Eagles Of Death Metal: «Les démons se combattent entre eux»
Les terroristes du Bataclan ont ouvert le feu au moment où les Eagles Of Death Metal entonnaient «Kiss the Devil» (Embrasse le diable). Une coïncidence que certains milieux fondamentalistes ont tôt fait de récupérer pour évoquer un lien de cause à effet. «Cela dépasse mes conceptions idéologiques du mal», rétorque Serge Carrel, rédacteur en chef du site lafree.ch, site évangélique romand d’information.
Un tweet publié le 14 novembre dernier résume d’un trait cette manière d’interpréter les attaques du Bataclan. «Le groupe Eagles Of Death Metal est un groupe satanique, aimant le porno et la drogue. Les démons se combattent entre eux.» Il est publié par Jérôme Bourbon, directeur de l’hebdomadaire français d’extrême droite Rivarol, retweeté et commenté abondamment depuis sa publication, au lendemain du carnage.
Le groupe Eagles of Death Metal est un groupe satanique (“kiss the devil”), aimant le porno et la drogue. Les démons se combattent entre eux
— Jérôme Bourbon (@JeromeBourbon) November 14, 2015
Ambiguïté
Eagles Of Death Metal – communément appelé EODM dans le milieu du rock – cultive l’ambiguïté, à commencer par son nom. Ils sont les «aigles du Death Metal», ce genre musical extrême de l’univers rock qui use de guitares distordues, de cris cadavériques et de rythmes explosifs.
Or, paradoxalement, rien de tout cela chez EODM. A des kilomètres du Death Metal, le groupe californien distille de gros riffs mélodieux, du rock garage moins endiablé et un peu de déconne.
«Le côté ‘death metal’ est ironique, écrit l’Agence France Presse, dans un article intitulé ‘Eagles Of Death Metal, un groupe de rock devenu malgré lui symbole de liberté’. S’il y a des chansons parlant du diable, etc., c’est celui des cartoons ou des bandes dessinées… Ce n’est que satire et provocation».
«Embrasse le diable!»
Un argument qui ne convainc guère certains internautes qui vont jusqu’à voir un lien de cause à effet entre les références à Satan et les attaques perpétrés par les terroristes dans la célèbre salle de concert parisienne. Au-delà du nom du groupe, on décortique son emblème, ses compositions et les pochettes de ses albums pour pointer du doigt l’occulte qui environne les Eagles Of Death Metal.
Si l’amalgame est simpliste, un élément reste troublant. Les premiers coups de kalachnikov ont fusé lorsque le groupe entonnait «kiss the Devil» – traduisez «embrasse le diable». Une chanson aux airs de mantra où le chanteur Jess Hughes répète plusieurs fois «J’aimerai le diable et je chanterai ses chants».
https://www.youtube.com/watch?v=m1nNkotWOQU
«On ne joue pas impunément avec Satan, on ne joue pas impunément avec des forces occultes… Tôt ou tard, cela se termine mal, et très mal…», écrit Tcheka dans un article consacré à l’attaque du Bataclan, sur son blog de »mise en garde biblique», à l’instar d’autres sites chrétiens fondamentalistes.
Une spéculation problématique
«Qui suis-je pour en tirer un lien de cause à effet?», pondère Serge Carrel, rédacteur en chef du site d’information de la Fédération romande d’Eglises évangéliques (FREE) lafree.ch. «Spéculer une sanction qui serait une sorte de justice immanente de Dieu, dépasse mes conceptions idéologiques autour de la question du mal. Je ne crois pas que le Christ soit dépositaire d’un Dieu qui se permettrait de sanctionner de manière si brutale» ces références à Satan.
Il y a toute sorte de positions dans le lien à l’occulte qu’entretiennent certains groupes de rock, du Punk au Death Metal. «Certains prennent cela à la légère, d’autres non», explique Serge Carrel. The Eagles Of Death Metal ont résolument pris l’option de l’équivoque, jusqu’au titre de leur premier album: «Peace, Love, Death Metal» (Paix, Amour et Death Metal). Un choix qui continuera de nourrir les multiples interprétations fondamentalistes de cette tragédie, dont les conclusions sont systématiquement manichéennes. (cath.ch-apic/pp)