Brésil: L'Eglise estime que participer à la politique fait partie de sa mission
Brasília, 14.08.2015 (cath.ch-apic) Mgr Sergio da Rocha, président de la Conférence épiscopale du Brésil (CNBB), estime que participer à la politique fait partie de la mission de l’Eglise. Alors que le pays traverse une crise économique et politique majeure, le prélat souligne que l’objectif de l’Eglise catholique est d’intervenir sur des bases d’éthique et de recherche du bien commun.
«En temps de crise, telle que celle que nous vivons aujourd’hui, l’Eglise doit exercer un rôle de prophète: questionner, transformer, sans crainte de déplaire au sens commun», assure Mgr da Rocha dans une interview publiée le 11 août dans le quotidien Correiro Brasiliense. L’archevêque de Brasília, la capitale du pays, a rappelé que, plus que jamais, la CNBB était en faveur d’une profonde réforme politique à même de lutter contre le fléau de la corruption, qui secoue le Brésil ces derniers mois.
A propos de la réforme politique actuellement en discussion au Congrès, Mgr Sergio da Rocha a exprimé sa déception. «Nous espérions beaucoup plus. Ce sujet méritait d’être d’avantage discuté par la société civile. Il est évident qu’il s’agit là d’un thème complexe. Et l’Eglise a particulièrement à voir avec ce sujet! Car personne n’est chrétien uniquement au sein d’une église, ou d’un temple. Cette loi concerne l’ensemble de la société. Mais dans la mesure où elle est débattue sans la participation massive de celle-ci, il est difficile d’espérer que ce projet réponde réellement aux aspirations de la population. Pourtant, il faut écouter davantage pour pouvoir prendre des décisions sages».
«Ne pas être les otages des partis politiques»
Interrogé sur les scandales de corruption qui se multiplient depuis plusieurs mois et qui touchent notamment des responsables du Parti des Travailleurs (PT), dont est issue la présidente du Brésil Dilma Rousseff, le président de la CNBB souligne que le problème de la corruption pouvait justement être en partie résolu à travers la réforme politique. «Le projet de loi aurait pu au moins prévoir des mesures permettant de juguler ce fléau, regrette t-il. Le pape François lui-même a dit que la corruption est une malédiction qui crie aux cieux. C’est quelque chose qui détruit la vie des personnes. Même si nous ne sommes pas très optimistes au regard du texte en discussion au Congrès, nous voulons garder espoir».
Revenant sur les critiques formulées à l’égard de la présence de l’Église dans le débat politique, Mgr Sergio da Rocha a estimé que la politique était trop limitée aux seuls partis. «Nous ne pouvons pas être les otages des partis politiques, a t il assuré. Les peuples et les communautés doivent participer. Dans le cas de l’Eglise, il est clair que nous n’avons pas de prises de position politiciennes ou liées à un quelconque parti. Nous insistons sur l’importance de la participation. Par exemple, la question du financement des campagnes électorales. Si vous parlez avec les gens, personne ne croit que les entreprises financent les frais de campagne par simple patriotisme. Je ne dis pas que cela n’existe pas, mais je trouve légitime de se questionner sur les possibles intentions de ces entreprises. Et il s’agit de ne pas exclure que ce genre de pratiques aient une relation avec la corruption».
«La crise exige d’avantage de prophétie»
Toujours au sujet du financement des campagnes électorales par des entreprises, le prélat a rappelé que la CNBB avait lancé en février dernier, avec le Conseil Fédéral de l’ordre des avocats du Brésil (OAB), un «Manifeste pour la défense de la Démocratie», destiné en particulier à sensibiliser les politiques et l’opinion publique sur ce «danger pour la démocratie». «Nous sommes convaincus qu’il faille mettre un terme à ces pratiques basées sur les intérêts particuliers de groupes et d’entreprises. Nous devons donc créer des mécanismes légaux pour que la politique, les politiciens et les autorités placent le bien commun au-dessus de tout».
La posture critique adoptée par la CNBB n’est pas une nouveauté pour Mgr Sergio da Rocha. «C’est dans la continuité du travail effectué depuis plusieurs années, a t il assuré. La nouveauté, c’est que les moments difficiles que traverse le pays a amené la CNBB à prendre des positions publiques. Mais ce que nous faisons aujourd’hui n’est qu’accomplir la mission de l’Eglise dans les circonstances particulières de crise. La crise exige d’avantage de prophétie. Mais il convient de faire attention: si nous analysons l’origine du mot ‘crise’, il signifie la purification, pour que surgisse quelque chose de nouveau. Nous espérons donc que de tout ce processus de réforme politique, qui est certes douloureux, puisse surgir une nouvelle manière de faire de la politique, une nouvelle manière de servir le peuple». (apic/jcg/rz)