Syrie: Les chrétiens espèrent que le siège d'Alep va bientôt prendre fin
Alep, 20.10.2015 (cath.ch-apic) Les Syriens fuient par dizaines de milliers les quartiers aux mains des rebelles à Alep pour échapper à l’offensive menée par l’armée gouvernementale syrienne, avec l’appui aérien de la Russie.
Dans les quartiers contrôlés par le gouvernement, «la population sent qu’il est sur le point de se passer quelque chose et nombreux sont ceux qui espèrent que le siège, qui pèse depuis des années sur nos quartiers, pourra vraiment finir», a déclaré le 20 octobre 2015 Mgr Boutros Marayati, archevêque arménien catholique d’Alep, à l’agence d’information vaticane Fides.
«D’un autre côté, ajoute-t-il, il est désormais évident pour tous que le niveau décisif sur lequel tout se joue est celui de la géopolitique. Les puissances mondiales, en collaboration avec les puissances régionales, mènent la guerre sur le territoire syrien. Si elles le voulaient vraiment, elles pourraient la faire finir en quelques jours ou la continuer jusqu’à on ne sait quand!».
Mgr Georges Abou Khazen – très critique de l’attitude occidentale – relève que parmi les rebelles, «il n’y a pas des modérés et des fondamentalistes, encore moins des combattants de la liberté».
Washington ne soutient pas des opposants qui veulent instaurer la démocratie
Le vicaire apostolique des catholiques latins d’Alep affirme que l’intervention russe est d’une «plus grande efficacité dans la lutte contre les militants de l’Etat islamique parce qu’elle ne fait pas semblant de frapper». Aux yeux du prélat franciscain, les bombardements américains et alliés «n’ont volontairement pas été efficaces». Mgr Georges Abou Khazen se demande ce que signifie la «légitimation» donnée par Washington et l’Arabie Saoudite à des mouvements comme le front al-Nosra, qui sont en réalité formés de «combattants qui proviennent pour le 80% de l’étranger».
«Ce ne sont pas des Syriens et ils n’ont aucun intérêt à créer un Etat vraiment moderne et démocratique». Il souligne à ce propos que l’Arabie Saoudite a décidé de fournir de nouveaux armements aux soi-disant «modérés», à savoir le front al-Nosra (la section locale d’al-Qaïda, ndlr), afin de résister à l’avance de l’armée syrienne.
«Depuis toujours nous cohabitons en paix avec les musulmans»
A Damas, le Père franciscain Raymond Girgies, curé de la paroisse latine de la conversion de saint Paul, dans le quartier de Bab Touma, au centre de la capitale syrienne, affirme qu’en attendant la lumière, «nous continuons à vivre dans la terreur. Ensemble avec les musulmans. Depuis toujours nous cohabitons en paix et nous collaborons: il y a entre nous un grand respect et eux aussi sont la cible des obus de mortier. Toute la population possède un courage et une force indescriptibles: les adultes vont au travail et les enfants fréquentent l’école malgré les coupures d’électricité et le manque d’eau».
Le prêtre décrit la peur et le stress ressentis suite aux sifflements incessants des obus de mortier qui tombent sur le quartier.
A l’heure actuelle, déclare le Père franciscain, il y a 215 personnes qui habitent dans la paroisse, mais une quinzaine de familles ont tout vendu et sont parties, malgré les mises en garde. Le Père Girgies tente de les en empêcher: «J’élève la voix, comme Jean Baptiste, et je répète: si vous allez en Europe, vous deviendrez esclaves» de gens sans scrupules.
N’invoquez pas la «guerre sainte» contre l’Etat islamique!
De son côté, Mgr Boutros Marayati met en garde contre les déclarations «imprudentes et trompeuses» de certaines représentants d’Eglises chrétiennes qui ont invoqué une «guerre sainte» contre les djihadistes du prétendu «Etat islamique». «Maintenant – fait remarquer l’archevêque arménien – il en est qui étiquettent comme ‘guerre sainte’ l’intervention russe en Syrie, mais je rappelle que lorsque les Etats-Unis intervinrent en Irak, certains milieux américains avaient qualifié, eux aussi, l’opération militaire en question de ‘guerre sainte’. En réalité, ceux qui interviennent sont toujours mus par d’autres intérêts et ceux qui font usage de ces expressions ne connaissent ni l’histoire ni la psychologie des peuples du Proche-Orient. A la fin, le compte des ‘guerres saintes’ des autres, nous le payons toujours nous, chrétiens d’ici». (apic/asian/fides/be)