Lausanne: A quoi sert un pasteur ou un curé?
Lausanne, 08.10.2015 (cath.ch-apic) A quoi sert un pasteur ou un curé? Pourquoi l’Etat de Vaud accorde-t-il quelque 60 millions de subvention annuelles aux deux Eglises protestante et catholique? Les interrogations du Conseiller d’Etat Philippe Leuba n’ont pas manqué d’interpeller les participants à la journée théologique du 8 octobre 2015 à l’Université de Lausanne.
Avec la conviction du chrétien et du citoyen engagé, Philippe Leuba a invité l’Eglise protestante à repenser et surtout à réaffirmer sa mission. «Les Eglises ne sont pas là seulement pour nous inviter à être bons et gentils!», a-t-il souligné avec des accents dignes du pape François. «Veut-elle être un service social ou le ‘sel de la terre’?» Pour lui l’Eglise ne peut pas déléguer à d’autres ou abandonner ce qui constitue sa mission propre à savoir proclamer le Dieu de Jésus-Christ et donner un sens à la vie.
Pour le Conseiller d’Etat chargé des cultes entre 2007 et 2012, il faut remettre la question de ce rôle spécifique des Eglises au centre de la réflexion sur les relations Eglises-Etat. La nouvelle Constitution vaudoise a explicitement reconnu la dimension spirituelle de la personne humaine. C’est sur ce principe que les Eglises protestante et catholique ont un statut de droit public et reçoivent 60 millions de subventions. Mais les questions demeurent. A qui servent les Eglises? Sont-elles libres de s’opposer à l’Etat qui les entretient? Ne sont-elles que des courants de pensée parmi d’autres? Trop souvent, elles rechignent à affronter ces thèmes, de peur de passer pour des ‘fous de Dieu’, déplore Philippe Leuba.
Un oubli ‘effarant’ de la question religieuse
Dans une société souffrant d’un oubli ‘effarant’ de la question religieuse où les gens ne se rendent plus au temple ou à l’église que pour les enterrements, les mariages et quelques fois les baptêmes, on ne peut pas faire l’économie de ces questions. La diversité religieuse est une réalité à laquelle le monde politique devrait être capable de réfléchir ‘à froid’ et d’agir avant que l’incendie ne se déclare. Il s’agit pour cela de définir des règles communes. C’est ce que cherche à faire le canton de Vaud en créant le statut de communauté religieuse reconnue d’utilité publique. La loi et le règlement sont adoptés, mais il est difficile d’en mesurer encore les effets.
Au nom de qui parlez-vous?
D’ores et déjà des questions très concrètes se posent. Peut-on subventionner la construction d’une mosquée? Faut-il ajouter des fêtes non chrétiennes au calendrier? Faut-il des menus halal ou casher dans les cantines scolaires? Tous les enfants sont-ils astreints de la même manière aux cours de natation? Faut-il des carrés musulmans dans les cimetières? Peu de sujets sont capables de mettre autant en danger la concorde sociale, avertit Philippe Leuba. Face au risque de ghetto et à l’extrémisme, comment réaliser une saine intégration? Se concentrer sur ces questions est d’autant plus nécessaire qu’elles sont, la plupart du temps, récupérées par les populistes. «Comment se fait-il que trois femmes voilées à la rue de Bourg fasse la une des médias? Mais qu’on ne trouve pas une ligne sur les 40’000 réfugiés débarqués à Munich durant la même semaine?» Philippe Leuba invite le monde politique comme les Eglises à voir plus loin. «Il y a beaucoup de questions, mais j’entends peu de réponses de l’Eglise. Au nom de qui parlez-vous?»
La neutralité de l’Etat
La discussion s’est poursuivie lors d’une table ronde consacrée à la laïcité. Le pasteur Laurent Schlumberger, invité ‘exotique’ dans l’assemblée, a rappelé les bases de la laïcité à la française, sur laquelle les Romands fantasment volontiers. Deux principes fondent cette laïcité: la liberté et l’égalité des croyances. Deux moyens servent à sa mise en œuvre: la neutralité de l’Etat (à ne pas confondre avec l’athéisme) et la séparation Eglises-Etat. Pour le président du Conseil de l’Eglise protestante unie de France, cette situation est globalement positive, malgré les risques de dérives et les points de frictions. Elle renvoie en particulier les Eglises à leur propre vocation: être témoins de l’Evangile et non pas productrices de normes. «Je suis un croyant laic».
Pierre Gisel, professeur honoraire de l’UNIL, revient sur la neutralité de l’Etat. Pour lui, cela signifie que l’Etat doit jouer le rôle d’arbitre dans le souci du bien commun pour permettre une pluralité fructueuse. Il ne peut s’agir en aucun cas de nier la place du religieux, a renchéri Suzette Sandoz. Pour l’ancienne conseillère nationale, faire de la laïcité une religion exclusive est la pire des hérésies. On ne saurait, sous couvert d’ouverture, oublier les racines chrétiennes de nos cultures. «Nous vivons de plus en plus les uns chez les autres. Dans ce sens, la laïcité est la règle de l’hospitalité», a conclu le pasteur Schlumberger. (apic/mp)
Encadré
50è anniversaire de la fusion de l’Eglise libre et de l’Eglise nationale du canton de Vaud
La société vaudoise de théologie, en collaboration avec la faculté de théologie et de sciences des religions de l’UNIL, organisait sa journée théologique annuelle le 8 octobre sur le thème Espace public et liberté religieuse. A l’occasion du 50è anniversaire de la fusion de l’Eglise libre et de l’Eglise nationale du canton de Vaud, les professeurs Frédéric Amsler et Bernard Reymond (UNIL) ont rappelé l’histoire de cette scission des protestants vaudois entre 1847 et 1965. Les pasteurs Christian Glardon et Marc Peter, témoins de cette fusion, ont ouvert leurs récits de souvenirs. Tombé dans un oubli presque complet, cet épisode a été pourtant un élément marquant pour la culture et l’identité vaudoises. (apic/mp)