La République centrafricaine, déchirée par les conflits, va accueillir le pape François
La question sécuritaire sera un élément déterminant de la dernière étape du voyage du pape François en Afrique, la République centrafricaine (RCA). Après le Kenya et l’Ouganda, le chef de l’Eglise catholique gagnera la Centrafrique dans la matinée du 29 novembre 2015, pour une visite de 26 heures, malgré les avertissements de prudence lancés par la France et les forces des Nations unies. Dans ce territoire où se côtoient plus de 80 ethnies, de vives tensions intercommunautaires donnent toujours lieu à des affrontements qui divisent le pays, qui figure parmi les plus pauvres du monde.
Début décembre 2013, alors que les premières violences apparaissent à Bangui, la capitale, ainsi qu’à Bossangoa, dans l’ouest du pays, une résolution de l’ONU permet la formation d’une force africaine, la MISCA (devenue MINUSCA en septembre 2014), sous l’égide de l’Union africaine, appuyée militairement par la France, pour intervenir en Centrafrique. Ancienne puissance coloniale, la France y déploie une force militaire à travers l’opération Sangaris, dans un pays qui n’est alors plus gouverné et en proie à une troisième guerre civile depuis 2004. L’objectif de cette mission est de désarmer les milices anti-balaka et les Seleka, acteurs d’un conflit qui a fait fuir environ 400’000 personnes sur les 4 millions d’habitants que compte la RCA, et déplacé 460’000 autres à l’intérieur du pays.
Conflits ethniques
L’affrontement de ces milices est davantage la conséquence de tensions communautaires entre différentes ethnies, que d’oppositions entre religions. Ces dernières peuvent toutefois devenir un marqueur identitaire pour certains groupes, dans un pays qui compte plus de 80% de chrétiens pour environ 10% de musulmans. Fin 2012, plusieurs mouvements de rébellion du Nord s’étaient associés contre le président Bozizé, pour former la Seleka (»coalition» en sango, langue locale), une coalition hétéroclite de forces politiques et de groupes rebelles appuyés notamment par des mercenaires étrangers. Ses membres étaient alors majoritairement de confession musulmane. Malgré sa dissolution officielle à la mi-septembre 2013, les exactions contre la population n’ont pas cessé.
En réponse aux pillages de la Seleka, des groupes d’auto-défense chrétiens, les anti-balaka (»anti-machette» en sango), déjà mis en place ponctuellement par l’ancien dirigeant Bozizé, se sont associés en septembre 2013. En représailles, ils s’en sont pris aux populations musulmanes, assimilées aux anciens rebelles de la Seleka.
Arrivée dans un climat tendu
Preuve de l’instabilité persistante en Centrafrique, en proie à des coups d’Etat et des guérillas récurrents dans son histoire, c’est la septième fois que la France intervient sur son sol depuis l’indépendance du pays, en 1960. La chute du président François Bozizé, porté au pouvoir par un coup d’Etat en 2003 et renversé en 2013 par les rebelles de la Seleka, a laissé place à un régime de transition, dont Catherine Samba-Panza est actuellement la présidente. C’est elle qui accueillera le pape François à son arrivée à Bangui, le 29 novembre. Le pontife arrive à un moment d’autant plus tendu que des élections présidentielles et législatives sont prévues fin décembre.
Toutefois, le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), l’ancienne coalition Seleka, a joué la carte de l’apaisement avant la venue du pape François à Bangui. Dans un communiqué intitulé «Bienvenue au pape François en République Centrafricaine», ils invitent ainsi tous leurs «compatriotes entre autres musulmans centrafricains», à «sortir en grand nombre pour témoigner (leur) hospitalité, (leur) gratitude». Ils espèrent aussi démontrer au pape François que les problèmes en RCA ne sont pas des problèmes d’ordre confessionnels mais de mauvaise gouvernance et surtout d’exclusion. Un appel qui peut concourir à la venue effective du pape dans ce pays où la situation humanitaire demeure très alarmante. (cath.ch-apic/imedia/fdc/rz)