Priver de l'eucharistie celui qui a subi la destruction de son mariage?
Sion, 12.09.2015 (cath.ch-apic) «Peut-on priver à vie de la communion eucharistique et du sacrement de réconciliation, au nom de l’indissolubilité, [des] couples qui ont vécu la destruction de leur mariage?» L’abbé valaisan Joël Pralong, en réponse à une demande de la Conférence des évêques de France, esquisse une perspective d’ouverture.
«L’eucharistie n’est pas une médaille d’or décrochée par les sportifs spirituels de haut niveau. Elle est la force des faibles, la consolation des affligés, la guérison des nos blessures profondes, (…) elle fortifie la communion de l’homme et de la femme», écrit l’actuel directeur du séminaire de Sion dans un ouvrage collectif commandé par Mgr Jean-Luc Brunin, président du Conseil Famille et Société de la Conférence des évêques de France et publié il y a quelques jours.
Eviter l’hypocrisie
Dans cette perspective, Joël Pralong distingue, à l’intérieur du désir d’accéder à la communion eucharistique, «la faim de Dieu» du «besoin de reconnaissance». «Nous devons écouter ces revendications, discerner les messages qu’elles véhiculent, chercher ensemble les bonnes réponses, avec respect et dans la vérité, à la lumière de l’Evangile et de l’enseignement de l’Eglise».
Sur ce «chemin de vérité», il dénonce la tentation de «se réfugier derrière la loi uniquement, ce qui susciterait des comportements hypocrites (les divorcés peuvent communier et non les remariés)» et s’interroge sur la portée de l’enseignement de Jésus «qui s’adresse à la ‘dureté des cœurs’ et à ceux qui font trop facilement fi d’une engagement sérieux dans le mariage». «Il faut se demander si ces textes s’adressent à tout le monde sans exception ou si, effectivement, il y avait des exceptions».
Vers un retour à la communion
Et le prêtre valaisan de citer en exemple «un conjoint fidèle et irréprochable [qui] se retrouve abandonné avec ses enfants, pour qui le célibat demeure chose impossible à vivre». «Doit-on vraiment traiter cette nouvelle union ‘d’adultère’ et de ‘fruits du péché’ les enfants qui y sont engendrés?»
Lorsqu’il y a une certitude subjective de la nullité du précédent mariage, lorsqu’un conjoint a été «lâchement abandonné», lorsque la demande du couple «relève d’une véritable soif spirituelle prouvée et éprouvée dans la durée», «serait-il impossible de permettre un retour à la communion?», s’interroge Joël Pralong, au terme de sa réflexion. Une question que les évêques français emmèneront certainement, avec d’autres, au prochain synode sur la famille qui s’ouvrira le 4 octobre prochain à Rome. (apic/pp)
Encadrés:
La Vocation et la Mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain: vingt-six théologiens répondent
A la demande des évêques de France, les éditions Bayard ont édité le 28 août 2015 les contributions de 26 théologiens francophones, sollicités pour préparer la seconde partie du synode. Intitulé «La Vocation et la Mission de la famille dans l’Église et dans le monde contemporain: vingt-six théologiens répondent«, cet ouvrage collectif se caractérise par une grande liberté de ton. Y sont abordés les questions du mariage, du célibat, des relations homosexuelles, de l’ouverture à la vie et la contraception, et de l’accès à la communion des personnes divorcées remariées: toutes les grandes questions soulevées par le synode sur la famille. Parmi les contributeurs, outre l’abbé Joël Pralong, figurent le professeur d’Ancien Testament à l’université de Fribourg Philippe Lefebvre ainsi que son homologue Martin Klöckener, professeur de liturgie.
L’abbé Joël Pralong
Ancien infirmier en psychiatrie, Joël Pralong est prêtre dans le diocèse de Sion, actuellement directeur du séminaire diocésain à Givisiez (Fribourg). Amoureux de la Parole de Dieu et passionné d’écriture, il s’intéresse aussi aux voies spirituelles qui aident l’humain à grandir et à devenir pleinement lui-même, avec ses failles, ses manques et ses fragilités. En février 2014, il publiait «Un évangile pour les séparés, les divorcés, les remariés» (Saint-Augustin), une esquisse de réponses afin d’ouvrir des pistes spirituelles aux personnes dans des situations délicates, sans brader pour autant la Parole de Dieu. Il est l’auteur d’une quinzaine de livres, dont «Mais qui a dit que Dieu n’aimait pas les homos?» (Saint-Augustin, 2014), ou encore «Le vertige du suicide, lettre aux proches désemparés» (EDB, 2012).