’un homme te prenne dans ses bras. Il n’y a eu qu’un Souffle imperceptible t’enveloppant de tendresse quand tu as murmuré à Gabriel: «Oui, pour moi ce sera comme tu dis.» Pourquoi Dieu a-t-il agi de manière si ahurissante?

C’est bien la question que je me suis posée. Le Seigneur avait usé jadis d’autres méthodes pour faire naître quelque enfant extraordinaire. Des méthodes apparemment plus convenables et naturelles.

Il s’est arrangé pour qu’Abraham et Sarah engendrent et conçoivent passé l’âge. Il a exaucé la prière d’Anne, la stérile. Elle enfanta Samuel de son mari Elqana. De même, Elisabeth, ma cousine, avec son cher Zacharie.

Alors toi, Marie, pourquoi pas avec Joseph?

Oui, pourquoi pas. La réponse m’est venue insensiblement, au fur et à mesure que je méditais ce que l’ange m’avait dit au sujet de mon enfant. Il l’avait appelé «Fils du Très-Haut». Au début, cela ne m’a pas semblé choquant. Ne sommes-nous pas tous enfants de Dieu?

Mais en voyant grandir le petit, j’allais de surprise en surprise. Il était si ordinaire et si mystérieux à la fois. Est-ce quand nous l’avons perdu à Jérusalem, à ses douze ans, que j’ai réalisé l’impensable? Son Père, c’est Dieu au sens le plus vrai et le plus inouï du mot. J’ai porté Dieu en moi!

S’il n’y avait pas eu le signe de ma conception virginale, jamais je n’aurais pu croire ni même imaginer une chose pareille. Un nouveau regard sur mon fils s’est éveillé dans mon cœur. Nous en avons discuté avec Joseph. Et nous avons commencé à comprendre dans quel projet divinement fou nous étions impliqués. Un jour, j’en ai parlé aussi à Jésus. Il n’a rien dit, mais son visage a pris soudain une intensité presque insoutenable.

Cher Joseph, qu’en dis-tu, que ressens-tu ? Je n’en reviens pas de ces confidences de Marie, ton épouse. J’imagine à quel point tu as dû être sidéré par tant de prodiges et, disons-le, d’anormalité. (Mais, ô surprise, je vois Joseph sourire, comme si j’avais proféré une sottise, et je l’entends répondre calmement, posément, paternellement ce qui suit.)

Pas du tout. Tu sais, je suis un homme pratique, les deux pieds sur terre, mais j’aime aussi rêver. Mon métier, c’est de réaliser mes rêves ou ceux d’autrui. Une table, une maison, je l’imagine d’abord. C’est une idée, un songe. Et puis, c’est en me mettant à l’ouvrage que l’idée prend corps.

Je ne vois pas le rapport avec Jésus…

C’est simple. Comme tout mâle, je sais que le rôle du père n’est pas bien grand dans la conception d’un enfant, comparé à celui de la mère. Mais après la naissance, c’est un autre job! La guidance et l’exemple du papa deviennent décisifs. Son regard, ses mots, ses gestes font grandir l’enfant. À condition, bien sûr, qu’il adopte le nouveau-né. Adopter! La mission du père, c’est d’adopter, de prendre pour sien, sans se l’approprier, ce qui n’a pas germé en lui.

C’est ainsi, jouant mon rôle de père auprès de Jésus, que j’ai deviné le mystère de la paternité divine. En plus de son Fils unique et bien-aimé, il souhaite se donner des fils et des filles adoptifs aussi nombreux que les étoiles du ciel. Il désire ardemment que tous les humains aient la joie de lui dire: «Père! Abba! Papa!» avec et comme Jésus.

Est-ce que Jésus t’a aussi appelé «papa» ou bien usait-il d’un autre terme affectueux, réservant «Abba» à son Père du ciel?

Non, il m’appelait papa. Et même, il m’adressait ce mot avec une sincérité, une tendresse, une confiance qui me bouleversaient, parfois aux larmes. Il voyait en moi l’image de son Père. Et comme en promesse, il espérait l’adoption par son Père d’enfants innombrables, tous et toutes saisis dans son amour, tous sauvés, attirés, purifiés, éternisés, divinisés, béatifiés, rassemblés, canonisés, sanctifiés…

Joseph aurait bien poursuivi sa litanie, mais un signe affectueux, discret de Marie lui fit comprendre qu’il s’épuisait à tenter d’exprimer l’inexprimable. Un silence inconnu descendit sur nous, comme une caresse…


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Interview exclusive de Marie et Joseph
22 décembre 2015 | 16:34
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture : env. 4  min.
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