Le chanoine Jean-Jacques Martin, nouveau prévôt du Chapitre cathédral de St-Nicolas (Photo: Bernard Litzler)
Suisse

Neuchâtel: On s'enguirlande autour de la crèche

La décision du Conseil communal de Neuchâtel de retirer une crèche installée sous le sapin de l’Hôtel de Ville provoque une intense polémique, dans le canton et en Suisse romande. Alors que des centaines de personnes réclament le retour du petit Jésus au centre-ville, l’exécutif a promis que la scène de la Nativité serait relocalisée, dès le 30 novembre, à un endroit où elle sera «mieux mise en valeur».

«D’une part, un nombre invraisemblable d’inconnus appelle au rétablissement des trois figurines sculptées et, d’autre part, d’anciens politiciens en vue et des partis politiques se montrent hostiles au laïcisme pur et dur exprimé dans ce dossier par le Conseil communal», rapporte le 28 novembre 2015 le quotidien neuchâtelois «L’Express». Le journal relaye les réactions de plusieurs personnalités locales, face à cette polémique.

L’abbé Jean-Jacques Martin, vicaire épiscopal pour le canton de Neuchâtel, regrette profondément la décision du Conseil communal. «Nous sommes quand même dans une culture chrétienne!», lance le responsable catholique. Dans un communiqué publié le 27 novembre 2015, il s’interrogeait sur cette volonté supplémentaire d’effacer la nature profonde de la fête de Noël et rappelait l’importance de la dimension spirituelle de l’être humain. Il y déplorait ainsi que l’exécutif communal «préfère visiblement se focaliser sur les paillettes de la fête, plutôt que sur sa raison même et son sens profond», suggérant que l’épisode ramenait aux problèmes d’hébergement rencontrés par Joseph et Marie.

L’ombre des attentats de Paris?

Du côté protestant, «L’Express» rapporte des réactions plus mitigées. Christophe Allemann, pasteur à la paroisse réformée de Neuchâtel, indique trouver la décision communale «légitime», soulignant que «comme croyant et même comme pasteur, je peux vivre Noël sans crèche, ni sapin».

David Valdez, pasteur de l’Eglise évangélique libre, assure que le retrait de la crèche ne va «pas changer sa vie». Il comprend néanmoins que cette «perte de symbole» puisse choquer, pour une ville «qui a vécu la Réforme, qui a de belles racines chrétiennes, c’est dommage d’oublier ses origines».

Un autre pasteur neuchâtelois, Constantin Bacha, se demande si les autorités auraient pris une telle décision sans les attentats de Paris. «Peut-être qu’elles veulent protéger leur ville, mais je n’ai pas l’impression qu’une crèche soit une provocation, assure-t-il. On vit aujourd’hui dans la société la crainte que la religion s’exprime; c’est inquiétant».

«Manque de courage pour affirmer des valeurs»

Des représentants non-chrétiens s’expriment également de manière perplexe sur la décision du Conseil communal. Mouhamed Basse, conseiller général socialiste à Neuchâtel, affirme que le retrait de la crèche relève d’une «certaine maladresse: l’enlever, cela fait plus de bruit que de la laisser». «Par les temps qui courent, nous n’avions vraiment pas besoin de ça», lance-t-il, soulignant qu’en pareille situation, «on ne fait que continuer à amplifier les amalgames».

Actif au sein du groupe bouddhiste Rigpa, à Neuchâtel, Claude Blatti prône la tolérance envers tous les signes extérieurs de religion. «La crèche peut représenter l’amour, la compassion, la joie», admet-il, soulignant qu’il n’est pas choqué de voir des statues de Bouddha dans des bars ou des commerces.

Outre les représentants religieux, de nombreux politiciens locaux ont également pris position. L’ancien conseiller d’Etat Claude Nicati parle ainsi d’une décision «irrespectueuse pour les chrétiens» et ne supporte plus «ce manque de courage pour affirmer des valeurs».

L’autre ancien conseiller d’Etat UDC Yvan Perrin estime la mesure «méprisante pour la foi et l’histoire». La décision a également été exploitée par les jeunes UDC du canton, qui ont lancé une pétition pour le retour du Petit Jésus sous le sapin.

Le Parti démocrate chrétien (PDC) du canton considère que la décision du Conseil communal «traduit une acception négative de la laïcité, faisant de tout geste religieux public un geste à bannir».

Un «tsunami» pour le retour de Jésus

Des citoyens de la ville ont également manifesté leur désaccord sur place, notamment en placardant des affichettes. Une habitante qui a entrepris de le faire, affirme avoir été molestée par un agent de sécurité de la ville, qui voulait l’obliger à retirer les papiers.

Face à ce tir croisé de critiques, le président de la ville, Thomas Facchinetti, a relevé que l’exécutif n’avait «pas été insensible aux émois de la population». Assurant qu’il n’a jamais été question de gommer des références au christianisme, il remarque que le sapin communal n’est «pas l’endroit idéal» pour accueillir des symboles religieux marqués.

«L’Express» note en outre que le retrait de la crèche a suscité un «tsunami» de réactions sur le site Arcinfo et sa page Facebook. Le journal relève que plus de 230 commentaires sont tombés, le 27 novembre, en à peine quelques heures, demandant quasiment à l’unanimité le rapatriement de la crèche sur son lieu d’installation initial. (cath.ch-apic/exp/rz)

Le chanoine Jean-Jacques Martin, nouveau prévôt du Chapitre cathédral de St-Nicolas
28 novembre 2015 | 16:36
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 3  min.
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