Dissidents cubains, souffrance de l’Eglise: le pape répond avec prudence aux journalistes
Washington, 23.09.2015 (cath.ch-apic) En vol entre Cuba et les Etats-Unis, le 22 septembre 2015, le pape François a rencontré les journalistes qui l’accompagnent, intervenant pendant près d’une demi-heure avec beaucoup prudence. Interrogé sur l’opposition au régime castriste, la levée de l’embargo américain sur Cuba ou encore les souffrances de l’Eglise locale, il a plusieurs fois botté en touche. Il a en revanche voulu rassurer les catholiques inquiets par son style en affirmant qu’il n’était pas «l’antipape», se disant prêt à réciter «le Credo» pour le prouver. Concernant le capitalisme ou la protection de l’environnement, il a aussi affirmé qu’il ne disait rien qui n’appartienne pas à la doctrine sociale de l’Eglise.
Interpellé sur la levée de l’embargo américain sur Cuba, le pape – visiblement fatigué – a expliqué que la question faisait partie des négociations en cours entre Washington et La Havane. Prudent, il a souhaité que l’on parvienne à un accord qui puisse satisfaire les deux parties et seulement rappelé l’existence d’une position bien précise du Saint-Siège sur les embargos, présente dans la doctrine de l’Eglise. S’il évoquera la question «des accords binationaux et multinationaux comme signe de progrès pour la coexistence» devant le Congrès américain, le 24 septembre, le pape a assuré qu’il n’y parlerait pas concrètement de cette question.
Aucune audience
A la question de savoir pourquoi, à Cuba, il n’avait pas rencontré d’opposants au régime, malgré leurs requêtes, le pape a soutenu qu’il était disposé à rencontrer tout le monde, mais que, lors de cette visite, il n’avait reçu personne en audience privée. «Cela vaut pour tous, même pour les chefs d’Etat et cela n’a rien à voir avec la dissidence», a seulement répondu le pape argentin dans une probable allusion à sa compatriote, la présidente Cristina Kirchner, venue à Cuba durant son séjour. Des représentants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) avaient également demandé audience au pape, en vain.
Toujours prudent, le pape a affirmé ne pas avoir été informé du fait que nombre de dissidents – peut-être plus de 50 – avaient été arrêtés durant sa visite, parfois tout prêt de la nonciature où il résidait. «Je n’ai pas d’information que cela ait eu lieu, je ne le sais pas», a répondu le pape. Il a cependant indiqué que la nonciature avait invité des dissidents pour une brève salutation lors de sa rencontre avec le clergé cubain, le 21 septembre, dans la cathédrale de La Havane. Pour autant, a-t-il expliqué, personne ne s’est présenté comme dissident.
Le pape a cependant salué le rôle de l’Eglise catholique cubaine, qui a permis une large amnistie avant sa visite. Une fois encore, le pape a assuré que la peine de prison à perpétuité était «une sorte de peine de mort cachée».
«Nous n’avons pas parlé du passé»
Deux jours après sa rencontre avec Fidel Castro, le pape a confirmé le caractère informel et spontané de sa visite au Lider maximo, précisant qu’il avait parlé avec lui du collège jésuite de La Havane où il avait été élève et beaucoup de la protection de l’environnement. A la question de savoir s’il avait parlé à Fidel Castro de la souffrance de l’Eglise lorsqu’il était au pouvoir, le pape a fait cette réponse: «Nous n’avons pas parlé du passé».
«Le pape est-il catholique ?», a titré l’hebdomadaire américain Newsweek avant l’arrivée du pape François aux Etats-Unis. A la demande de savoir s’il était encore catholique, ou communiste, le pape a alors parlé d’une bonne dame, «très catholique et un peu rigide», qui avait demandé à un cardinal s’il n’était pas «l’antipape», voire «l’Antéchrist» dont parlent les Ecritures saintes, juste parce qu’il ne portait pas de chaussures rouges.
Accueilli par Barack Obama
«Je suis certain de ne pas avoir dit une chose de plus que ce qui se trouve dans la doctrine sociale de l’Eglise», s’est défendu avec force le pape en évoquant en particulier son discours devant les mouvements populaires en Bolivie, en juillet dernier. S’il a reconnu qu’il pouvait donner l’impression d’avoir – dans son Encyclique Laudato si’ ou à propos de «l’impérialisme économique» – une doctrine «un peu gauchisante», le pape argentin a assuré suivre celle de l’Eglise. «Et s’il faut que je récite le Credo, je suis prêt à le faire!» a-t-il enfin lancé en souriant.
A sa descente d’avion à la base militaire aérienne de Washington, le pape a été accueilli par le président américain Barack Obama. Après trois journées particulièrement denses sur l’île castriste, le pape François séjourne aux Etats-Unis jusqu’au 27 septembre. Parmi ses nombreux rendez-vous à Washington, New York et Philadelphie, il doit se rendre à la Maison-Blanche, prendre la parole devant le Congrès américain puis l’assemblée générale des Nations unies, et enfin présider la clôture de la 8e Rencontre mondiale des familles. (apic/imedia/ami/rz)