L'iconographie catholique est présente dans de nombreux films de vampires (Image:katmary/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0)
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Vampires, démons, crucifix et catholicisme

Washington, 31.10.2015 (cath.ch-apic) «Lorsqu’il s’agit de combattre des vampires ou de pratiquer des exorcismes, l’Eglise catholique a l’artillerie lourde». C’est ainsi que le très célèbre critique de cinéma américain Rogert Ebert commençait, en 1998, son compte-rendu du film «Vampires» de John Carpenter.

Roger Ebert poursuivait: «Vos autres religions sont bonnes pour les activités théologiques quotidiennes, comme de conduire leurs membres au paradis. Mais lorsque les morts-vivants commencent à émerger de leurs tombes, tout le monde veut que ce soit un prêtre catholique qui s’en occupe. En tant que produit d’écoles catholiques, je suis assez fier de cette prééminence».

Il est indéniable que la culture et la tradition catholiques ont une face effrayante et macabre. Nous gardons des têtes, des mains, des pieds, des doigts et d’autres parties du corps coupées de nos saints dans des reliquaires exposés en bonne place dans certaines églises. Parfois, ces membres des saints partent en tournée et visitent d’autres églises.

Il faut parler du fameux ossuaire de Sedlec, en République Tchèque, avec son charnier, décoré avec soin de crânes et d’autres ossements humains et avec son immense chandelier fait entièrement d’os, qui contient au moins un exemplaire de chaque type d’os contenu dans le corps humain. Ce n’est là qu’un exemple des nombreuses chapelles et églises «d’ossements» existant en Europe et ailleurs.

La danse macabre était un genre d’art littéraire, pictural et théâtral mettant en scène une personnification de la mort, conduisant des personnes de toutes classes et catégories sociales- des papes, des empereurs, des marchands et des brigands, des hommes, des femmes, des vieux, des jeunes, des pauvres et des riches- vers l’au-delà, dans une procession de personnes de chair et de figures squelettiques.

Crucifix et hosties contre vampires

La mythologie des vampires liée à l’iconographie catholique trouve ses racines dans le roman «Dracula» de l’Irlandais Bram Stocker, publié en 1897. L’écrivain attribue aux crucifix et aux hosties un grand pouvoir contre les vampires. Le personnage principal du livre, Jonathan Harker, étant anglican, refuse initialement de s’y prêter, considérant cela comme une superstition idolâtre, alors que l’autre héros Van Helsing, un catholique, n’a pas ces scrupules.

Néanmoins, le premier grand film de vampires de l’histoire, «Nosefratu», de Felix Murnau- une adaptation libre, non autorisée et muette de «Dracula», sortie en 1922- fait l’impasse sur tous les aspects religieux de l’histoire.

«Nosferatu le vampire», remake du film de Murnau de 1979 restaure l’iconographie religieuse de Bram Stocker. Le Dracula de Herzog est lui aussi repoussé par les crucifix et les hosties. Même si le Van Helsing du réalisateur allemand est, comme celui de son prédécesseur, relativement impuissant, voire ridicule, un homme de science plutôt que de foi.

Le plus familier et iconique de tous les films de vampires est certainement le «Dracula» de 1931, réalisé par Tod Browning, dans lequel Bela Lugosi campe un comte séduisant et élégant. Mais le Dracula qui a eu le plus d’influence est probablement celui incarné par Christopher Lee, vu pour la première fois en 1958 dans un film de Terence Fisher. L’on y trouve la première représentation de la croix, non seulement comme un répulsif mais comme une arme contre les vampires.

La contribution de Terence Fisher à l’iconographie catholique comme arme contre le mal ne se limite pas aux films de vampires. Ce qui est considéré comme son meilleur opus «Les Vierges de Satan» (1968), met en scène de la magie noire, des adorateurs du diable et des manifestations sataniques. L’arsenal du héros contre le mal inclut des crucifix, de l’eau bénite, une Bible, des invocations en latin, des symboles sacrés et un rituel fictif. Comme avec Dracula, le pouvoir du sacré sur le mal est absolu: de l’eau bénite ou des croix jetées contre les apparitions sataniques les font disparaître instantanément.

Le tournant de «L’exorciste»

Cinq ans plus tard, un film hollywoodien encore plus capital sur les démons et l’exorcisme a changé complètement la donne: «L’exorciste» de William Friedkin, adapté d’un roman de Peter Blatty de 1971. Le film a représenté un changement axial entre la piété teintée de catholicisme de l’âge d’or d’Hollywood et le monde démoniaque du cinéma d’épouvante plus tardif. Ce n’était pas la première mise en scène d’une possession démoniaque et d’un exorcisme, mais c’était probablement le premier film à décrire le pouvoir de la religion sur le mal dans un milieu culturel post-chrétien.

Les films d’épouvante religieux ont souvent été confrontés au problème de l’omnipotence divine: comment un conflit dramatique peut exister si le héros a littéralement Dieu à ses côtés? Si un crucifix est une défense absolue contre Dracula, comment ce dernier peut-il encore faire peur?

«L’exorciste» a inauguré un expédient contre-intuitif face à cette problématique: un pouvoir satanique qui a des limites, qui peut être mis hors-jeu ou trompé est, d’une certaine façon, plus effrayant qu’un monstre inexorable. Cela est peut-être en partie dû au fait de paraître plus réel au spectateur. Le monde de «L’exorciste» ressemble plus à celui de notre expérience, dans lequel la présence de Dieu dans nos vies, des anges et des démons, est souvent plus sujet d’interprétation que fait observable.

Après ce film culte, peu d’œuvres d’épouvante récentes ont repris de façon approfondie des thèmes spirituels dans un milieu catholique, à l’exception de «L’exorcisme d’Emily Rose» (2005), «Délivre-nous du mal» (2014), «Le rite» (2011) ou encore «La conjuration» (2013).

Le fait que le genre reste vivace plus de 40 ans après la sortie de «L’exorciste» est un signe de l’immense impact de ce film et peut-être d’une conscience latente de la soif spirituel qui règne dans notre culture.

*Steven D. Greydanus écrit une chronique hebdomadaire sur le cinéma pour le site internet catholique américain ‘Crux’.

(apic/crux/rz)

L'iconographie catholique est présente dans de nombreux films de vampires (Image:katmary/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0)
31 octobre 2015 | 15:51
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture : env. 4  min.
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